Sclérose en plaques: un espoir pour les patients atteints d’une forme progressive

Dernière mise à jour 29/09/21 | Article
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Si les avancées en matière de traitements de la sclérose en plaques se sont accélérées ces vingt dernières années, il reste difficile de ralentir les effets des formes dites «progressives» de la maladie, qui concernent près d’un tiers des patients. Une récente étude, ciblée sur la protection du système nerveux central, ouvre néanmoins des perspectives encourageantes.

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie neuro-inflammatoire auto-immune. Cela signifie qu’au lieu de combattre les agents pathogènes de l’organisme, le système immunitaire dysfonctionne et s’attaque à l’organisme lui-même, notamment son système nerveux central. «Au début, la maladie est généralement très inflammatoire, avec un point de départ hors du système nerveux, comme dans les ganglions ou le sang», explique la Pre Caroline Pot, neurologue au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) spécialisée dans la prise en charge des pathologies neuro-inflammatoires telles que la SEP. On parle alors de la forme poussée-rémission, sous-type le plus fréquent de cette maladie, qui se caractérise par des poussées successives (apparition de symptômes neurologiques), espacées par des périodes stables de rémission. Un traitement de fond permet alors de limiter, voire d’éteindre l’inflammation avant qu’elle n’endommage irrémédiablement le système nerveux central. «Plus tôt on met en place le traitement anti-inflammatoire, moins il y aura de chronicisation de l’inflammation, constate Caroline Pot. On ralentit ainsi la dégénérescence qui pourrait par la suite conduire à une invalidité.» Sans ce traitement de fond, 50% des patients basculent vers une forme secondaire progressive de la maladie.

Cette évolution, caractérisée par un déplacement de l’inflammation dans le système nerveux, est associée à une progression du handicap au fil des années et se montre moins sensible aux traitements de fond existants. Tout comme pour les formes d’emblée progressives, qui concernent 10 à 15% des personnes atteintes de sclérose en plaques, les solutions thérapeutiques pour contrer les symptômes sont peu nombreuses. «L’ocrelizumab, un médicament qui modifie la réaction du système immunitaire, montre un bénéfice dans la réduction du handicap, mais pas chez tous les patients, détaille Caroline Pot. Le grand défi de la recherche aujourd’hui est de parvenir à traiter ces formes progressives, en particulier celles où il y a peu d’inflammation et une aggravation des symptômes.»

La recherche sur la sclérose en plaques a fait de grands progrès depuis les années 90, avec une meilleure compréhension de ses mécanismes et le développement de traitements efficaces au début de la maladie. «Quand la maladie évolue, que l’inflammation s’infiltre dans le système nerveux, ces médicaments n’ont plus de bénéfices», explique la neurologue du CHUV. Progressivement, l’inflammation se propage en effet dans la matière blanche et y détériore la myéline, gaine protectrice et isolante des axones, puis s’étend à la matière grise composée des neurones, entraînant une série de symptômes moteurs et cognitifs: c’est la neurodégénérescence. Le but de la recherche est donc de protéger les neurones de ces atteintes, voire de remyéliniser les gaines des axones déjà touchés. Avec l’espoir d’endiguer ainsi l’évolution de la maladie chez les patients concernés par des formes progressives.

Un mécanisme potentiellement réversible

C’est ce type de piste qu’ont exploré des équipes de l’Université de Genève (UNIGE), de l’Université de Munich et de l’Institut technique de Munich dans une vaste étude1. Elles sont parvenues à démontrer, chez des souris, que l’inflammation de la matière grise responsable d’une réduction de l’activité neuronale est due à une perte importante de synapses, ces points de connexion entre les neurones qui permettent la transmission du signal nerveux. «Nous avons voulu mieux comprendre comment les synapses étaient touchées dans cette maladie», explique Doron Merkler, professeur au Département de pathologie et d’immunologie de la Faculté de médecine de l’UNIGE et médecin-adjoint agrégé au Service de pathologie clinique des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Avec son équipe, il a constaté que l’inflammation déclenche un afflux de calcium qui endommage les pointes neuronales qui constituent les synapses. Leur atteinte entrave la transmission du signal et provoque une aggravation des symptômes de la maladie (fatigue, faiblesse musculaire, déclin cognitif…).

Mais, bonne nouvelle, une synapse abîmée n’est pas (forcément) une synapse condamnée. Si l’atrophie neuronale n’est pas encore enclenchée, une possibilité de récupération serait envisageable. «On a observé chez les souris un potentiel de régénération de la fonctionnalité de ces synapses si on parvient à maîtriser l’inflammation du cortex, constate Doron Merkler. Néanmoins, chez les patients avec une sclérose en plaques avancée qui s’est propagée à la matière grise, le processus est probablement irréversible.»

Espoir thérapeutique

En plus de cette découverte, ce groupe de chercheurs a réussi à isoler une molécule qui inhibe l’activation des microglies. Ces cellules immunitaires propres au cerveau ont pour mission de le défendre contre les infections. Mais chez les personnes atteintes de sclérose en plaques, elles dirigent leur action contre le système nerveux, qu’elles devraient protéger. «Bloquer leur activation permet d’éviter l’endommagement des synapses, explique Doron Merkler. Mais il faudrait réussir à les inhiber sans les détruire, car elles jouent par ailleurs un rôle important dans le système immunitaire.»

Si ces résultats sont prometteurs, ils restent pour l’instant du domaine de l’observation expérimentale, sur un modèle animal. Le chemin vers les essais cliniques est encore long. «Avant de pouvoir mettre au point un traitement chez l’être humain, il faudra mesurer son éventuelle toxicité, étudier les potentiels effets secondaires, etc. Tout cela prend du temps», tempère le scientifique.

Une maladie pas si rare…

  • 15'000 personnes sont touchées par la sclérose en plaques (SEP) en Suisse, soit environ 1 personne sur 570.
  • 85 à 90% des patients sont atteints de la forme «poussée-rémission».
  • La forme poussée-rémission concerne 4 femmes pour 1 homme.
  • Les femmes fumeuses ont un risque 1,6 fois plus élevé de développer une sclérose en plaques.
  • Pour 80% des personnes atteintes, les premiers symptômes apparaissent entre 20 et 40 ans.
  • Dans 3 à 10% des cas, la SEP se développe dès l’enfance.

Source : Société Suisse de Sclérose en plaques.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 26/09/2021.

1 Jafari M, Schumacher AM, Snaidero N. Phagocyte-mediated synapse removal in cortical neuroinflammation is promoted by local calcium accumulation. Nat Neurosci 2021 Mar;24(3):355-367.