La myopie en question

Dernière mise à jour 14/03/24 | Article
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Des yeux qui se plissent pour mieux voir au loin, des maux de tête ou encore, pour les plus jeunes, de récurrentes fautes de copie sur les cahiers: la myopie sème le trouble au quotidien. Si elle peut sembler banale, elle n’en est pas moins à prendre en charge dès que possible, tant en raison de ses répercussions (sur les apprentissages notamment) que de ses conséquences sur nos yeux, pas si anodines au fil du temps.

Qu’est-ce que c’est?

La myopie est un trouble de la réfraction affectant la vision de loin, qui devient floue, tandis que la vision de près, elle, reste nette. À l’origine du problème: un défaut de l’œil qui, au lieu de projeter correctement les rayons lumineux sur la rétine, les fait converger en amont de celle-ci (voir schéma). Conséquence: l’image qui lui parvient, et qu’elle transmet au cerveau via le nerf optique, manque de netteté. Si la cornée (première barrière de l’œil franchie par les rayons lumineux) et le cristal­lin (lentille située à l’arrière de l’iris) sont impliqués dans ce dysfonctionnement, c’est surtout la longueur de l’œil qui en est la cause. En effet, en cas de myopie, l’œil perd sa forme ronde pour s’allonger et devenir ovale. Pour rappel, après la naissance, les yeux des enfants continuent de grandir jusqu’à 6-7 ans en moyenne. Passé cet âge, les globes oculaires sont censés cesser leur croissance et rester bien ronds. 

Pourquoi parle-t-on aujourd’hui d’épidémie?

Zoom sur 3 réflexes clés

Dès le plus jeune âge, pour limiter le risque de myopie:

  • Passer deux heures par jour à l’ex­térieur (sans oublier les lunettes de soleil en cas de forte luminosité).
  • Tenir son livre ou son écran à au moins 30 cm des yeux.
  • Regarder au loin (à plus de 20 mètres) durant au moins 20 secondes toutes les 20 minutes en cas de vision de près prolongée.

Pour en savoir plus: lesyeuxdesenfants.org/myopie

À l’échelle de la planète, les chiffres relatifs à l’augmentation des cas de myopie s’affolent. Ainsi, si le Rapport mondial de la vision publié en 2020 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS)1 fait état de 2,6 milliards de personnes atteintes de myopie dans le monde, une étude australienne publiée dans la revue Ophthalmology 2 estime que ce nombre frôlera les 5 milliards en 2050, soit près d’une per­sonne sur deux. À noter que ces valeurs sont déjà dépassées dans certaines régions du monde: l’OMS relève une prévalence de myopie de 53,4% dans les pays à revenus élevés de la région Asie-Pacifique par exemple. Les estimations chez les adolescents et adoles­centes qui vivent en milieu urbain en Chine et en Corée du Sud affichent respectivement des prévalences de 67 et 97%. Pour l’Europe centrale, selon l’étude australienne, la myopie atteignait 34,6% de la population en 2020. 

Comment expliquer la flambée des cas de myopie?

L’épidémie manifeste de myopie s’explique-t-elle par la fatalité? Une évolution génétique? Une étrange contagion? Rien de tout cela selon les spécialistes, qui pointent à l’unanimité le même coupable: notre mode de vie. «Deux éléments majeurs sont en jeu: le fait que nous passons beaucoup moins de temps à l’extérieur et que nos yeux en passent beaucoup plus en vision de près, en particulier sur les écrans», résume le Dr Pierre-François Kaeser, respon­sable de l’unité de strabologie et ophtalmologie pédiatrique à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin. Et de préciser: «La lumière naturelle avec son large spectre de longueurs d’onde est plus que bénéfique pour nos yeux, puisqu’elle constitue un facteur protecteur en soi vis-à-vis de la myopie. Quant aux écrans, ils contraignent bien souvent nos yeux à d’in­tenses efforts d’accommodation, autrement dit de mise au point, lorsque nous regardons de près. Bien sûr, cet exercice est le même lorsque nous lisons un mot sur un post-it ou que nous plongeons dans un roman, mais les écrans vont souvent de pair avec des temps d’accom­modation prolongés, sans pause salvatrice pour nos yeux.» À terme, ceux-ci s’allongent, provoquant une vision floue à distance. La myopie apparaît. 

Est-elle évitable?

Le «remède» est bien souvent dans la cause… En effet, même si certaines myopies sont pathologiques, liées par exemple à des anoma­lies congénitales ou favorisées par les antécé­dents familiaux (un enfant dont les deux parents sont myopes a huit fois plus de risque de l’être aussi), la majorité des cas peut être freinée par de bons réflexes au quotidien. Les leviers: l’exposition à la lumière naturelle, le respect d’une bonne distance lors du travail de près et des pauses fréquentes (lire encadré). 

Comment la reconnaître?

Un œil sur le Brésil

Depuis 2017, l’as­sociation suisse Escolhares, dirigée par des étudiants et étudiantes en méde­cine, se rend chaque année dans plusieurs écoles de Rio de Janeiro, au Brésil, pour offrir un dépistage ophtal­mologique aux enfants âgés de 4 à 14 ans. En 2022, après le passage de la pandémie, l’explosion des cas de myopie a frappé les équipes. Katia Steinfeld, fondatrice de l’as­sociation, raconte: «En 2018, nos dépistages relevaient 5% de cas de myopie chez les enfants de 6-7 ans dépistés; en 2022, ce taux s’élevait à 15%. Cette hausse importante en si peu de temps témoigne probable­ment en grande partie du quotidien de nombreux enfants issus de fa­milles défavorisées. En effet, pendant les près de deux ans de pandémie, les écoles ont été massivement fermées et beaucoup d’enfants livrés à eux-mêmes. Beaucoup ont passé leurs journées sur des téléphones portables, l’un des loisirs devenus le plus ac­cessibles et populaires ces dernières années…»

Chez les enfants, les dépistages réalisés chez le ou la pédiatre ou à l’école sont d’autant plus précieux pour repérer une myopie débutante que les plus jeunes ne s’en plaignent générale­ment pas, contrairement aux adultes qui consulteront tôt ou tard en percevant une gêne dans la vision de loin. «Bien souvent, les enfants s’habituent au flou, non seulement parce qu’il s’installe progressivement, mais également parce que les plus jeunes tendent naturellement à composer avec, sans même en parler, constate Mélanie Bœuf, orthoptiste à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin. Mais certains signes ne trompent pas: une tendance à plisser les yeux, à se rapprocher du tableau pour mieux voir ou encore à multiplier les fautes de copie ou d’inattention en lien avec ce qui est noté au tableau. Autant d’indices qui doivent inciter à consulter. Le bilan ophtalmo­logique permet alors de diagnostiquer avec précision l’éventuelle myopie et son degré (en dioptries). Chez les enfants, le recours à des gouttes spécifiques est fréquent pour affiner les mesures.» 

À noter que la myopie peut survenir à tout âge mais, le plus souvent, elle apparaît en fin d’adolescence pour atteindre son apogée aux alentours de la vingtaine. On le devine alors, plus la myopie apparaît tôt, plus elle a le temps de s’aggraver. 

Pourquoi la prendre en charge?

L’importance de traiter la myopie se joue d’abord à court terme, chez les enfants en particulier, en raison de son incidence sur les apprentissages. «La myopie peut s’installer de façon insidieuse et conduire à des difficultés scolaires en raison de la vision floue à dis­tance, alerte le Dr Kaeser. D’où l’importance de dépistages précoces et d’une consultation en cas de doute.» Mais les dommages d’une myopie non traitée se jouent aussi à plus long terme et sur un plan purement médical. En cause: l’allongement de l’œil qu’elle provoque. «La longueur axiale d’un œil sain est généra­lement de 23 mm, précise Mélanie Bœuf. En cas de myopie, cette valeur peut dépasser les 26 mm.» Le risque est alors que les tissus de l’œil, trop étirés, se fragilisent, ce qui prédispose à la survenue de pathologies. C’est ainsi qu’une forte myopie non traitée expose à un risque accru de glaucome, de cataracte précoce, de dégénérescence maculaire ou encore de décollement de la rétine. 

Comment se soigne-t-elle?

Plusieurs traitements existent pour traiter la myopie. S’il n’est pas possible de rétablir la forme et la taille d’un œil qui s’est allongé, la priorité, surtout chez les plus jeunes, est de ralentir le processus. Pour cela, il existe des traitements dits «frénateurs de myopie»: gouttes d’atropine diluée, verres ou lentilles spécifiques (DIMS), orthokératologie (lentilles spéciales à porter la nuit). Les moyens op­tiques classiques et les traitements chirurgi­caux permettent quant à eux d’obtenir une vision nette, mais pas de freiner la myopie. Les premiers reposent sur les lunettes avec verres adaptés ou les lentilles de contact. Les seconds regroupent la chirurgie réfractive au laser et les implants ICL (lentille implan­table placée entre l’iris et le cristallin).

Finie ma myopie: et si je me faisais opérer?

Elle séduit celles et ceux qui veulent se débarrasser de leurs lunettes ou lentilles, mais la chirurgie réfractive se justifie aussi parfois pour des raisons médicales. Zoom sur le parcours «type» de l’intervention au laser, visant à corriger la myopie, en direct de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin. 

Avant

La première consultation est réalisée par un ou une optométriste. Au programme: un bilan visuel et un tour d’horizon des éventuelles contre-indications (myopie évolutive, maladie auto-immune, grossesse, etc.). «Certains facteurs, comme une cornée trop fine ou endommagée, sont souvent rédhibitoires pour des opérations laser. Une autre option, comme l’implant intraoculaire, peut alors être discutée», explique Eloïse Au­gustin, optométriste à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin. Et de poursuivre: «Si tous les indicateurs sont favorables, une deuxième consultation est organisée, quelques semaines plus tard. Elle est assurée par un binôme incluant l’optométriste et l’ophtalmologue chirur­gien ou chirurgienne pour établir un bilan complet et approfondi. Il s’agit notamment de faire des examens détaillés de la cornée, pour préparer l’intervention et choisir la méthode la mieux adaptée.» Deux techniques utilisant le laser sont proposées: le Trans-PRK (photorefractive keratectomy), privilégié pour les myopies faibles à modérées, et le Femto LASIK (LASer In situ Keratomileusis), pour les myopies plus fortes. 

Pendant

Se déroulant en ambulatoire, l’intervention est réalisée sous anesthésie locale. Elle dure, quand elle concerne les deux yeux, une quinzaine de minutes pour le Trans-PRK et de vingt à trente minutes pour le Femto LASIK. «La mission du laser consiste à resculpter la cornée afin de per­mettre à l’œil de faire converger de nouveau les rayons lumineux au bon endroit sur la rétine. Pour le Trans-PRK, le laser est appliqué à la surface de la cornée, tandis que pour le Femto LASIK, il intervient sur l’œil après découpe d’un volet de tissu de la cornée, celui-ci étant remis en place à l’issue de l’intervention», explique la Dre Kate Hashemi, médecin adjointe et res­ponsable de l’unité de cornée et du Centre de chirurgie réfractive de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin. 

Après

Après l’intervention, la vision reste floue quelques heures à quelques jours selon les cas. «Dans les semaines qui suivent, un traitement par gouttes est nécessaire et quelques précau­tions sont à prendre, en évitant par exemple les efforts physiques trop intenses, les baignades ou le maquillage, précise la Dre Hashemi. Des rendez-vous sont fixés pour suivre le processus de cicatrisation, mais la reprise du travail est possible au bout de quelques jours.» 

Pour en savoir plus: ophtalmique.ch/hopital/nos-services/ccr

_________

1 Rapport mondial sur la vision [World report on vision]. Genève: Organisation mondiale de la Santé; 2020.

2 Holden BA, Fricke TR, Wilson DA, et al. Global Prevalence of Myopia and High Myopia and Temporal Trends from 2000 through 2050. Ophthalmology. 2016 May;123(5):1036-42.

Article repris du site  BienVu!

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