«Nous assistons à une recrudescence des maladies cardiovasculaires»

Dernière mise à jour 24/10/23 | Questions/Réponses
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Professeur associé à la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne et médecin cadre au Département promotion de la santé et préventions d’Unisanté, David Nanchen donnait en mars dernier une leçon inaugurale sur le thème «Cholestérol et prévention cardiovasculaire: en mouvement!». L’occasion d’un coup de projecteur étayé sur les maladies cardiovasculaires –qui restent la première cause de mortalité en Suisse et dans le monde– et sur l’un des plus puissants leviers à disposition: l’action sur le style de vie.

      

BIO EXPRESS

1976: Naissance à Sierre.

2001: Diplôme fédéral de médecine, Université de Lausanne (UNIL).

2009: Titre de spécialiste FMH en médecine interne générale. Thèse de doctorat en médecine, UNIL.

2012: Maîtrise en sciences en épidémiologie clinique, Erasmus Medisch Centrum, Pays Bas.

2014: Maître d’enseignement et de recherche, Faculté de biologie et de médecine (FBM), Lausanne.

2018: Privat Docent, FBM, Lausanne.

2022: Professeur associé, FBM, Lausanne.

Infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux (AVC) et autres maladies cardiovasculaires sont responsables de près d’un tiers des décès en Suisse, faisant d’elles la première cause de mortalité. La prévention constitue-t-elle une arme réelle pour les contrer?

Pr David Nanchen: C’est certain. Face à ces pathologies, les messages de prévention jouent un rôle central, à la fois pour limiter leur apparition et pour les dépister avant qu’un problème aigu ne survienne. Les maladies cardiovasculaires ont une particularité: le délai entre le moment où les premières lésions s’installent (comme des dépôts de cholestérol au niveau des artères) et celui où les incidents comme l’infarctus du myocarde se produisent se compte généralement en décennies. On peut parler d’un temps d’incubation record.

Cette spécificité nuit-elle aux messages de prévention?

Malheureusement oui, car aucun symptôme ne vient alerter sur ces phénomènes délétères mais silencieux. Et même si une personne constate au détour d’un bilan sanguin qu’elle a un taux de cholestérol ou de triglycérides (graisses dans le sang) trop élevé, la mise en d’œuvre d’actions pour endiguer le problème peut ne pas lui apparaître forcément prioritaire ou urgente.

Ces actions reposent-elles principalement sur le style de vie?

Il s’agit en tout cas du premier levier à actionner lorsqu’un excès de cholestérol (on parle d’hypercholestérolémie) ou de triglycérides est révélé. Et il est extrêmement puissant. Mais il est important de rappeler que de nombreux facteurs de risque sont en jeu; certains sont modifiables, d’autres pas. Les premiers sont en lien avec l’obésité, une alimentation déséquilibrée, le tabagisme ou encore l’hypertension artérielle. Ces facteurs agissent sur deux plans. Ils vont à la fois favoriser des taux excessifs de cholestérol ou de triglycérides, mais également exposer eux-mêmes à un risque accru de maladie cardiovasculaire. Et puis, il y a les paramètres dits non modifiables, comme l’âge et les facteurs familiaux (5% de la population souffre d’une hypercholestérolémie sévère, dont 30% sont d’origine génétique). Ainsi, selon le profil de la personne et les taux de cholestérol ou de triglycérides qu’elle présente, un traitement médicamenteux peut s’imposer, en plus des mesures à entreprendre sur le style de vie.

Existe-t-il une démarche idéale pour améliorer son style de vie, dans la perspective notamment de limiter le risque de maladies cardiovasculaires?

La stratégie est à adapter au cas par cas selon les facteurs de risque en présence et le bilan médical de la personne. Mais le socle de la prévention est assez universel. Il repose sur une alimentation saine et équilibrée, une activité physique suffisante, l’absence de tabagisme ou encore le contrôle de l’hypertension artérielle. L’un des conseils clés est d’améliorer ce qui peut l’être de façon progressive, sans mettre la barre trop haut ou générer de stress inutile. Concernant l’alimentation par exemple, l’idée est moins de supprimer radicalement certains aliments que de tendre vers une alimentation globalement plus équilibrée. Cette démarche évite une frustration pouvant aboutir à des compensations plus délétères encore que les défauts alimentaires que l’on cherchait à corriger. Concernant l’activité physique, l’idée est la même, à savoir s’améliorer progressivement en tenant compte d’un changement de paradigme important: on sait aujourd’hui que chaque mouvement compte.

Il ne s’agit donc plus de viser à tout prix les trente minutes d’activité physique quotidiennes conseillées?

Ce repère reste important et peut être une source de motivation en soi pour certaines personnes. Pour d’autres, il peut décourager… Les études scientifiques montrent aujourd’hui que toute mise en mouvement compte, même si elle semble modeste. Il s’agit ainsi d’adopter de nouveaux réflexes au quotidien pour bouger davantage: prendre l’escalier plutôt que l’ascenseur, se lever régulièrement et faire quelques pas dans une journée de bureau, prendre son vélo plutôt que le bus, etc. Autant de changements qui, cumulés et adoptés sur le long terme, ont une réelle portée sur la santé cardiovasculaire. On peut même parler d’un médicament en soi et sans doute l’un des plus puissants.

Toutefois, dans certains cas, de «vrais» médicaments sont nécessaires, comme les statines en cas d’hypercholestérolémie. Ces dernières restent craintes, en raison notamment de leurs effets secondaires…

Oui, des appréhensions demeurent, malgré les résultats des études scientifiques qui se multiplient et attestent tant de leur innocuité que de leur efficacité. Il est vrai que chez certains patients, les statines peuvent causer des douleurs musculaires notables. Ces effets secondaires ne sont toutefois pas inéluctables: parfois, une pause dans le traitement suffit à les endiguer, dans d’autres cas, d’autres classes de médicaments peuvent être proposées.

Reste la question des dépistages, comme ceux reposant sur un bilan sanguin régulier ou ceux proposés par le Bus Santé d’Unisanté ou celui des Hôpitaux universitaires de Genève. À partir de quand y recourir?

Un dépistage régulier est recommandé dès l’âge de 40 ans, voire plus tôt en cas de facteurs de risque tels que l’obésité ou des antécédents familiaux de cholestérol élevé ou de maladie cardiovasculaire. Nous avons initié une vaste étude sur les résultats du dépistage cardiovasculaire par le Bus Santé d’Unisanté. Les premiers résultats sont attendus en 2024.

Vous avez également mis à point l’étude Catch, destinée aux personnes atteintes d’hypercholestérolémie familiale, dont les résultats sont attendus dans les mois à venir. Quels sont ses objectifs?

Cette étude cherche à mieux comprendre la génétique des hypercholestérolémies sévères en Suisse. Nous étudions la façon dont la maladie se transmet et se dépiste dans les familles à risque. On estime que 40'000 Suisses sont concernés, mais seuls 15% d’entre eux le savent. Or cette connaissance est essentielle pour ajuster le suivi médical et prendre d’autant mieux soin de sa santé. Aujourd’hui, le dépistage génétique de l’hypercholestérolémie familiale n’est pas remboursé par l’assurance maladie, ce qui peut priver certains patients d’un suivi approprié. Pour ces personnes comme pour l’ensemble de la population, les efforts entrepris sur le dépistage, y compris grâce à de nouveaux outils, sont particulièrement précieux.

Quels sont ces nouveaux outils?

Il s’agit notamment du scanner thoracique et de techniques d’ultrasons permettant d’évaluer la santé des artères et de visualiser l’ampleur des dépôts de cholestérol qui peuvent s’y trouver. Ces examens, de plus en plus accessibles, permettent de rendre visibles des dommages imperceptibles pour les patients. L’ensemble de ces actions est d’autant plus important qu’on observe aujourd’hui un phénomène inquiétant: après une baisse observée durant quarante ans, nous assistons ces dernières années à une stagnation, voire une recrudescence des maladies cardiovasculaires. Cette hausse est sans doute en partie en lien avec l’augmentation de l’obésité, un autre enjeu majeur de santé publique.

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Paru dans Planète Santé magazine N° 50 – Octobre 2023

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