Messieurs, vos kilos en trop pèsent lourd sur votre santé

Dernière mise à jour 09/07/20 | Article
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Souvent légers sur le sujet, nombre d’hommes voient le surpoids et l'obésité les gagner sans trop s'en préoccuper. Mais le sujet inquiète les experts et l'actuelle crise du COVID-19, pointant l'obésité comme l'un des facteurs de risques, n’a pu que leur donner raison.

Motivé? Trois idées pour commencer

C’est désormais une certitude: à long terme, les régimes frustrants et affamants font grossir. Plus douce et plus exigeante à la fois, la stratégie gagnante se situe plutôt au travers de changements en profondeur. L’objectif: perdre certaines mauvaises habitudes prises au fil du temps, au profit de nouveaux réflexes s’inscrivant dans la durée. Les conseils de Maaike Kruseman, professeure au sein de la Filière Nutrition et diététique de la Haute Ecole de Santé de Genève et auteure du livre Changer de poids, c'est changer de vie*.

Pour commencer, trois suggestions:

  • Ne (plus) jamais se resservir, même si c’était très bon.
  • Limiter les quantités d’alcool absorbées… et les calories (redoutables pour la ligne) qui vont avec.  
  • En finir avec les biscuits et paquets de bonbons dans la voiture.

Pour aller plus loin? L’idéal est de pouvoir dresser un état des lieux en toute objectivité de ce qui est consommé: quoi, quand et en quelle quantité. Pour ce faire, sur une semaine environ, deux techniques possibles: un «journal de bord» où tout sera scrupuleusement notifié ou une Appli permettant de comptabiliser les calories quotidiennement avalées (une balance pourra être utile les premiers jours pour estimer précisément les quantités consommées). A l’arrivée: un tableau implacable, à analyser soi-même ou, sans hésiter, avec l’aide d’un spécialiste.

* Changer de poids, c'est changer de vie, Ed. Planète Santé, 2020

L’arrêt progressif du sport, la sédentarité remplaçant la vie trépidante de l’adolescence, les repas d’affaires s’enchaînant en lieu et place d’assiettes rapidement avalées quelques années plus tôt: pour beaucoup d’hommes, la prise de poids est redoutablement insidieuse. C’est ainsi par exemple que deux modestes kilos supplémentaires chaque année se soldent, c’est mathématique, par vingt de plus après une décennie. Une souffrance pour certains, pas vraiment un souci pour beaucoup d’autres. «80 % des consultations consacrées à l’obésité concernent les femmes. Or la surcharge pondérale est plus fréquente chez les hommes et entraîne, chez eux, davantage de complications telles qu’apnées du sommeil, infarctus du myocarde ou encore atteintes du foie, alerte le Pr Alain Golay, médecin chef du Service d’endocrinologie, diabétologie, nutrition et éducation thérapeutique du patient aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Il est donc crucial de les cibler davantage dans la prise en charge». Une préoccupation croissante qui a d’ailleurs incité la Fondation suisse de l’obésité à choisir la déclinaison masculine de cette problématique comme thème de la Journée de l’obésité 2020, le 4 mars dernier. Les chiffres de l’Office fédéral de la statistique parlent d’eux-mêmes: 51% des hommes sont touchés par le surpoids ou l’obésité* en Suisse, contre 33% des femmes. Et la tendance générale ne va pas en s’arrangeant: en 25 ans, la proportion de personnes obèses a doublé, passant de 6 à 12% chez les hommes et de 5 à 10% chez les femmes.

Une maladie en soi

«Il y a réellement lieu de s’inquiéter, confirme la Dre Lucie Favre, médecin associée au Service d'endocrinologie, diabétologie et métabolisme du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Et ce pour deux raisons. La première est que le surpoids, et plus encore l’obésité, accroissent considérablement le risque de troubles métaboliques (hypertension artérielle, excès de cholestérol, diabète, etc.), mais également celui de voir apparaître des maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, etc.) et de développer certains cancers. On parle de comorbidités. Chez les femmes, s’y ajoute un risque accru de troubles du cycle menstruel; chez les hommes, de troubles liés notamment à la fonction érectile.» Et de poursuivre: «La seconde raison de s’inquiéter est plus vaste encore: l’obésité est une maladie en soi.»

Une maladie chronique complexe et inflammatoire, aux causes et aux conséquences multiples. Dernière illustration en date: l’épidémie de COVID-19. Si les chiffres se discutent encore (dans certains centres, on annonce plus de 80% de personnes obèses parmi les patients intubés aux soins intensifs), le sujet ne fait plus aucun doute: l’obésité est bel et bien un facteur de risque aggravant de COVID-19. «Les autorités ont tardé à l’affirmer, mais c’était prévisible, réagit la Dre Favre. On savait déjà qu’en cas de grippe, de virus comme le H1N1, de pathologies pulmonaires, les patients obèses sont plus souvent et plus gravement atteints.»

Véritable bombe sur le plan inflammatoire 

L’ennemi numéro un? La graisse viscérale. Plus encline à se développer dans l’abdomen des hommes en cas d’excès de poids, «elle représente une véritable bombe sur le plan inflammatoire», souligne le Pr Golay. Un état inflammatoire à bas bruit directement lié à la nature de cette graisse. «Tandis que celle qui se niche sous la peau reste homogène et correctement vascularisée, la graisse qui se développe en profondeur dans l’abdomen est dysharmonieuse et mal vascularisée», explique la Dre Favre. Conséquence: atteintes vasculaires, nécroses et inflammation chronique des organes et du corps dans son ensemble, prédisposant à un éventail de pathologies et aggravant les symptômes en cas d’infection.

«La société évolue vers une moindre stigmatisation des personnes en surpoids ou obèses, et c’est une très bonne chose, analyse la spécialiste. Mais il serait dangereux de banaliser cette problématique. Car la surcharge pondérale n’est pas un état de bonne santé. Sous-estimée et sous-traitée, l’obésité doit être prise en charge pour la maladie qu’elle représente.» Si l’Organisation mondiale de la santé la reconnaît comme telle, ce n’est pas le cas du système de santé suisse. Dès lors, aucun remboursement de soins concernant l’excès de poids n’est prévu, sauf s’il s’accompagne de complication. Une aberration pour de nombreux spécialistes, à l’instar du Pr Zoltan Pataky, médecin adjoint agrégé et responsable de la Consultation d’obésité aux HUG: «On sait que ce n’est qu’une question de temps avant que les problèmes n’apparaissent. En cas d’obésité dite “métaboliquement normale“ – autrement dit ne s’accompagnant d’aucun problème particulier – 25% des patients développent des symptômes au bout de trois ans. Il peut s’agir d’excès de cholestérol ou de sucre dans le sang, ou d’hypertension artérielle. Et bien souvent, ce n’est qu’à ce stade que les hommes, généralement moins préoccupés par leur poids que les femmes, consultent.»

Non-reconnaissance par les assurances

Derrière le frein inhérent au système de santé lui-même, des questions économiques et politiques, évidemment, mais pas seulement. «Cette non-reconnaissance de la maladie par les assurances renvoient sèchement les personnes à leurs responsabilités, déplore la Dre Favre. Le message sous-jacent est simple: “Mangez moins, bougez plus et tout ira bien !“. Sauf que l’obésité n’est pas un choix, ne se résout pas à coup d’injonctions et découle d’une myriade de facteurs liés tant à la vie personnelle qu’à la société dans laquelle nous évoluons, où tout concourt à mal manger et à peu bouger.»

Alors, par où commencer? «Beaucoup peut se jouer au sein du cabinet médical, estime le Pr Pataky. La question du poids gagnerait à être plus souvent discutée, pour suivre l’évolution dans le temps, même si la prise n’est pas spectaculaire. Plus délicat encore à aborder, mais particulièrement révélateur chez les hommes: la santé sexuelle.» Et pour cause, des troubles liés à la fonction érectile et à la libido, une réduction de la taille des testicules ou une moindre pilosité peuvent être le signe d’un hypogonadisme (altération de la fonction testiculaire) causé par l’excès de poids. «Or, pour ces troubles, comme pour beaucoup d’autres découlant de l’obésité, des traitements existent. Et plus la prise en charge est précoce, moins les mesures à prendre sont contraignantes», poursuit le spécialiste. 

L’idéal est alors de pouvoir entreprendre un bilan médical incluant notamment – via une simple prise de sang – analyse lipidique, dépistage du diabète, tests hépatiques, taux de testostérone, ainsi que la mesure de la tension artérielle. La suite? «Elle se fait évidemment au cas par cas, mais une certitude apparaît: la prise en charge la plus efficace est multidisciplinaire», assure le Pr Pataky. Car si le poids est intimement lié à l’histoire de vie de chacun, l’obésité mêle des problématiques physiologiques et psychiques complexes incluant souvent troubles du comportements alimentaires, dépression ou encore déséquilibres hormonaux altérant la sensation de satiété. L’arsenal thérapeutique est alors à ajuster. Il peut inclure conseils nutritionnels, soutien à l’activité physique, physiothérapie, pharmacothérapie, psychothérapie, voire intervention chirurgicale pour les cas d’obésité sévère.

 «Bien sûr la recette du “manger moins et bouger plus“ est importante, ajoute le Pr Pataky. Mais comprendre pourquoi on mange trop et on ne bouge pas assez l’est tout autant. Une réflexion sur sa vie, actuelle et passée, peut être édifiante. La perte de poids commence souvent dans la tête…». Et de rassurer sur l’ampleur du défi: «Une perte même modeste peut avoir des effets spectaculaires. En cas d’obésité, se délester de 10 à 15% de son poids réduit déjà de moitié le risque d’atteintes cardiovasculaires.»

* Surpoids et obésité sont définis selon l’indice de masse corporelle (IMC).

IMC = poids (kg)/taille (cm)2. On parle de surpoids pour un IMC compris entre 25 et 30, d’obésité lorsqu’il dépasse 30. 

Des kilos en trop, moi, vraiment ?

Pas toujours facile de savoir si le nombre de kilos pris avec les années est délétère, et encore moins de repérer les amas de graisse réellement dangereux pour la santé. La Dre Lucie Favre, médecin associée au Service d'endocrinologie, diabétologie et métabolisme du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) décrypte trois méthodes possibles pour faire le point.

L’indice de masse corporelle (IMC):

  • La méthode: IMC = poids (kg)/taille (cm)2. On parle de surpoids pour un IMC compris entre 25 et 30, d’obésité lorsqu’il dépasse 30, et d’obésité morbide au-delà de 40.  
  • Avantage: Facile à déterminer, il constitue un repère fiable et immédiat pour prendre conscience d’une situation de surpoids ou d’obésité.
  • Inconvénient: Il ne révèle pas la proportion de masse grasse présente dans le corps, ni sur les zones exactes où celle-ci s’est accumulée. Pour rappel, la graisse viscérale, située en profondeur au niveau de l’abdomen, est particulièrement néfaste.

Le tour de taille:

  • La méthode: Prendre le tour de taille en positionnant le mètre ruban sur une ligne située à équidistance de la dernière côte et de la crête iliaque. L’objectif: ne pas dépasser 94 cm chez les hommes, et 80 cm chez les femmes.
  • Avantage: Réellement fiable, ce repère a été corrélé avec le taux de graisse évalué par scanner.
  • Inconvénient: La mesure est moins aisée qu’elle n’en a l’air, surtout en cas de ventre proéminent.

Imagerie par «absorptiométrie biphotonique à rayons X» ou DXA

  • La méthode: Examen radiologique permettant d’observer la répartition entre masse grasse et masse maigre dans le corps.
  • Avantage: Mesure particulièrement précise de la composition corporelle et de la répartition des graisses dans le corps.
  • Inconvénient: Même si elle est peu irradiante, l’imagerie par DXA reste un examen radiologique, de surcroît non pris en charge par l’assurance maladie si elle est envisagée dans un seul but préventif.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 31/05/2020.

 

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