Face au diabète gestationnel

Dernière mise à jour 04/03/24 | Article
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Touchant près de 10% des femmes enceintes, le diabète gestationnel expose à un risque de complications pour la mère et l’enfant. Mais des solutions existent pour l’endiguer, sans forcément recourir à des médicaments.

Anxiogène, obsédant ou hautement agaçant selon les jours, le diabète gestationnel s’invite de plus en plus souvent dans les grossesses. En cause: principalement l’augmentation du surpoids et de l’âge des femmes enceintes. Pourquoi? L’explication se trouve du côté des mécanismes sous-jacents à ce diabète propre à la grossesse. «Celle-ci constitue un test pour l’organisme puisqu’elle démultiplie les besoins cardiovasculaires, respiratoires et métaboliques, tout en bouleversant de nombreux processus physiologiques, explique la Dre Bénédicte Le Tinier, médecin adjointe responsable de l’Unité de consultation prénatale des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Concernant la gestion du sucre notamment, un phénomène se produit au deuxième trimestre de grossesse, à l’interface du placenta. Sous l’influence de l’hormone lactogène placentaire, l’organisme devient plus résistant à l’insuline afin de dériver le sucre vers le placenta pour alimenter le fœtus. C’est cette adaptation qui peut ouvrir la voie au diabète gestationnel.»

Côté alimentation: cinq stratégies clés

Pour limiter les risques de diabète gestationnel et favoriser le bien-être au sens large, les conseils de Sybille Schenk, diététicienne au Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme et au Service d’obstétrique du CHUV.

  1. Boire de l’eau et surtout de l’eau. Sources de calories liquides et sucrées, sodas et jus de fruits ont tendance à affoler la glycémie.
  2. Miser sur des aliments sains et naturels. Recette immuable, l’assiette idéale se compose de légumes, féculents (si possible complets) et protéines de qualité.
  3. Éviter le piège du grignotage. Exposant à de délétères yo-yo de sucre dans le sang, le grignotage a aussi tendance à brouiller les sensations de faim.
  4. Tenir compte de toutes les sources de sucre. Si bonbons et pâtisseries ne cachent pas leurs penchants sucrés, d’autres aliments sont plus sournois: plats industriels, crèmes desserts, etc.
  5. Manger à sa faim. Si l’idée n’est pas de manger «pour deux», la grossesse peut transformer l’appétit et les envies. La clé: s’écouter pour identifier ses besoins et les vraies sensations de faim.

Pour rappel, l’insuline produite par le pancréas permet de transférer et stocker une partie du sucre provenant de l’alimentation dans certains organes, comme le foie et les muscles. En augmentant la résistance à l’insuline, l’hormone lactogène placentaire contrarie cette action de stockage et expose à un excès de sucre dans le sang (hyperglycémie). Si ce phénomène s’installe, on parle de diabète gestationnel. «Pour l’éviter, l’organismedoit augmenter sa production d’insuline. Autrement dit, le pancréas doit "travailler"plus», résume la Pre Jardena Puder, médecin adjointe au Service d'obstétrique du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). 

Risque doublé après 30 ans

Et c’est là que des différences apparaissent. En cas de surpoids, de prédispositions génétiques (dans la famille ou en lien avec certaines ethnies), de syndrome des ovaires polykystiques ou simplement avec l’âge, deux obstacles se profilent: le pancréas devient moins capable de s’adapter et la résistance à l’insuline augmente. «Le risque de diabète gestationnel est ainsi par exemple multiplié par deux chez les femmes âgées de plus de 30 ans et par six en cas d’indice de masse corporel* supérieur ou égal à 30 avant la grossesse», précisela Dre Le Tinier. 

Ne donnant pas forcément lieu à des symptômes «visibles», les effets délétères du diabète gestationnel sont pourtant bien réels, pour la femme enceinte comme pour le fœtus. Parmi les risques les plus fréquents: pour la mère, prééclampsie (trouble associant hypertension artérielle et atteinte rénale); pour le fœtus, macrosomie (poids de naissance supérieur à 4 kg) exposant à des complications lors de l’accouchement et risque d’hypoglycémie à la naissance. Et ce n’est pas tout: «Le diabète gestationnel peut avoir une incidence sur le long terme, à la fois pour la femme, dont le risque de développer un diabète de type 2 est multiplié par dix, et pour l’enfant, qui a lui aussi un risque accru de diabète, mais également d’obésité plus tard dans sa vie», indique la Pre Puder. Et d’ajouter: «Aussi sérieux que soit ce trouble, il est tout sauf inéluctable et surtout en partie réversible. Tout l’enjeu est de le repérer au plus tôt et d’actionner ensuite les bons leviers.» 

Améliorer l’hygiène de vie

Si son dépistage «classique» se déroule entre la 24e et la 28e semaine de grossesse par le biais d’une hyperglycémie provoquée (prise de glucose au laboratoire), un contrôle du taux de sucre dans le sang (glycémie) à jeun en début de grossesse s’impose en cas de facteurs de risque et peut faire la différence. «Améliorer précocement l’hygiène de vie peut vraiment réduire le risque de diabète gestationnel», souligne la Dre Le Tinier, avant de rappeler les leviersles plus efficaces: «Être active physiquement, avoir une alimentation équilibrée, un sommeil suffisant et limiter la prise de poids en tenant compte de son IMC en début de grossesse.» 

Autant de bons réflexes qui se muent en alliés, en prévention comme en premier «traitement» si le diabète gestationnel survient. «Près de 70% des femmes que nous suivons pour ce trouble parviennent à équilibrer la situation uniquement en agissant sur leur hygiène de vie, mais un contrôle de la glycémie plusieurs fois par jour et un suivi précis de la courbe de croissance du fœtus restent indispensables. Au fil du temps, ces contrôles s’espacent si tout va bien ou à l’inverse indiquent qu’un traitement médical s’impose», indique la Pre Puder. Aujourd’hui, le traitement phare reste l’insuline, administrée sous forme d’injections quotidiennes. 

La suite se dessine après la naissance, y compris pour la mère. «Pour toute femme qui a souffert d’un diabète gestationnel, un contrôle s’impose aux alentours de la 7e semaine après l’accouchement, puis au cas par cas», poursuit l’experte. Et de conclure: «Le diabète gestationnel est souvent une épreuve pour la femme, mais il peut aussi être considéré comme une chance, celle d’avoir ainsi découvert son risque de développer un diabète plus tard dans sa vie. Il peut représenter une fenêtre d’opportunités et une réelle motivation pour soigner durablement son hygiène de vie.»

L’importance (aussi) de bouger

Pilier de l’hygiène de vie, l’activité physique est particulièrement précieuse durant la grossesse. Les conseils de la Dre Bénédicte Le Tinier, médecin adjointe responsable de l’Unité de consultation prénatale des HUG.

  1. Viser une activité physique adaptée. En s’assurant de l’absence de contre-indication médicale, l’activité physique choisie durant la grossesse se veut douce et régulière, à raison d’au moins trente minutes par jour cinq fois par semaine.
  2. Routine «bien-être». Durant la grossesse, sauf cas exceptionnel: la marche à pied quotidienne est à adopter sans hésiter.
  3. Quand la prudence s’impose. Aux adeptes de sport extrêmes, toutes les activités exposant à un risque de chute ou de coups sur le ventre sont à proscrire durant la grossesse.
  4. Gare aux blessures. Sous l’influence des hormones, une hyperlaxité ligamentaire survient, augmentant le risque de lésions articulaires (du genou en particulier).

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* Indice de masse corporel (IMC) = poids (kg)/taille (cm)2

Paru dans Le Matin Dimanche le 03/03/2024

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