Dyscalculie: quand les mathématiques deviennent un cauchemar

Dernière mise à jour 03/04/18 | Article
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La méconnaissance au sujet de la dyscalculie continue de régner. Pourtant, ce trouble de la numération peut avoir d’importantes conséquences sur le parcours scolaire d’un élève.

Environ 5% de la population serait concernée par la dyscalculie. Un trouble de l’apprentissage aussi fréquent que la dyslexie. Mais contrairement à celle-ci, la dyscalculie reste mal reconnue, aussi bien par les enseignants que par certains professionnels de la santé. Dans un système scolaire suisse où les mathématiques pèsent souvent très lourd, une prise en charge précoce serait pourtant nécessaire.

Des notions abstraites

Aménagements en milieu scolaire

Pour permettre aux élèves dyscalculiques d’avancer plus sereinement dans leur parcours scolaire, quelques aménagements peuvent être bénéfiques.

CONSIGNES: L’enseignant peut s’assurer de la bonne compréhension des consignes, en demandant par exemple à l’élève de les reformuler avec ses propres mots.

SUPPORTS: Pendant l’apprentissage de la numération, divers supports peuvent être introduits pour aider à la représentation du nombre (comme un abaque, un boulier, ou compter sur ses doigts). Autoriser la calculatrice à tout moment est également utile : on vise ainsi un apprentissage de l’autonomie et une réelle compréhension des acquisitions mathématiques, sans pénaliser les erreurs de calcul mental. Finalement, mettre à disposition un aide-mémoire (comme des tables de multiplication, un rappel des notions, etc.) soulagera la mémoire et favorisera le raisonnement.

TEMPS: Il peut être utile d’accorder plus de temps lors des tests, en ajoutant un tiers de temps supplémentaire ou en supprimant un tiers de la matière, pour diminuer la charge.

La dyscalculie est essentiellement caractérisée par des troubles au niveau du dénombrement ainsi que du sens du nombre. Les personnes concernées peinent globalement à comprendre comment le chiffre devient un nombre, et de quelle manière s’en servir pour résoudre des problèmes. Le reste des capacités intellectuelles sont, en revanche, tout à fait normales, voire parfois supérieures dans certains domaines littéraires ou relationnels. De manière générale, les élèves qui souffrent de dyscalculie se démarquent par des notes proches du 1 en maths, alors qu’ils obtiennent de bons résultats dans les autres matières. «Les problèmes de dyscalculie se remarquent souvent relativement tard dans le parcours scolaire, constate la Pre Eliane Roulet-Perez, neurologue pédiatreet responsable de la consultation des troubles des apprentissages scolaires au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Les élèves concernés s’en sortent en apprenant par cœur les procédures arithmétiques. Mais dès que l’on aborde par exemple les divisions, les problèmes ou des questions d’ordres de grandeur, on se rend compte que pour eux, ces notions sont complètement abstraites.»

Les origines de ce trouble restent encore quelque peu mystérieuses. Dans certains cas, des lésions cérébrales dues par exemple à une naissance prématurée ou à une méningite, peuvent être responsables. Mais la plupart du temps, difficile de savoir pourquoi certains enfants semblent ne pas être équipés de la fameuse «bosse des maths». «Faire des mathématiques demande beaucoup de ressources au cerveau, puisque plusieurs régions doivent collaborer, explique la Dre Roulet-Perez. La dyscalculie a donc sans doute des origines cérébrales, avec une composante génétique. Bien que nous n’ayons pas identifié un "gène de la dyscalculie", on constate que c’est une difficulté qui se répète dans les histoires familiales. »

Redonner du sens aux nombres

Encore peu d’instruments permettent aujourd’hui de poser fermement le diagnostic de dyscalculie. Pourtant, c’est une étape importante, car elle offre aux personnes souvent désespérées une reconnaissance de leur problème. Pour ce faire, les logopédistes et neuropsychologues disposent de testsstandardisés, qui vont permettre entre autres d’évaluer la vision instantanée du nombre. «Nous manquons encore d’outils à ce niveau, déplore Priska Bodmer, logopédiste et neuropsychologueà Lausanne. Il n’existe par exemple pas encore de test pour les adultes. Mais heureusement, beaucoup d’évolutions se profilent aujourd’hui dans ce domaine.»

Une fois le diagnostic précis établi, un travail avec un spécialiste peut être entrepris pour aider ces élèves, souvent en échec scolaire. «Avec les jeunes enfants, nous reprenons les bases, en travaillant par exemple le sens des nombres de zéro à dix, détaille la spécialiste. Avec les plus grands, on visera surtout un accès au sens de certaines notions importantes dans la vie quotidienne, comme les pourcentages, les fractions, etc.» Cette rééducation vise surtout des applications pratiques : si une personne a besoin d’utiliser une calculette pour effectuer un calcul a priori simple, ce n’est pas grave. L’important reste d’acquérir des notions d’ordre de grandeur pour ne pas faire des erreurs qui porteraient trop à conséquence. Dans tous les cas, la reconnaissance de la dyscalculie doit se renforcer, afin de ne pas laisser sur le carreau des élèves par ailleurs motivés et pleins de ressources.

Repérer la dyscalculie: signes suspects

Il existe certaines caractéristiques suspectes qui peuvent être le signe d’une dyscalculie, surtout lorsque l’enfant s’en sort bien mieux dans les autres domaines. Bien qu’elles varient avec l’âge et le niveau scolaire, il est recommandé de faire un bilan chez un logopédiste ou un neuropsychologue si vous en constatez un grand nombre.

  • Ne pas sembler comprendre le sens des nombres.
  • Ne pas arriver à retenir des faits arithmétiques (comme la base de dix, les livrets, etc.).
  • Des faiblesses en calcul mental, très souvent besoin des doigts pour compter.
  • Difficultés d’écriture des grands nombres.
  • Difficultés de compréhension du système décimal, des fractions et des pourcentages.
  • Possible difficulté à choisir l’opération pour résoudre un problème.
  • Difficulté à mémoriser les connaissances numériques (exemple: combien il y a de minutes en une heure?).
  • Difficulté avec les notions temporelles (jours de la semaine, mois, heures).
  • Difficulté à comprendre les procédures de calcul en colonne, mais bonnes capacités à les appliquer par cœur.
  • Difficulté à saisir les termes mathématiques (somme, différence, deux fois plus, etc.).
  • Difficulté à utiliser l’argent.
  • Possibles difficultés d’orientation visuospatiale.

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Paru dans le Quotidien de La Côte le 28/03/2018.

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