Du cannabis médical disponible sur ordonnance

Dernière mise à jour 09/03/22 | Article
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À partir de cet été, il sera plus facile de se faire prescrire du cannabis médical. Mais attention au porte-monnaie, car il ne sera pas automatiquement remboursé.

Les médicaments à base de cannabis seront bientôt disponibles sur ordonnance, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir une autorisation exceptionnelle de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Ce changement législatif entrera probablement en vigueur au mois d’août, estime Daniel Dauwalder, porte-parole de l’OFSP. Par «cannabis médical», il faut entendre les médicaments qui contiennent plus de 1% de tétrahydrocannabinol (THC), principal élément psychoactif du cannabis. Ceux-ci seront donc plus faciles d’accès pour un usage thérapeutique, mais la culture et la consommation du cannabis à des fins récréatives resteront interdites.

Ces remèdes se présentent essentiellement sous la forme de sprays, de gouttes ou de capsules. Ils sont soit fabriqués de manière industrielle, soit préparés en pharmacie sur les indications du médecin pour un patient particulier (on parle alors de préparations « magistrales »). Il n’est pas possible d’évaluer le nombre de ces médicaments, précise Daniel Dauwalder. Quant à leurs indications, elles sont assez vastes. Responsable de l’Unité des dépendances aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), la Pre Barbara Broers cite tout d’abord les douleurs chroniques et les contractions musculaires induites par la sclérose en plaques ou certaines maladies neurologiques. 

Une large palette d’indications 

Le cannabis médical est également susceptible d’apporter un soulagement aux personnes souffrant d’un cancer, car il stimule l’appétit et inhibe les nausées et les vomissements. Et il présente un intérêt thérapeutique dans le traitement d’une quantité d’autres pathologies: migraines, glaucome, maladie de Parkinson, syndrome de stress post-traumatique, trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, etc. Chez les personnes souffrant de rhumatismes, on pourrait constater une action anti-inflammatoire, une diminution des douleurs et une amélioration du sommeil, selon la Ligue suisse contre le rhumatisme. En ce qui concerne les éventuels effets secondaires, ce sont par exemple des vertiges, des nausées ou une sécheresse buccale. Le risque de dépendance est considéré comme extrêmement réduit sous contrôle médical. 

De manière générale, les médicaments à base de cannabis sont potentiellement utiles contre les douleurs chroniques qui résistent aux traitements traditionnels. «Ils peuvent constituer une solution de remplacement aux opiacés et aux calmants, qui présentent davantage d’effets secondaires», indique Barbara Broers. «Si l'on se base sur les chiffres disponibles à l'étranger, entre 65’000 et 111’000 Suisses pourraient tirer un bénéfice thérapeutique du changement législatif sur la prescription du cannabis médical», affirme Daniel Dauwalder. Depuis cinq ans, l’OFSP accorde annuellement quelque 2900 autorisations exceptionnelles pour ce type de traitements. Et c’est sans compter les nombreux patients – plus de 100'000 personnes, selon diverses estimations – qui renoncent à s’adresser à un médecin pour se fournir sur le marché noir. 

Le changement à venir devrait leur simplifier la vie, sans les soulager d’un point de vue financier. En effet, le remboursement de ces produits n’est pas prévu par l'assurance maladie obligatoire (LAMal) et se fera uniquement au cas par cas, après consultation d’un médecin-conseil. Motif: on manque encore de preuves scientifiques concernant le bilan coûts-bénéfices. Quel sera le coût d’un traitement? «Il devrait se situer entre 300 et 500 francs par mois, mais il est difficile de répondre de manière précise à cette question, car cela dépendra du produit, du dosage et de l’indication, notamment», explique Daniel Dauwalder. 

À ce tarif-là, on peut douter que tous les patients intéressés demandent une prescription simplifiée à leur médecin. «Les médicaments à base de cannabinoïdes sont chers et peu remboursés, constate Barbara Broers. D’après mon expérience, même dans le cas où ils sont plus efficaces et mieux tolérés que les remèdes conventionnels, de nombreux patients arrêtent le traitement car ils ne peuvent pas le payer. Ils ont alors le choix entre reprendre un remède traditionnel qui leur convient moins bien mais qui est remboursé, ou se tourner vers le marché parallèle. Je crains donc que de nombreux patients continuent à s’approvisionner de cette façon, avec tous les risques liés à des produits non contrôlés que cela comporte.» 

Une loi simplifiée par souci de réalisme

«Mieux exploiter le potentiel du cannabis en tant que médicament»: telle est la volonté du Conseil fédéral. Il faut savoir que l’intérêt pour l’application médicale du cannabis a fortement augmenté ces dernières années. Le nombre d’autorisations exceptionnelles délivrées chaque année par l’OFSP (que ce soit pour une nouvelle demande ou pour une prolongation de traitement) a pratiquement doublé depuis 2015, pour avoisiner les 2900 actuellement. 

Comme la majorité des demandes sont acceptées, la procédure est devenue inutilement «fastidieuse» et les autorisations accordées ne reflètent plus le caractère exceptionnel prévu par la loi sur les stupéfiants, selon l’OFSP. La modification législative dont l’entrée en vigueur est annoncée pour cet été devrait donc régler une certaine incohérence entre le recours croissant au cannabis médical et la classification de cette substance comme stupéfiant interdit.

 

Des traitements surveillés et analysés

À l’avenir, les traitements à base de cannabis seront placés sous la responsabilité des médecins. Il est prévu que la modification de la loi fasse l’objet d’un suivi par l’OFSP pour évaluer l’efficacité et les effets secondaires des médicaments prescrits. Un processus de collecte de données en ligne est prévu à cet effet. Les médecins devront annoncer les traitements et communiquer des données utiles à l’OSFP. «Le but est de suivre l’évolution du patient», déclare Daniel Dauwalder. Trois points de situation sont prévus: le premier au moment de la prescription initiale, un second après une année et le dernier au bout de deux ans ou en cas d’interruption prématurée du traitement. 

Pour l’instant, la liste des données à collecter dans le cadre de ce suivi n’a pas encore été définitivement fixée; elles pourraient concerner, par exemple, le poids du patient.

Les médecins devront de toute façon communiquer des informations sur les traitements eux-mêmes: dates de début et de fin, indications thérapeutiques, éventuelles prescriptions antérieures, etc.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 06/03/2022