Le méningocoque est parvenu à se transmettre lors de relations sexuelles

Dernière mise à jour 08/06/16 | Article
Le méningocoque est parvenu à se transmettre lors de relations sexuelles
La bactériologie n’est pas une science avare de surprises. Ainsi croyait-on tout savoir sur le méningocoque, ses méningites et ses septicémies.

Le méningocoque est une bactérie responsable notamment de la méningite cérébro-spinale et de la méningococcémie. La contagion peut se faire à partir de sujets sains porteurs du germe et se fait pratiquement toujours par voie directe. La salive, les éternuements... mais aussi le sperme. Au terme d’une fructueuse collaboration, des chercheurs de l’Institut Pasteur, des universités allemandes de Würzburg, Münster et Greifswald, du Robert Koch-Institut et de l’Institut de veille sanitaire (InVS), viennent d’identifier un variant sexuellement transmissible du méningocoque. Une première détaillée dans PLoS ONE1.

Cas franco-allemands

Il s’agit ici de résultats obtenus à partir des données issues de l’épidémie d’infections à méningocoques C de 2013 – une épidémie qui avait touché des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) aux États-Unis et en Europe. Act-Up Paris, une association de lutte contre le sida, déclarait en juillet 2013: «L’Agence Régionale de Santé de l’Ile de France a signalé, au cours du mois de juin [2013], trois cas de personnes ayant déclaré une infection à méningocoque C. Ces cas sont survenus chez des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) et qui fréquentent des lieux de convivialités ou de rencontres au centre de Paris. 3 cas d’infections invasives à méningocoque (IIM) de sérogroupe C liées à des souches de phénotype identique ont été signalés en Ile de France entre le 13 et le 20 juin 2013 chez des hommes homosexuels âgés de 29 à 46 ans.»

Vigilance

«Cette situation de 3 cas groupés ne constitue pas à ce jour une situation épidémique, précisait l’association dans son communiqué. Cependant des éléments épidémiologiques incitent à une vigilance particulière. En effet, une épidémie d’infection à méningocoque C a été observée entre 2010 et février 2013 chez des HSH dans la ville de New-York. Au total, 22 cas ont été décrits avec 7 décès. Il n’y a plus de nouveaux cas signalés depuis le 15 février 2013. 3 cas d’infections à méningocoque C sont survenus récemment en 2013 chez des HSH en Allemagne, un en février et deux en mai (contacts directs entre ces deux cas). Un cas d’infection à méningocoque chez un HSH a également été identifié en Belgique en mars dernier.»

Le Haut Conseil de la santé publique avait alors aussitôt élaboré de nouvelles recommandations vaccinales anti-méningocoques. Elles visaient  «les HSH vivant en Ile-de-France et qui allaient fréquenter les lieux de convivialité ou de rencontre gays parisiens ainsi que les HSH résidant en France et souhaitant se rendre à un ou des rassemblements gays organisés sur le territoire national ou en Europe». L’étude des souches isolées au cours de cette bouffée épidémique a permis aux chercheurs allemands et français de découvrir qu’il s’agissait d’une nouvelle souche invasive ayant évolué très récemment.

Adaptation anaérobique

Cette souche présente notamment des mutations qui lui permettent de se développer sans oxygène – un phénomène rarement observé chez les méningocoques mais qu’on retrouve chez le gonocoque. C’est là une évolution a priori inquiétante où l’on voit une souche bactérienne s’adapter à la transmission sexuelle – plasticité associée à un caractère hautement pathogène et à de nouvelles propriétés invasives. Il faut aussi désormais compter avec un nouveau réservoir humain de la bactérie, les voies urogénitales venant s’ajouter à celui, bien connu, de la gorge.

L’émergence de la nouvelle souche «révèle que les méningocoques sont extrêmement souples et qu’ils s’adaptent efficacement à de nouvelles conditions», souligne Ulrich Vogel, responsable du laboratoire de référence des méningocoques de l’Université de Würzburg. La démonstration de l’existence d’un mécanisme génétique impliqué dans la transmission sexuelle du méningocoque C vient, s’il en était besoin, confirmer l’importance des campagnes de vaccination à destination des populations les plus à risque.

En pratique les chercheurs ont séquencé le génome entier de souches isolées dans des prélèvements urétraux effectués en 2013, puis ils ont comparé la totalité des protéines exprimées à celles détectées dans des échantillons d’autres patients. En Allemagne et en France, les souches de méningocoques isolées appartenaient au même groupe (complexe clonal 11).

Inquiétudes

Tout cela ne manque pas d’inquiéter le Dr Muhamed-Kheir Taha, responsable du Centre national de référence des méningocoques de l’Institut Pasteur de Paris et premier signataire de l’étude: «La présence de méningocoque dans les voies génitales, chez l’homme et chez la femme, est un phénomène qui a déjà été observé par le passé, mais il s’agissait toujours de souches très différentes les unes des autres, qui n’étaient pas hautement pathogènes. Le méningocoque était simplement passé de la gorge aux voies respiratoires. Ce qui change avec notre étude, poursuit le chercheur, c’est que nous avons une souche particulière qui appartient à une famille génétique hautement pathogène, hautement transmissible, avec des cas mortels et que l’on trouve dans les voies génitales, mais qui est également impliquée dans des infections invasives.»

Le Dr Muhamed-Kheir Taha poursuit en expliquant que, «Pour qu’il y ait invasion, il faut que la  bactérie passe "du côté obscur de la force", c’est-à-dire qu’il faut qu’elle traverse la barrière épithéliale et qu’elle passe dans le sang et s’y propage. La présence du méningocoque à la surface des muqueuses est une infection, mais pas une infection invasive. 2013 c’est l’explosion de l’événement mais cela fait probablement une dizaine d’années que la bactérie a commencé à se propager par voie sexuelle.»

Loin de la communauté gay

Après la première recommandation d’élargissement de la vaccination de 2013 dans la région parisienne, celle-ci a été étendue, au-delà de 25 ans, à toutes les personnes qui fréquentent les lieux de convivialité de la communauté gay, et pas seulement à la communauté homosexuelle ou aux HSH.

«Début 2016, cette recommandation a, en France, été prolongée jusqu’à la fin de l’année et étendue pour l’ensemble du territoire car on s’est aperçu que cette souche commençait à sortir de la région parisienne, et même à sortir de la communauté gay et HSH, souligne le Dr Taha. On la trouve maintenant chez des gens qui n’ont pas du tout de lien avec la communauté gay.»

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1. Evolutionary Events Associated with an Outbreak of Meningococcal Disease in Men Who Have Sex with Men.

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