Drainage lymphatique: pour qui et comment?

Dernière mise à jour 05/04/22 | Article
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De nombreux instituts de beauté proposent des massages drainants. Une pratique esthétique à ne pas confondre avec le drainage lymphatique manuel, un traitement à visée thérapeutique indiqué pour activer la circulation de la lymphe à travers le corps et soulager certaines pathologies. Explications.

Des méthodes qui évoluent

La formation au drainage lymphatique a sensiblement changé ces dernières années. Après plusieurs courants d’enseignement qui se sont succédé à partir des principes mis au point par le Dr Emil Vodder au milieu du 20e siècle, les pratiques ont, depuis, beaucoup évolué. Certains gestes empiriques ont été abandonnés, d’autres conservés ou améliorés, et de nouvelles méthodes ont vu le jour. La lymphofluoroscopie, une technique d’imagerie récente, permet aujourd’hui de suivre en temps réel l’effet des manœuvres. Des évolutions qui permettent aux physiothérapeutes formés à la lymphologie de personnaliser les traitements en fonction de la situation du patient et en combinant différentes techniques selon les besoins. «Une ère nouvelle pour le drainage lymphatique manuel est en marche !», se réjouit la Pre Lucia Mazzolai, cheffe du Département cœur-vaisseaux du Centre hospitalier universitaire vaudois.

Des pressions appuyées sur les mollets, les cuisses, le ventre ou les bras, qui donnent instantanément une impression de légèreté: voici résumés en quelques mots les massages drainants proposés par des instituts de beauté et dont la popularité ne cesse de grandir, notamment sur les réseaux sociaux où les adeptes n’hésitent pas à publier des photos avant/après pour illustrer leur efficacité. Seulement voilà: sans indication particulière, ce type de soin n’a pas grand intérêt. 

Entre réduire la peau d’orange et tenter de contrôler une lymphe dysfonctionnelle aux conséquences importantes sur la qualité de vie et la santé des patients, il y a un monde… «Faire des massages à visée esthétique ne fait pas de mal, bien sûr», affirme la Pre Lucia Mazzolai, cheffe du Département cœur-vaisseaux du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Ces massages (non remboursés) peuvent d’ailleurs donner un sentiment de bien-être et assouplir la peau. «Mais ils sont à distinguer de la technique particulière du drainage lymphatique manuel, à but thérapeutique, indiquée spécifiquement en cas de lymphœdèmes ou de lipœdèmes», rappelle la spécialiste. 

Le rôle de la lymphe

Notre corps est traversé par un large réseau de vaisseaux sanguins, accompagnés en parallèle par un réseau lymphatique, où circule la lymphe. Ce liquide blanchâtre assure le transport d’hormones, de nutriments, mais aussi de lymphocytes essentiels au bon fonctionnement du système immunitaire. Il joue également un rôle dans la régulation des liquides au niveau des tissus. 

Lorsque la lymphe circule mal, pour des raisons génétiques ou suite à une infection, une intervention chirurgicale ou un traitement contre le cancer, elle cause un gonflement localisé: on parle alors de lymphœdème (lire encadré). Cette pathologie nécessite un traitement spécifique en deux phases (pris en charge par l’assurance de base), effectué par un physiothérapeute formé en lymphologie. 

Tout d’abord, des séances de drainage intensives. En stimulant les vaisseaux lymphatiques pour les aider à évacuer les liquides de la jambe (ou d’autres parties du corps), le drainage réduit l’œdème et assouplit les tissus. Cette manipulation superficielle à base de pressions et de relâchements n’est pas douloureuse, excepté pour certaines personnes souffrant de lipœdèmes (prolifération du tissu graisseux). À l’issue de la manœuvre, un traitement compressif multicouches par bandage permet de retenir le liquide et éviter qu’il ne revienne trop rapidement dans la zone traitée. Lorsque le membre a diminué de volume de manière significative, le port de bas de compression personnalisés prolonge les acquis du traitement et les séances de drainage peuvent être espacées (phase de stabilisation). «Un drainage lymphatique effectué seul pourra apporter un soulagement immédiat, mais n’entraînera pas de maîtrise de l’œdème sur le long terme», prévient Lucia Mazzolai. 

Comprendre les causes sous-jacentes

En cas de sensation de jambes lourdes ou de gonflements, le médecin angiologue sera en mesure de déterminer s’il s’agit d’un problème de circulation veineuse ou lymphatique. «Il est important de comprendre les causes sous-jacentes du gonflement pour utiliser le traitement approprié», ajoute la spécialiste. Lors de la grossesse par exemple, la sensation de lourdeur dans les membres est souvent due non pas à un problème de circulation de lymphe, mais à un ralentissement veineux. «Dans ce cas, plus qu’un drainage, il est indiqué d’opter pour un traitement compressif, comme des bas», précise la spécialiste. Par ailleurs, le drainage lymphatique est contre-indiqué chez les personnes avec une insuffisance cardiaque (en raison d’un risque de surcharge du cœur) ou une artériopathie sévère. De même, on évite ce soin chez les diabétiques. 

Si vous avez souvent les jambes douloureuses, un gonflement localisé ou un excédent évident de cellulite qui vous fait suspecter une maladie sous-jacente, peut-être serait-il bon d’envisager un bilan veineux ou lymphatique auprès d’un angiologue. En revanche, sans pathologie particulière, quelques principes simples peuvent suffirent à soulager des jambes lourdes. Pratiquer un exercice physique, comme la marche ou la natation, favorise le drainage naturel et la circulation lymphatique. Contrôler son poids est également un bon moyen de prévenir des gonflements.

Le lymphœdème, un problème de santé encore sous-estimé

Le lymphœdème est une maladie chronique et évolutive qui se caractérise par l’accumulation anormale de liquide dans les tissus, formant un œdème et provoquant un gonflement. Cette maladie peut avoir une origine primaire (un dysfonctionnement lymphatique congénital dans 10 % des cas) ou secondaire à un traitement contre le cancer (chirurgie, radiothérapie), à une infection, une intervention chirurgicale ou un traumatisme, qui peuvent également endommager les ganglions ou le circuit lymphatique et mener à un œdème. On estime ainsi qu’environ une femme sur cinq* traitée pour un cancer du sein et 30 à 40 % des patientes opérées d’un cancer gynécologique** développent un lymphœdème.

«Le système lymphatique est comparable à un réseau routier. Dès qu’il se produit un incident sur le parcours (chirurgie, infection…), c’est l’embouteillage, explique Etienne Salvadé, physiothérapeute du Réseau hospitalier neuchâtelois. Le système essaie de trouver des voies annexes pour contourner le bouchon, mais n’y parvient pas toujours.»

Dès lors, un drainage en amont, chez les patients à risque, peut permettre au système de rester actif et fluide.

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* Vignes, S. Lymphœdèmes secondaires des membres. La Presse Médicale 2010.

** Hayes, SC., Janda, M., Ward, LC. et al. Lymphedema following gynecological cancer: Results from a prospective, longitudinal cohort study on prevalence, incidence and risk factors. Gynecol Oncol 2017.

Paru dans Le Matin Dimanche le 27/03/2022.