Un traumatisme crânien ne doit jamais être sous-estimé

Dernière mise à jour 21/08/14 | Article
Un traumatisme crânien ne doit jamais être sous-estimé
Les dizaines de millions de spectateurs du dernier Mondial de football ont pu assister à de spectaculaires chocs crâniens. Explications.

Le 13 juillet, lorsque l’Allemand Christoph Kramer est sorti à la 31e minute de la finale contre l’Argentine au Maracanã: quinze minutes plus tôt il avait subi un choc à la tête dans un duel avec Ezequiel Garay. Pourquoi avoir attendu un quart d’heure?

Pendant la première mi-temps de la demi-finale de l’Argentine, c’est Javier Mascherano qui avait chancelé et semblé souffrir d’une blessure à la tête quand celle-ci avait heurté celle d’un joueur néerlandais alors que les deux joueurs tentaient de gagner un ballon aérien. Mascherano a quitté le terrain un moment, puis est vite revenu. Pourquoi est-il revenu?

Pendant la victoire de l’Uruguay face à l’Angleterre, le milieu de terrain Alvaro Pereira s’est blessé après que sa tête a gravement percuté le genou d’un joueur anglais. Il a semblé perdre connaissance pendant quelques instants mais il est resté en jeu. Pourquoi? «En grande partie parce que les règles de remplacement désuètes de la FIFA ne donnent pas aux équipes assez de temps pour évaluer l’état de santé des joueurs potentiellement victimes de commotions cérébrales», explique – images à l’appui – un journaliste sportif sur Slate.fr.

Au-delà du football

A dire vrai, l’affaire dépasse le jeu de football et le sport. Dans l’éditorial de sa prochaine livraison (lire ici, en anglais), la revue médicale spécialisée The Lancet Neurology revient sur le cas d’Alvaro Pereira et appelle les autorités sportives internationales à prendre en considération les problèmes neurologiques à long terme que les commotions cérébrales répétées peuvent causer.

Elle rappelle que la commotion cérébrale est la plus fréquente des lésions cérébrales traumatiques liées au sport et que les effets à long terme des commotions cérébrales répétées sont la démence précoce, la sclérose latérale amyotrophique ainsi que d’autres troubles neurologiques graves. La revue estime que la décision pour les joueurs de revenir à un jeu après avoir subi une commotion cérébrale ne doit être prise que par des professionnels de santé en non par ceux «qui ont un intérêt dans la performance du joueur».

Trois options pour l’entraîneur

En pratique, face à une commotion cérébrale, l’entraîneur d’une équipe de football doit prendre une décision immédiate. Il n’a que trois options:

  1. Faire rentrer un remplaçant et perdre son joueur pour le reste du match.
  2. Faire examiner son joueur pour voir s’il a souffert d’une commotion cérébrale. Mais cela oblige son équipe à jouer à dix jusqu’à ce que l’examen soit terminé. Pour être bien fait, un tel examen prend environ huit minutes et nécessite notamment de demander au joueur de retenir un mot dont il doit se souvenir cinq minutes plus tard.
  3. Faire confiance à son joueur et le faire revenir dans le match au prochain arrêt de jeu.

Dans le cas Alvaro Pereira, l’entraîneur uruguayen a opté pour la troisième option, faisant rentrer le joueur sans vraiment vérifier s’il avait subi une commotion cérébrale. La plupart des entraîneurs auraient pris la même décision. Beaucoup estiment que ce sont là des pratiques d’un autre âge – des prises de risque que le jeu de football ne justifie pas. La question du port du casque est désormais ouvertement posée.

Syndrome de stress post-traumatique

Elle l’est d’autant plus qu’une étude récemment publiée démontre qu’il n’y a pas de traumatisme crânien qui puisse être a priori tenu pour bénin. Il faut ici parler du «syndrome de stress post-traumatique» (SSPT) ou Post Traumatic Stress Disorder. Forgé il y a plus d’un siècle en Allemagne, ce concept a d’abord été associé à tout un éventail de symptômes neurologiques résultant d’accidents industriels ou technologiques. Puis les deux guerres mondiales ont vu les psychiatres militaires s’emparer de cette entité. Elle fut ensuite revendiquée par les pacifistes et les féministes qui en élargirent la palette pour y inclure les séquelles des violences familiales et sociales. On recense aujourd’hui aux Etats-Unis plus de 500 000 soldats déployés en Afghanistan et en Irak depuis 2001 souffrant de ce syndrome de stress post-traumatique qui a fait de très nombreuses victimes par suicide.

Revivre le traumatisme

Le symptôme majeur est généralement la sensation angoissante de revivre la situation traumatisante. Il existe aussi tout un cortège symptomatique variable et mouvant: épisodes de flash-back, troubles de l’humeur, sensations de détresse, situations de dissociation, cauchemars, troubles du sommeil, comportements d’évitement, de détachement, de désaffection vis-à-vis de son entourage, amnésies psychogènes, réactions de sursaut, hypervigilance, etc.

Si elle atteint une forme d’exacerbation chez les anciens combattants, cette situation peut aussi être vécue par nombre de civils. C’est l’un des résultats du travail mené par l’équipe d’Emmanuel Lagarde, directeur du centre de recherche «épidémiologie et biostatistique» (Inserm, Université de Bordeaux). Les conclusions de cette étude, menée en collaboration avec des chercheurs suédois, danois et canadiens, viennent d’être publiées1 dans le Journal de l’Association Médicale Américaine (JAMA) (psychiatrie).

Blessures légères

En pratique, les chercheurs se sont intéressés au devenir de 1300 personnes admises aux urgences du CHU de Bordeaux entre 2007 et 2009 pour un traumatisme. C’est là une situation très fréquente: chaque année, un Français sur dix se rend aux urgences avec un traumatisme à la suite d’un accident. Dans l’immense majorité des cas, les victimes n’ont que des blessures légères et quittent l’hôpital rapidement.

Pour autant, une partie d’entre elles manifesteront des symptômes bien après que les blessures directes aient disparu. Il peut s’agir de maux de tête, de peurs incontrôlables ou encore de douleurs et handicaps divers comme des troubles de la vision ou de l’équilibre ou encore des manifestations d’irritabilité. Ces associations de symptômes (ou syndromes) apparaissent généralement lorsque la vie de la personne a été mise danger ou que cette personne a eu cette perception.

Trente-six symptômes

Les 1300 personnes admises aux urgences ont été contactées trois mois après leur accident. Plus de 500 d’entre elles souffraient d’un traumatisme crânien léger lors de leur admission à l’hôpital, les autres de blessures diverses, toutes d’une gravité légère ou modérée. Les chercheurs ont mesuré la survenue de 36 symptômes qui entrent dans les définitions du SSPT. Au vu de leurs résultats, ils estiment qu’il est en pratique possible, et hautement souhaitable, de détecter les personnes qui développeront un syndrome de stress post-traumatique. Cela permettra d’adapter leur prise en charge.

«Concrètement, ce dépistage et ce suivi ne peuvent être mis en œuvre dans les services d’urgence, explique à Slate.fr Emmanuel Lagarde. Ces services ont leurs propres contraintes souvent considérables et le nombre des personnes potentiellement concernées est beaucoup trop élevé. De plus, il est sans doute préférable que les évaluations psychologiques soient réalisées dans les jours qui suivent le traumatisme crânien initial.»

Pour ce spécialiste d’épidémiologie et de biostatistiques, ce travail conduit à remettre en cause la nosographie (description et classification des maladies) existant dans ce domaine. «Cela n’intéressera que les spécialistes, mais cela pourrait avoir des conséquences pratiques très importantes, notamment en matière d’assurances», explique-t-il. À la suite d’un traumatisme on peut décrire deux syndromes: le syndrome post-commotionnel (SPC), qui survient après un traumatisme crânien léger, et le syndrome de stress post-traumatique (SSPT), observé chez les personnes exposées à une situation stressante au cours de laquelle leur vie – ou celle d’une autre personne – est mise en danger.

Ces deux syndromes sont décrits depuis plusieurs années dans les éditions successives du «Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux» (DSM-V) de l’Association américaine de psychiatrie, qui fait aujourd’hui référence dans le domaine du diagnostic en santé mentale. «Or nous sommes en mesure de soutenir que le syndrome post-commotionnel (SPC) ne mérite pas son nom. D’abord parce que les symptômes qui le composent ne sont pas spécifiques au traumatisme crânien. Ensuite parce que ces symptômes ne surviennent pas de manière concomitante. Il semble que ce SPC ne soit en réalité qu’une partie du syndrome de stress post-traumatique, explique Emmanuel Lagarde. Nos résultats permettent de mieux comprendre la réalité dans ce domaine encore mal décrit dans le domaine non militaire. Dans la population générale, ce syndrome survient chez 2% des personnes blessées, mais ce chiffre passe à 9% lorsque le traumatisme est crânien. Il apparaît aussi être plus fréquent chez les femmes et chez les personnes ayant eu un accident de la circulation. Ou chez celles ayant subi une agression. L’apparition du SSPT est aussi influencée par l’état de santé physique et mental de la victime avant l’accident.»

Prise en charge précoce

Ce sont toutes ces informations qui peuvent permettre au médecin, au psychiatre ou au psychologue, de déterminer si une prise en charge précoce doit être mise en œuvre. S’ils bouleversent la classification des plaintes post-traumatiques (et donc la valeur de ce chapitre du DSM-V), ces résultats ne remettent nullement en question la réalité des souffrances de personnes touchées par ce syndrome. Les symptômes persistent et ont un impact conséquent sur leur qualité de vie. «Il nous semble essentiel désormais de mieux décrire cette réalité pathologique et son origine, résume Emmanuel Lagarde. Et ce d’autant que cette identification a aussi des conséquences importantes en matière d’assurance, de compensation tout comme de politiques de prise en charge et de réinsertion des patients».

__________

1    Un résumé (en anglais) de la publication du JAMA Psychiatry est disponible ici. Ces travaux ont reçu le soutien de la Fondation Réunica et du CHU de Bordeaux.

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