Quand penser à la luminothérapie?

Dernière mise à jour 15/11/23 | Article
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Si vous souffrez de dépression saisonnière, cette baisse du moral qui survient au début de l’automne lorsque les jours raccourcissent, la luminothérapie peut se révéler efficace. Le point sur l’intérêt de cette technique avec le Pr Martin Preisig, psychiatre au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).

Tout le monde ou presque a déjà connu des moments de déprime lorsque les jours deviennent bien plus courts que les nuits. Si une véritable dépression saisonnière (lire encadré) s’installe à chaque début d’automne, des séances de luminothérapie peuvent être essayées. Elles sont même recommandées par les autorités de santé. La dépression saisonnière étant en effet directement liée à la baisse de la luminosité, elles permettent de la compenser et de resynchroniser l’horloge interne de l’organisme.

Une lampe de luminothérapie remboursée

L’achat ou la location d’une lampe de luminothérapie peut, sous conditions, être prise en charge par les caisses-maladie, à hauteur de 350 CHF pour un achat et de 1,80 CHF par jour en location. Le médecin qui la prescrit doit bien préciser qu’elle sera utilisée dans le cadre d’une dépression saisonnière automne-hiver diagnostiquée. Il existe de nombreux modèles de lampes sur le marché, avec des caractéristiques et des prix très variables (entre 300 et 800 CHF environ). Il est conseillé de s’assurer que le produit dispose bien de la norme CE, garante de qualité, et de choisir une lampe qui déploie une lumière de 10000 lux, une puissance qui correspond à celle de la lumière naturelle. Il est enfin impératif de bien lire les recommandations présentes sur le produit choisi afin de bien l’utiliser, en toute sécurité, et d’obtenir une bonne efficacité.

La luminothérapie en pratique

L’exposition aux rayons d’une lumière artificielle doit être régulière et si possible réalisée à heures fixes, de préférence tous les matins. La lampe utilisée doit être adaptée à cet usage et d’une puissance de 10’000 lux (unité de mesure de l’éclairement lumineux), cette dernière correspondant à l’intensité de la lumière d'un jour nuageux, la luminosité pouvant atteindre 50’000 lux lors d’une journée bien ensoleillée. Chaque séance dure 30 minutes. Si la lampe a une puissance moindre, la séance sera prolongée. «Avec une lampe de 2500 lux, l’exposition durera deux heures, conseille le Pr Martin Preisig, psychiatre au CHUV. Il existe en effet un lien direct entre la puissance et la durée.» Et de poursuivre: «Les séances devraient être démarrées dès la fin du mois d’août, quand les jours raccourcissent significativement.» Concernant la durée nécessaire du traitement, il est recommandé d’en discuter avec son médecin. Les séances peuvent se pratiquer à domicile, avec une lampe achetée ou louée, ou en cabinet.

Cette technique ne présente quasiment pas d’effets secondaires (des maux de tête ou des irritations au niveau des yeux sont parfois signalés mais ils sont rares et généralement bénins). En cas de problème oculaire, il reste toutefois conseillé de consulter un ophtalmologue en amont de la première séance.

Efficace chez six personnes sur dix

Quelques études ont montré un intérêt de la luminothérapie sur la dépression saisonnière et certaines ont estimé que 60% des personnes la pratiquant obtiennent des bénéfices rapides, en quelques jours. Une étude a également suggéré l'efficacité de la luminothérapie en cas de dépression, avec des effets comparables à ceux obtenus par les antidépresseurs, la combinaison des deux, séances et médicaments, se révélant la stratégie la plus intéressante. Enfin, la luminothérapie serait utile en cas de blues hivernal (lire encadré) et pour lutter contre les effets néfastes du décalage horaire.

Fonctionnement de la luminothérapie

Les mécanismes expliquant le lien entre lumière et dépression saisonnière ne sont pas clairement identifiés, mais une exposition aux rayons lumineux influencerait la production de la mélatonine, l’hormone du sommeil et de l’endormissement. «L’horloge biologique des personnes souffrant de ce type de dépression ne s’alignerait pas correctement sur leur environnement, décrit le Pr Preisig. En temps normal, on produit du cortisol le matin, pour se réveiller, et de la mélatonine le soir, lorsqu’arrive le moment de se coucher.» Mais en cas de dépression saisonnière, de la mélatonine peut par exemple être anormalement produite au cours de la journée. La luminothérapie permet de compenser le manque de lumière naturelle en automne et hiver et de supprimer la production de mélatonine durant la journée.

Il reste toutefois possible, même en plein hiver et par un temps maussade, de bénéficier de suffisamment de lumière naturelle. Pratiquer une activité physique régulière à l’extérieur peut ainsi être une solution pour lutter contre la dépression saisonnière. «La luminothérapie reste une bonne alternative pour les personnes qui ne peuvent pas sortir et s’exposer suffisamment à la lumière naturelle. D’autres apprécient particulièrement le moment de calme auprès de la lampe et elles ne doivent pas s’en priver, conclut le médecin, mais mon conseil premier reste de faire une promenade d’une trentaine de minutes, le midi, tous les jours.»

Coup de blues ou dépression saisonnière?

Pour que l'on puisse parler d'une dépression saisonnière, il faut que celle-ci remplisse les critères diagnostiques précis d'une dépression. Les symptômes les plus fréquents sont tristesse, angoisses, manque d’entrain, troubles de la concentration, problèmes de sommeil ou encore pensées suicidaires. Il est question de dépression saisonnière lorsqu’une personne souffre à la même période d'épisodes dépressifs «et que ces symptômes disparaissent au printemps, au plus tard en été», souligne le Pr Martin Preisig, psychiatre au CHUV. Ces symptômes doivent apparaître au moins deux ans de suite, sans autres troubles dépressifs le reste de l’année. «La dépression saisonnière est à ne pas confondre avec le blues de la rentrée», insiste le médecin lausannois. En effet, il est très fréquent d’avoir le moral en berne et d’être fatigué en automne. Mais il ne s’agit pas forcément pour autant d’une dépression saisonnière. Près de 15% de la population souffrirait d’un blues hivernal et «seulement 2,5% des dépressions seraient des dépressions saisonnières», ajoute le psychiatre.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 12/11/2023

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