Le syndrome post-Covid n’épargne pas les adolescents

Dernière mise à jour 20/02/23 | Article
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Une récente étude sur le syndrome post-Covid a dressé un état des lieux parmi les jeunes Genevois. Il en ressort que près de 14 % des 12-17 ans infectés par le SARS-CoV-2 présenteraient des symptômes persistants.

À l’été 2020, des personnes infectées par le SARS-CoV-2 au début de la pandémie commençaient à faire part de symptômes persistants. Mais le Covid était encore vu comme une maladie avant tout respiratoire qui, soit amenait les plus fragiles aux soins intensifs, soit devait se résoudre en quelques jours. «Nous avons été très pragmatiques, nous avons écouté ce que disaient les patients. Quand vous commencez à voir plusieurs personnes qui rapportent des choses semblables, il faut rassembler les informations pour tenter de comprendre ce qui se passe», explique le Pr Idris Guessous, médecin-chef du Service de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

Pacing: apprendre à gérer sa réserve d’énergie

Faute de traitement spécifique, la prise en charge des syndromes post Covid vise seulement à réduire les symptômes. L’intolérance à l’effort et la fatigue, sur le plan physique et cognitif, sont les plaintes les plus fréquentes et, pour y remédier, les patients sont souvent invités à pratiquer le «pacing». Cette technique issue du monde sportif vise à ajuster les activités du quotidien à la réserve d’énergie perçue pour ne pas faire l’effort de trop qui pourrait faire basculer dans l’épuisement et nécessiter un temps de récupération prolongé. «C’est une prise en charge palliative, un moyen pour arriver au bout de la journée sans crash, mais ce n’est pas une vie, surtout pour des jeunes», commente Chantal Britt, présidente de l’association de patients Long Covid Suisse et cofondatrice de Long Covid Kids Suisse.

En décembre 2021, avec plusieurs médecins des HUG, il a mis en place une large cohorte[1] destinée à évaluer les conséquences de la pandémie sur la vie des enfants et des adolescents. L’analyse d’un sous-groupe, incluant 1034 participants âgés de 6 mois à 17 ans, a donné lieu à une récente publication dans la revue Nature Communications[2]. L’étude SEROCoV-Kids confirme que les jeunes ne sont pas épargnés par le syndrome post-Covid. Les symptômes les plus rapportés par les jeunes participants étaient principalement une fatigue, une perte du goût et de l’odorat, des troubles de la concentration et des maux de ventre, mais beaucoup d’autres troubles peuvent être associés à un syndrome post-covid, comme des maux de tête, des troubles du sommeil ou encore une intolérance à l’effort physique ou intellectuel. 

Symptômes après quinze mois

«Parmi les enfants que nous suivons, beaucoup n’ont pas pu aller à l’école pendant plusieurs semaines et certains n’ont toujours pas repris. Une journée en classe est un effort trop intense pour eux, cela les épuise », explique Chantal Britt, présidente de l’association de patients Long Covid Suisse et cofondatrice de Long Covid Kids Suisse. «Même si une petite proportion seulement des jeunes présente un syndrome post-Covid, presque tous ont été contaminés, donc cela fait un grand nombre de personnes concernées! Et la moitié de ceux qui avaient des symptômes après six mois en ont toujours après quinze mois. Certains ne récupéreront peut-être jamais», pointe Chantal Britt. 

«Ce qui complique beaucoup les recherches, c’est que les symptômes rapportés sont peu spécifiques et pour certains, comme la fatigue, fréquents surtout à l’adolescence», relève le Dr Arnaud L’Huillier, médecin-responsable des maladies infectieuses pédiatriques aux HUG et co-auteur des travaux publiés dans Nature Communications.«Pour limiter ce "bruit de fond" dans l’étude, poursuit le chercheur, nous avons comparé les symptômes rapportés par les enfants et adolescents qui présentaient des anticorps contre le SARS-CoV2 – séropositifs – avec ceux dont se plaignaient les jeunes sans anticorps – séronégatifs – dont on a supposé qu’ils n’avaient pas eu d’épisode de Covid.» L’étude montre que 9,1% des 570 volontaires séropositifs présentaient des symptômes compatibles avec un syndrome post-Covid, contre seulement 5 % chez les séronégatifs. La proportion monte à 13,6% parmi les 12-17 ans séropositifs contre 5,3% pour les séronégatifs. Selon les sources, cette proportion oscille entre 10 et 30% chez les adultes. «C’est comme s’il existait un continuum du Covid long, avec un risque qui augmente du nourrisson à la personne âgée», commente Idris Guessous. 

Prise en charge hétérogène

Le risque de souffrir d’un Covid long est également augmenté chez les jeunes atteints d’une maladie chronique, en particulier l’asthme, et dépend du niveau socioéconomique de la famille. De précédents travaux suisses romands ont montré que les inégalités socioéconomiques avaient eu un impact lors de la pandémie avec, par exemple, une persistance des «clusters» dans les familles avec les plus bas revenus. «On peut, entre autres, émettre l’hypothèse que ces jeunes ont été infectés un plus grand nombre de fois que ceux vivant dans des familles plus aisées, or il semble que les réinfections puissent augmenter la survenue de symptômes persistants», avance le Pr Guessous. Les jeunes ont cependant été peu testés en Suisse et souvent ils ne savent pas combien de fois ils ont été infectés. Dans la cohorte SEROCoV-Kids, parmi les volontaires séropositifs, seuls 55% avaient en effet une infection documentée. 

La perception et la prise en compte du syndrome post-Covid reste très hétérogène au sein de la Confédération. «Nous devons essayer de trouver des solutions spécifiques dans chaque canton, c’est épuisant», désespère Chantal Britt. Une prise de position des autorités sanitaires permettrait une meilleure reconnaissance et prise en charge des patients. Des recommandations sont en cours d’élaboration, sans que l’on sache cependant quand elles seront publiées. 

Une centaine d’essais cliniques en cours

Plusieurs pistes sont actuellement explorées pour expliquer les manifestations du Covid long(dérégulations du système immunitaire, atteintes des microvaisseaux, microthromboses, persistance virale…). Depuis 2021, une centaine d’essais cliniques ont débuté pour évaluer l’efficacité de différentes molécules ou thérapies, déjà utilisées dans d’autres maladies, sur ce syndrome. Les HUG recrutent actuellement des volontaires pour tester un anticorps, le Temelimab, dirigé contre la protéine HERV-W qui pourrait être impliquée dans une partie des troubles cognitifs et de la fatigue retrouvés dans les cas de Covid long. L’essai clinique[3], dirigé par le Pr Idris Guessous, médecin-chef du Service de premier recours des HUG, est ouvert uniquement aux majeurs. «Comme c’est souvent le cas, des essais chez les mineurs pourront être facilités si certaines thérapies testées donnent des résultats très probants chez les adultes», précise le médecin.

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Plus d’infos: Plateforme d’information sur le syndrome post-Covid RAFAEL: https://www.rafael-postcovid.ch/

[1] https://www.specchio-hub.ch/etudes/serocov-kids

[2] Dumont, R., Richard, V., Lorthe, E. et al. A population-based serological study of post-COVID syndrome prevalence and risk factors in children and adolescents. Nat Commun 13, 7086 (2022).

[3] https://recherche.hug.ch/etudes/temelimab

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Paru dans Le Matin Dimanche le 19/02/2023

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