Gare à l’hypertension de la blouse blanche!

Dernière mise à jour 25/01/21 | Article
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Longtemps banalisé, le fait d’avoir une pression artérielle plus élevée chez le médecin qu’à domicile serait loin d’être anodin. De quoi transformer la prise en charge des patients concernés. Explications.

Automesures de la pression artérielle: suivez le guide

Véritables alliées du diagnostic, les mesures de la tension artérielle à domicile sont de plus en plus encouragées par les médecins, en complément de celles réalisées en consultation. Pour qu’elles soient fiables, deux prérequis: disposer d’un appareil de qualité et prendre les mesures dans de bonnes conditions. Exemple d’un dépistage à réaliser chez soi, sur trois jours, avec le Dr Grégoire Wuerzner, médecin-chef du Service de néphrologie et d'hypertension du CHUV:

  • Commencer par cinq minutes de repos.
  • Placer le brassard à une hauteur de deux doigts au-dessus du pli du coude.
  • Réaliser trois mesures espacées d’une minute chacune.
  • Renouveler l’opération matin et soir, sur trois jours.

Stress d’aller chez le médecin, escaliers grimpés en vitesse pour ne pas être en retard au rendez-vous: les études le confirment, pour des raisons qui peuvent être multiples, la pression artérielle est en moyenne plus élevée (pour près de la moitié des patients) lorsqu’elle est mesurée chez le médecin que lorsqu’elle est prise à domicile. Sauf que lorsque le décalage est systématique et que les valeurs sont toujours élevées, le problème peut être tout autre. Ce phénomène porte un nom: l’hypertension de la blouse blanche. Ses caractéristiques exactes: une pression artérielle au cabinet médical supérieure à 140 et/ou 90 mm de mercure (Hg), cohabitant avec des automesures à domicile inférieures à 135/85 mm Hg (ou inférieures à 130/80 mm Hg si elles résultent de la mesure ambulatoire de la pression artérielle sur 24 heures (protocole « MAPA »)). Si elle est connue depuis plusieurs décennies – depuis que les mesures à domicile sont techniquement possibles – ce n’est que récemment que l’hypertension de la blouse blanche se dévoile bien moins innocente qu’elle n’en a l’air. En cause: son possible impact sur la santé cardiovasculaire. En attestent les nombreuses études parues, ces cinq dernières années notamment, et dont l’équipe de l’Unité d’hypertension des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) se fait l’écho dans un tout récent numéro de la Revue médicale suisse*.

«L’association entre une hypertension de la blouse blanche et une augmentation du risque cardiovasculaire est de plus en plus évidente, alerte la Pre Antoinette Péchère-Bertschi, médecin adjointe agrégée, responsable du Centre d’hypertension des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et co-auteure de l’article. Tout porte à croire que les personnes touchées par ce phénomène correspondent à un phénotype "intermédiaire" entre les personnes dites "normotendues" et celles qui souffrent d’une vraie hypertension artérielle. Or non seulement l’hypertension de la blouse blanche peut se muer en véritable hypertension, avec les conséquences à court, moyen et long terme que cela peut impliquer, mais il est également possible que des dommages sur des organes soient déjà présents.» Et d’évoquer cette méta-analyse parue en 2019 et incluant plus de 64’000 personnes: «Les patients avec une hypertension de la blouse blanche présentent un risque augmenté de maladie cardiovasculaire et de mortalité globale de 36 et 33% respectivement, en comparaison avec les patients normotendus ou hypertendus contrôlés**.»

Drapeau d’alerte

Dès lors, que faire? «L’hypertension de la blouse blanche doit être considérée comme un drapeau d’alerte», estime la spécialiste. Deux marches à suivre en découlent. «La première consiste à faire un bilan de santé pour dresser un état des lieux de la situation, explique la Pre Péchère-Bertschi. La seconde est de miser sur la prévention pour retarder au maximum la survenue d’une vraie hypertension artérielle.»

Concernant la première démarche, l’enjeu du bilan médical est double. Il s’agit d’une part d’évaluer les facteurs de risque cardiovasculaires en présence (sédentarité, surpoids, tabagisme, hypercholestérolémie, diabète, antécédents cardiovasculaires). Et, d’autre part, de rechercher d’éventuelles lésions déjà installées. Parmi les organes touchés en cas d’hypertension artérielle? Le cœur, le cerveau, les reins et les yeux. «Les investigations reposent le plus souvent sur une prise de sang, complétée d’une analyse d’urines et, si besoin, d’un électrocardiogramme pour faire un bilan cardiaque», détaille la Pre Péchère-Bertschi. À l’issue de ces examens? «Toute la question va être de savoir si un traitement antihypertenseur s’impose ou si, à ce stade, des mesures de prévention suffisent», indique l’experte.

C’est donc là qu’entre en jeu le second levier, enjeu incontournable en cas de «simple» hypertension de la blouse blanche comme d’hypertension artérielle installée: l’action sur l’hygiène de vie et les facteurs de risque. Naturellement plus exigeante que la prise quotidienne d’un comprimé, la stratégie peut s’avérer payante. «On sait notamment qu’en cas de surcharge pondérale, la perte de poids se traduit sur la pression artérielle, à raison d’une diminution de 0,5 à 1 mm de Hg par kilo perdu», indique le Dr Grégoire Wuerzner, médecin-chef du Service de néphrologie et d'hypertension du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).

Et pour cause, l’hypertension artérielle résulte d’une multitude de facteurs, certains génétiques, d’autres pas. «Même si un terrain génétique peut favoriser la survenue de l’hypertension artérielle (de la blouse blanche ou pas seulement), elle découle surtout d’une gigantesque nébuleuse où se mêlent âge, alimentation (sel, graisses), niveau de stress, consommation d’alcool, tabagisme, sédentarité, précarité ou encore exposition aux polluants de toute sorte», poursuit la Pre Péchère-Bertschi. Une multitude de facteurs induisant une pathologie aussi répandue que traquée, en raison de ses effets dévastateurs sur la santé des artères.

Vieillissement prématuré des artères

Pour le comprendre, rapide détour par ce qu’est la pression artérielle. Les deux chiffres (ou nombres) quelque peu énigmatiques annoncés par le médecin traduisent la force exercée par le sang sur la paroi des artères, au rythme des contractions et relâchements du cœur. Dans les artères, la pression est maximale lorsque le sang y est éjecté suite à la contraction cardiaque – on parle de pression systolique, c’est la première valeur. Et elle est minimale lorsque le cœur se relâche pour se remplir de sang – on parle de pression diastolique, c’est la seconde valeur. Or, lorsqu’elle est trop élevée, la tension artérielle fragilise la paroi des artères, l’endothélium. Avec le temps, celui-ci finit par se déliter par endroits et se laisse envahir par des plaques de cholestérol. Conséquence : les parois des artères vieillissent prématurément (on parle d’artériosclérose). Rigidifiées, elles réagissent de moins en moins bien aux fluctuations de pression du sang et imposent des pressions trop élevées aux organes qu’elles irriguent. D’où le risque accru d’accident vasculaire cérébral, d’insuffisance cardiaque, d’infarctus du myocarde, atteinte oculaire ou encore d'insuffisance rénale.

La note positive? «Nous disposons d’un vaste panel de molécules efficaces pour traiter l’hypertension et limiter ses complications, indique la Pre Péchère-Bertschi. Mais bien sûr, plus elle est prise en charge précocement, mieux c’est.» Et le Dr Wuerzner de conclure: «La prévention et le dépistage restent essentiels pour contrer cette pathologie qui avance souvent masquée, sans symptômes précis. Dans ce contexte, traquer l’hypertension de la blouse blanche est crucial et peut permettre de bouleverser positivement le cours d’une vie.»

Place à la prévention

Avant, pendant ou après que l’hypertension artérielle ne s’installe, plusieurs leviers peuvent être actionnés pour désamorcer un trouble naissant ou en limiter les effets délétères. Liste (non exhaustive) des bonnes résolutions à envisager, avec la Pre Antoinette Péchère-Bertschi, responsable du Centre d’hypertension des HUG:

  • Limiter la consommation de sel et augmenter celle de fruits et de légumes si elle est insuffisante.
  • Multiplier les occasions de bouger au quotidien, tout en visant les 5 x 30 minutes d’activité d’intensité modérée conseillés par semaine.
  • Diminuer la consommation d’alcool.
  • Lutter contre le tabagisme.
  • Se réserver des moments de réelle détente

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* Rev Med Suisse 2020;16:1673-5.

**Cohen JB et al; Ann Intern Med 2019;170:853. 

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Paru dans Le Matin Dimanche le 13/12/2020.

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