Le sirop de maïs va-t-il rendre obèses les Européens?
De quoi on parle
Produit phare de l’industrie alimentaire aux Etats-Unis, le sirop de maïs fait couler beaucoup d’encre. Il se montre plus nocif pour la santé que les sucres ajoutés traditionnels et joue un rôle important dans l’épidémie d’obésité. Jusqu’ici, son utilisation en Europe était limitée par des quotas d’importation. Mais la législation européenne s’assouplira en 2017.
Il est un ingrédient incontournable de l’industrie alimentaire américaine depuis une quarantaine d’années. Le sirop de maïs donne une saveur sucrée aux boissons et aux aliments transformés. C’est un sucre ajouté, au même titre que le sucre de betterave, de canne ou les concentrés de jus de fruits que nous trouvons dans nos produits industriels. Né aux Etats-Unis, il est apprécié notamment pour son fort pouvoir sucrant et son coût très bas. En Europe, son utilisation est limitée par des quotas d’importation. Une situation qui est sur le point de changer en raison d’un assouplissement de la législation européenne prévue en 2017.
Accusé de contribuer à la propagation de l’épidémie d’obésité outre-Atlantique, le sirop de maïs fait polémique depuis plusieurs années. De plus en plus d’études scientifiques s’intéressent à ses effets sur le métabolisme et à son impact sur le poids. Au moment où se décide une libéralisation du sirop de maïs au détriment des sucres traditionnels en Europe, il est important de comprendre quelles en seront les conséquences sur la santé.
Un mélange artificiel
Pour saisir les enjeux, il faut d’abord revenir sur la composition et la fabrication de ce produit. C’est un mélange de glucose et de fructose. A la différence du saccharose (sucre de table), il est produit artificiellement. Comme son nom l’indique, le sirop de maïs provient de l’amidon de maïs. A l’aide de procédés industriels, on extrait d’abord le glucose de l’amidon. Une partie de ce glucose est ensuite transformée artificiellement en fructose, d’où son nom de sirop de maïs «enrichi en fructose». La proportion de fructose varie selon les sirops, entre 40 et 60%. Pour ses détracteurs, c’est cette haute teneur en fructose qui est problématique. Et pour cause, le fructose n’est pas métabolisé de la même façon que le glucose par l’organisme, comme l’explique le professeur Jacques Philippe, spécialiste en endocrinologie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG): «Le glucose, essentiel à notre survie, est métabolisé et stocké comme carburant pour nos muscles et indispensable à notre cerveau. Son taux dans le sang (glycémie) est maintenu en équilibre. S’il est trop haut, on développe du diabète. S’il est trop bas, il y a un risque de perte de connaissance. L’excès de fructose est transformé en graisse, celle-ci va se loger dans nos artères ou dans nos organes.» Le professeur Luc Tappy, de l’Unité de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne, confirme: «Un excès de fructose perturbe le métabolisme car il augmente le taux de lipides dans le sang et favorise par là même le risque de maladies hépatiques et cardio-vasculaires.» Le fructose naturel contenu dans les fruits est lui sans risque, dans la mesure où les doses sont faibles. De plus, ses effets sont modulés par la présence de fibres, de sels minéraux et de vitamines.
Les édulcorants sont loin d’être sains
Un goût sucré, sans les effets nocifs du «pur sucre», c’est la promesse des édulcorants (aspartame, stevia, saccharine, sucralose, acésulfame ou cyclamate, notamment). Affichant zéro calorie, ils permettent certes d’éviter une prise de poids immédiate, mais ne seraient pas sans conséquence pour la santé. Bien au contraire, de l’avis du Pr Jacques Phillipe, des HUG, qui relève trois bonnes raisons de s’en méfier: «La prise d’édulcorants provoquerait des modifications de la flore intestinale (le microbiote) qui contribueraient, chez certaines personnes prédisposées, au développement d’une intolérance au glucose, soit le premier stade avant le diabète.» Ensuite, des effets sur la production de certaines hormones au niveau de l’intestin, également impliquées dans le métabolisme du sucre et donc en lien avec le diabète, seraient également à craindre. Enfin, on suspecte des effets inattendus sur le cerveau: «On se demande si la prise d’édulcorants n’induit pas une addiction chez les personnes prédisposées. En d’autres termes, si cela ne les pousse pas à consommer davantage de sucre pour compenser et répondre à leurs besoins.» Conséquence d’une telle addiction, une prise de poids (que l’on souhaitait éviter au départ) et les autres effets cités ci-dessus. «Beaucoup d’incertitudes demeurent sur ces substances qui existent depuis fort longtemps, mais qui ont été peu étudiées de façon neutre», conclut le spécialiste genevois.
Question de quantité
Mais la quantité ingérée est plus problématique que la nature même de ce sucre. Une alimentation équilibrée, composée de légumes, de fruits, de pommes de terre, de pâtes, etc. garantit un apport suffisant en hydrates de carbone (glucides). «Nous n’avons pas besoin de tous ces sucres ajoutés. C’est l’excès de calories qui est néfaste. Dans les années 70 aux Etats-Unis, on a estimé que chaque personne consommait 0,5 g par jour de sirop de maïs. Cela a grimpé en 2004 à 52,4 g. C’est énorme!» déclare le professeur Philippe. Mais s’il est reconnu qu’il est à ce point mauvais pour la santé, pourquoi l’industrie l’utilise-t-elle autant? «Du fait que c’est un sirop, son pouvoir sucrant est un peu supérieur au saccharose; par ailleurs il cristallise peu. Bon marché, il a en plus l’avantage d’augmenter la durée de conservation des produits», explique Luc Tappy.
Les effets négatifs des sucres ajoutés proviennent en particulier de leur présence massive dans les boissons sucrées. En effet, de nombreuses études mettent en parallèle l’augmentation du poids de la population américaine avec la consommation de sodas. Or l’obésité est pourvoyeuse de diabète, de maladies cardio-vasculaires, de maladies du foie, voire de changements fonctionnels et anatomiques au niveau du cerveau. «Par ailleurs, ajoute le professeur Philippe, il faut rester prudent, car on ne connaît pas encore tous les effets d’un excès de sucre, notamment sur la flore intestinale et les conséquences sur la fonction des intestins.»
Les sucres, une grande famille
La famille des glucides se compose de différents types de sucres, qui se distinguent par leur structure moléculaire et leur vitesse d’absorption. Fructose, glucose, lactose et saccharose sont des sucres simples, composés d’une molécule chimique (monosaccharide) ou de deux (disaccharide). Les sucres complexes, parmi lesquels l’amidon, sont formés d’une chaîne de molécules simples reliées entre elles. Leur digestion consiste à réduire cette chaîne à des molécules simples pouvant être transportées dans le sang. Absorbés plus lentement que les sucres ajoutés et autres produits raffinés, on les qualifie de sucres lents. Ils ont l’intérêt de rassasier davantage et n’ont pas le même effet sur le taux de sucre dans le sang. On dit qu’ils ont un indice glycémique bas. Les produits raffinés et riches en sucre ajouté (pâtisseries, sodas) ont à l’inverse un indice glycémique élevé. Ils provoquent un pic d’insuline rapide, une hormone qui sert au stockage des sucres dans le tissu adipeux, stimulant ainsi la production de graisse.
Présent dans les aliments salés
Pour prévenir l’obésité et les maladies associées, il est recommandé d’avoir une activité physique régulière, de manger équilibré et de consommer le moins possible de produits alimentaires transformés, en particulier de boissons sucrées. Pour ce qui est des sucres ajoutés, l’Organisation mondiale de la santé a récemment revu ses recommandations à la baisse. Leur quantité ne devrait pas dépasser 5% (au lieu de 10%) des apports énergétiques journaliers, soit 25 g en moyenne. Or il faut savoir que ces sucres sont présents dans une bonne partie de l’alimentation industrielle. Non seulement dans les boissons sucrées (une canette de 33 cl de Coca-Cola, par exemple, contient 35 g de sucre) et dans les pâtisseries, mais aussi dans de très nombreux aliments salés (sous forme de sucres «cachés»).
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Obésité
L’obésité est une maladie qui augmente le risque de survenue d’autres maladies et réduit l’espérance et la qualité de vie. Les patients atteints de cette accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle nécessitent une prise en charge individualisée et à long terme, diététique et comportementale.