Nanomédecine, où en est-on?

Dernière mise à jour 06/01/16 | Article
Nanomédecine, où en est-on?
L’infiniment petit offre quantité de nouvelles applications, en particulier dans le domaine de la santé. Certains nanomédicaments sont déjà utilisés dans le cadre du cancer, une multitude d’autres font l’objet de recherches.

Présentés comme une révolution il y a quelques années, les nanomédicaments font aujourd’hui l’objet de nombreuses études et essais cliniques. «Les nanoparticules représentent un champ de recherche immense dans le cadre de presque toutes les maladies, comme le cancer, Alzheimer, Parkinson et même l’acné», confirme le Professeur Francesco Stellacci, directeur du Laboratoire des nanomatériaux supramoléculaires et interfaces de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Sur le plan international, de nombreux groupes de chercheurs ont déjà obtenu des résultats réjouissants, notamment pour les tumeurs au cerveau et les cancers du foie, grâce à des nanoparticules. Si la nanotechnologie représente un potentiel énorme, c’est parce que de nombreuses maladies commencent à un niveau nano. L’idée est donc d’agir contre la maladie à ce stade nano, tant au moment du diagnostic que de la thérapie, de manière à éviter les traitements lourds utilisés lorsque la maladie s’est déjà bien développée.

L’avantage des nanomédicaments sur l’arsenal médicamenteux traditionnel devrait aussi être de permettre de réduire la toxicité des molécules thérapeutiques, qui peut être particulièrement importante, sur les cellules non atteintes de l’organisme. Encapsulée, la substance active n’est délivrée que là où elle est utile, réduisant ainsi les effets secondaires.

Un espoir pour les pays émergents

Depuis quatre ans, les recherches du Pr Francesco Stellacci, directeur du Laboratoire des nanomatériaux supramoléculaires et interfaces de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), et de son équipe portent sur l’application des nanomédicaments dans le cadre de virus du type Ebola, fièvre dengue et dysenterie, des maladies très communes en Afrique où des milliers de personnes en meurent chaque jour. En collaboration avec deux virologues, les chercheurs espèrent trouver une solution simple et bon marché contre les virus et les bactéries, non seulement en termes de principe actif mais aussi de nanovecteur permettant d’apporter le nanomédicament là où il est nécessaire pour en augmenter l’efficacité.

La difficulté principale du projet réside dans la validation de médicaments différents de ceux déjà existants. «L’argent de la recherche va vers les maladies des pays riches, celles que l’on développe et qui sont la conséquence de notre mode de vie, et non celles des pays pauvres, consécutives à des infections virales ou bactériennes. On peine à obtenir des fonds, alors que 2600 enfants meurent chaque jour de dysenterie», déplore le spécialiste.

Plusieurs obstacles

Totalement innovante, la nanomédecine se heurte néanmoins à différents obstacles. Ainsi, «moins de 10% des médicaments existants sont pensés dans l’optique nano, alors que la dose de composé actif transportée dans les nanovecteurs est souvent très faible. Cette technologie ne fonctionne donc qu’avec des molécules très actives, qui ont un effet à très faible dose», souligne le chercheur. L’autre frein au développement de la nanomédecine, c’est la difficulté à développer de nouveaux médicaments. «Aujourd’hui, nous utilisons des médicaments déjà existants et il n’est pas toujours évident que leur effet en version nano soit aussi bon qu'en version traditionnelle. Parallèlement, il est extrêmement difficile de faire approuver de nouveaux médicaments. On est dans la situation du chat qui court après sa queue pour essayer de l’attraper…», poursuit le spécialiste.

Enfin, pour prouver que les effets attendus d’un médicament sont bien présents et imaginer une entrée possible sur le marché, on doit pouvoir modéliser les études en grand. Or les nanomédicaments sont extrêmement chers à concevoir, si bien que l’industrie pharmaceutique hésite encore à investir vraiment le domaine.

Une technologie survendue

Il y a une dizaine d’années, la nanomédecine était considérée comme une révolution. Aujourd’hui, le Pr Stellacci nuance: «Le terme de révolution est trop fort. Ce n’est pas comparable aux travaux sur les vaccins ou à ceux de Pasteur sur la pénicilline! Il faut être réaliste: les nanomédicaments ont été survendus. Mais il est important de savoir que cette approche peut aider la médecine à devenir plus technologique, à atteindre un niveau encore plus haut, et que les nanomédicaments seront un élément supplémentaire dans la prise en charge des patients.»

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