«Dry January» ou janvier sans alcool: pourquoi faut-il s’y mettre?

Dernière mise à jour 15/01/21 | Questions/Réponses
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Pour la première fois, la Suisse soutient officiellement la campagne «Dry January» (lire encadré). Lancée en Grande-Bretagne en 2014, elle prône un mois d’abstinence d’alcool en janvier. Selon les experts, ce janvier sec permettrait de sensibiliser la population face à la banalisation de la consommation d’alcool. Pourquoi pourriez-vous y mettre, vous aussi? Les explications de la professeure Barbara Broers et du docteur Thierry Favrod-Coune, tous deux spécialistes en addictologie aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG).

«Dry January» en pratique

  • La règle est simple: une fois le Nouvel An passé, ne pas toucher une goutte d’alcool pendant un mois.
  • Vous pouvez vous inscrire à la campagne Dry January sur le site https://dryjanuary.ch

En participant de manière officielle, vous recevrez deux messages par semaine qui vous encouragent et vous aident à tenir. Les organisateurs vous soutiennent également si vous arrêtez en cours de route.

      

En quoi la campagne «Dry January» est-elle originale?

Barbara Broers (BB): C’est une occasion d’engager un dialogue avec soi-même, de se rendre compte de sa consommation d’alcool dans une société qui ne cesse d’en banaliser l’usage. Cette sensibilisation est très importante pour une personne qui entame une réflexion sur son comportement. Une période d’abstinence lui permet en effet d’expérimenter quelque chose de nouveau et d’envisager des alternatives à la consommation d’alcool. En vivant autrement pendant un temps, de nouvelles portes cognitives peuvent s’ouvrir qui aident à prendre conscience que des rituels bien établis peuvent être vécus différemment. La campagne insiste sur la place de l’alcool dans la vie quotidienne et cherche à proposer des alternatives dont la personne se souviendra plus tard pour diminuer sa consommation. Plutôt que de moraliser, on propose, voilà l’originalité.

Comment «Dry January» aide les personnes dans leur démarche?

Thierry Favrod-Coune (TFC): Lorsque vous vous inscrivez sur le site web (lire encadré), vous recevez des messages qui vous aident à faire autre chose que boire. Par exemple sortir pour une activité physique ou boire une boisson sans alcool. La campagne offre ainsi une forme de soutien, d’accompagnement et de ressort motivationnel.

BB: La campagne mise aussi sur le groupe, ce qui est très intéressant. Lorsque vous arrêtez de boire, le risque est de s’isoler. Là, on vous encourage à le faire ensemble et à communiquer sur votre action dans un ensemble plus large. Cet esprit de groupe dans une démarche de sensibilisation à la consommation d’alcool est un aspect innovant et fondamental de la campagne.

Cet aspect de «challenge» n’est-il pas contre-productif dans ce genre de campagne?

BB: Le nom n’est effectivement pas très heureux. Je préfère celui que les Belges ont choisi: tournée minérale. L’expression est plus positive et plus fraîche.

TFC: Je suis d’accord. Cela dit, cette campagne est tout de même plus participative et communautaire que d’autres qui sont pilotées directement par les autorités sanitaires. C’est aussi pour cette raison qu’elle fonctionne bien sur les réseaux sociaux et avec les outils de communication actuels: elle part d’en bas.

Quels sont les effets à long terme de Dry January sur la consommation d’alcool?

TFC: Ils sont difficiles à estimer. Plusieurs études indiquent que les participants dorment mieux pendant la durée de la campagne. Ils sont aussi plus concentrés. Bref: globalement, pendant la durée de l’abstinence, ils se sentent mieux. Ce qui est important pour l’impact de la campagne à long terme: on se souvient de ce qui nous fait du bien et on recherche à nouveau cet état. Autre point positif à long terme: pour l’instant, aucun effet de rebond n’a été observé. Autrement dit, ce n’est pas parce que les gens se sont privés d’alcool pendant un mois qu’ils compensent le mois suivant. Mais peut-être le plus encourageant: après six mois, de nombreux participants ont réduit leur consommation d’alcool. Sur le très long terme, trop beaucoup d’éléments de la vie quotidienne se mélangent et il devient difficile d’évaluer les effets propres de la campagne sans biais d’interprétation.

Et pour ceux qui échouent, n’est-ce pas un problème supplémentaire?

TFC: Non. Eux aussi ont diminué leur consommation d’alcool à six mois. En fait, ce qui compte dans cette campagne, c’est l’intentionnalité. Découvrir que vivre sans alcool peut faire du sens est déjà un aspect positif.

Y a-t-il une erreur classique qui fait qu’on échoue?

TFC: Les gens oublient souvent qu’il faut anticiper pour ne pas se retrouver piégé dans des situations où il devient presque impossible de ne pas boire. Si vous allez dans une soirée où il y aura de l’alcool, amenez des boissons sans alcool par exemple. Prévoir ce genre de situation à risque n’est pas toujours évident, mais c’est très utile en période d’abstinence.

Comment aider les personnes à contrôler leur consommation d’alcool de manière plus générale?

BB: Ce que nous constatons, c’est que les mesures individuelles ne suffisent pas. Il faut les doubler de mesures structurelles. La diminution de la publicité, le prix des boissons alcoolisées, les achats tests pour protéger les jeunes: toutes ces démarches sont essentielles pour baisser la consommation d’alcool. Une campagne peut être un élément déclencheur ou révélateur, mais il faut surtout proposer un cadre propice pour que la population consomme de manière responsable.

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