Toujours en retard: et si c’était un TDA-H?

Dernière mise à jour 02/12/13 | Article
Toujours en retard: et si c’était un TDA-H?
Il nous est tous arrivé de faire attendre quelqu’un sous la pluie ou de rater un train. Mais quand le retard devient systématique, qu’il se double de difficultés de concentration, d’impulsivité, et d’une impatience perpétuelle, il peut cacher une pathologie bien réelle, mais souvent mal comprise: le trouble du déficit de l’attention et/ou hyperactivité (TDA-H).

Face aux reproches d’une famille excédée par ses retards, aux rendez-vous manqués et au stress permanent, Tina* s’est adaptée: un réveil calé aux aurores pour des rendez-vous en milieu de matinée, une montre avancée de plusieurs minutes, et un livre toujours dans son sac quand elle arrive, du coup, beaucoup trop tôt. Lorsqu’elle a appris, il y a deux mois, qu’elle souffrait d’un trouble de l’attention et d’hyperactivité, la jeune femme, aujourd’hui âgée de 30 ans et enseignante, confie que le choc a été rude. «Le diagnostic m’a fait faire un bond dans le passé, repenser à mes difficultés d’enfant agitée, toujours en décalage par rapport à ce qu’on attendait de moi, aux stratégies que j’ai mises en place pour répondre aux exigences, des autres, des études, de mon travail. C’est à la fois perturbant et rassurant de découvrir qu’il s’agissait d’un dysfonctionnement réel, biologique, quelque part dans mon cerveau…».

Le TDA-H s’expliquerait par un déficit en dopamine, l’un des neurotransmetteurs régulant notre système nerveux. Le retard chronique n’est que l’une des parties visibles, et en apparence banales, de ce trouble complexe où cohabitent problèmes de gestion du temps, procrastination (réflexe de remettre à plus tard toute obligation), troubles de concentration, impulsivité. «Probablement pour contrecarrer ce déficit en dopamine, les personnes souffrant d’un TDA-H sont très dépendantes de tout ce qui peut apporter une satisfaction immédiate, explique le Dr Nader Perroud, médecin adjoint agrégé au département de santé mentale et de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Toute tâche perçue comme agréable passe souvent avant les contraintes du quotidien telles que les horaires de bureau ou un rendez-vous chez le dentiste! Et ce besoin de "récompenses" est insatiable. Les individus concernés vont entreprendre plusieurs choses à la fois, s’ennuyer très rapidement, s’emporter au moindre désaccord. Tout cela est rarement sans conséquence sur la vie familiale et professionnelle».

François en a fait l’expérience: trois mariages, des relations tendues avec ses enfants, peu d’amis, une carrière menée sur le fil… Ce brillant avocat de 50 ans, qui a lui aussi connu un diagnostic tardif de TDA-H, témoigne d’un quotidien tiraillé entre besoin de satisfactions et mises en danger perpétuelles. Dernier exemple en date? «Je me suis rendu en Afrique du Sud il y a quelques jours pour donner quatre conférences, raconte-t-il. J’ai repoussé leur préparation jusqu'au dernier moment… pour finalement devoir improviser devant 300 personnes. Au final, je m’en suis sorti, mais au prix d’un stress énorme et d’une dispute avec mon épouse. Et tout est comme ça: je pars cinq minutes avant un rendez-vous à 60 kilomètres, je perds tout, tout le temps, je m’ennuie à table, je quitte le cinéma avant la fin du film. C’est assez invivable… mais je me soigne!»

Si le TDA-H ne peut, à proprement parler, disparaître, les symptômes peuvent être en effet soulagés par deux thérapies complémentaires: le traitement médicamenteux à base de méthylphénidate (Ritaline ou un de ses dérivés) ou d’atomoxétine, et la thérapie comportementale et cognitive. «En complément du médicament, qui va aider à un apaisement général, la psychothérapie vise à travailler les situations du quotidien pour améliorer la concentration, l’anticipation, et refréner l’impulsivité. La combinaison des deux donne de bons résultats», constate le Dr Perroud.

Des symptômes souvent implacables

«Enfant qui ne tient pas en place», «dans la lune», «toujours en retard», autant d’appréciations de l’école, souvent en écho à des comportements similaires à la maison, qui peuvent présager d’un trouble du déficit de l’attention et hyperactivité (TDA-H). Le diagnostic pourra être posé par le pédiatre, en fonction de critères précis énoncés par le DSM-V (Manuel diagnostic et statistiques des troubles mentaux). Et, comme pour les adultes, un traitement à base de méthylphénidate (Ritaline ou un de ses dérivés) ou d’atomoxétine pourra être proposé, avec des résultats souvent spectaculaires.

Pour les adultes, le diagnostic est établi par un psychiatre. Deux séries de neuf questions, dictées par le DSM-V, sont proposées. Un total de réponses affirmatives supérieur à cinq sur neuf pour l’une ou l’autre série confirmera le trouble de l’attention, et permettra d’évaluer s’il se double, ou pas, d’hyperactivité. Le diagnostic pourra être confirmé par des tests neuropsychologiques.

Le TDA-H n’a pas encore livré tous ses secrets à la science, mais la multiplicité des cas dans certaines familles laisse augurer de son origine génétique. La pathologie n’apparaît ainsi pas du jour au lendemain, mais existe dès l’enfance. Les chiffres rapportent une prévalence de 6 à 8% des enfants et 2 à 4% des adultes. Des pourcentages qui font penser à une disparition avec l’âge. Ce qui n’est, en réalité, pas forcément le cas: «une proportion moindre à l’âge adulte pourrait s’expliquer par un meilleur auto-contrôle. Il se fait toutefois souvent au prix d’un tiraillement intérieur important, d’un flux de pensées accélérées, dont découlent des troubles de concentration et d’attention», poursuit le spécialiste.

Toujours mieux prise en charge et diagnostiquée, la pathologie reste mal comprise: «encore aujourd’hui, et malgré la pose du diagnostic, mes proches restent sceptiques, déplore Tina. Pour eux je suis en retard, comme d’autres sont tristes ou joyeux! C’est vraiment plus compliqué que ça…»

* Nom d’emprunt

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