Allergies alimentaires : six questions pour en prendre la mesure

Dernière mise à jour 03/12/20 | Questions/Réponses
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Liées en grande partie à la nutrition moderne, les allergies alimentaires sont en nette augmentation. Avec des conséquences sociales souvent très handicapantes. Pourquoi est-il important de ne pas les minimiser ? Le point en 6 questions avec le professeur François Spertini, médecin agréé au service d’immunologie et d’allergie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).

* Lexique: 2 mots à retenir

Anticorps: protéine, aussi appelée immunoglobuline, produite en réponse à une stimulation par un agent étranger nuisible pour l’organisme qu’on appelle antigène. L'immunoglobuline E (IgE) est une classe d'anticorps liée aux problèmes allergiques.

Antigène: Substance nuisible à l’organisme qui suscite une réponse du système immunitaire

     

Comment différencier une allergie d’une intolérance alimentaire?

Lors d’une allergie alimentaire, le système immunitaire répond de manière disproportionnée lorsqu’une substance habituellement bien tolérée est ingérée. L’organisme produit alors un type d’anticorps* qu’on appelle IgE* pour lutter contre ce qu’il considère comme une agression. En même temps, il déclenche une réaction inflammatoire. «Dans l’allergie proprement dite, explique le professeur Spertini, il y a une réponse « immunologique », alors que lorsqu’il s’agit d’une intolérance, le problème est biochimique. Le tube digestif n’arrive pas à dégrader une substance particulière, comme le lactose. Dans les deux cas, la génétique individuelle joue un rôle important.»

Une allergie alimentaire est-elle facile à reconnaître et à traiter?

La démarche diagnostique est souvent complexe. Les allergies alimentaires peuvent déclencher des réactions cutanées comme de l’urticaire ou provoquer des diarrhées, des symptômes qui orientent le diagnostic des médecins. «Il existe par ailleurs des tests spécifiques, comme les tests cutanés ou la recherche d’IgE spécifiques de l’aliment, qui nous permettent d’identifier potentiellement l’allergène, précise l’allergo-immunologue vaudois. Cela dit, au-delà des tests, il faut encore prouver que ceux-ci ont une réelle signification clinique, c’est-à-dire que l’aliment identifié est bien la cause de l’allergie, ce qui n’est pas toujours le cas en raison de faux positifs ou faux négatifs. Pour ce faire, nous pouvons selon les cas proposer des tests de provocation avec l’aliment lui-même, surtout pour prouver que l’aliment suspecté n’est pas en cause. Il faut faire ingérer les substances suspectes à la personne concernée et observer sa réaction.» Un processus qui peut s’avérer long et fastidieux. Une fois le problème détecté et clarifié, la seule solution en cas d’allergie vérifiée est l’abstinence: il ne faut plus ingérer le, ou parfois les aliments déclencheurs.

Quels sont les risques liés à une allergie alimentaire?

Les réactions sont individuelles et très variables. Elles peuvent être bénignes mais aussi provoquer un choc anaphylactique (lire encadré). Selon François Spertini, les manques en termes d’apports nutritionnels de base peuvent s’avérer importants. «Selon les cas d’allergie alimentaires complexes, les choix en matière de nutriments peuvent être véritablement réduits à la portion congrue, ce qui est évidemment problématique pour le bon fonctionnement de l’organisme.» Autre problème parfois minimisé: celui des interactions sociales. «Manger avec d’autres ou au restaurant sont des moments de plaisir qui peuvent devenir de véritables défis pour les allergiques, ajoute le professeur vaudois. Le risque d’isolement de ces patients ne doit ainsi pas être minimisé.»

Les allergies alimentaires sont-elles en augmentation?

Oui, à tel point que 15 à 20% de la population serait positive à un test allergique vérifiant la présence d’anticorps de type IgE*. La faute à l’environnement et à notre interaction avec lui selon le professeur Spertini. «Au cours des trente dernières années, nous avons essayé de réduire l’impact des mondes bactérien et viral. En l’absence de pathogène, le système immunitaire a plutôt tendance à favoriser une réponse allergisante.» Un environnement aseptisé ne serait toutefois pas la seule cause de cette augmentation des allergies alimentaires. L’alimentation en elle-même, en particulier lorsque l’industrie transforme les aliments ou met sur le marché de nouveaux allergènes (fruits exotiques etc.) jouerait aussi un rôle dans l’augmentation des allergies. Ces phénomènes seraient aussi une menace pour le bon équilibre du microbiote intestinal. «Un autre problème récurrent, c’est le manque de fibres dans l’alimentation, ajoute François Spertini. Tout ce qui est industrialisé et transformé en contient moins. Cette forme de nutrition favorise l’émergence d’allergies.»

Quelles sont les allergies alimentaires les plus fréquentes?

En Suisse, le centre d’allergie suisse AHA ! note que 14 ingrédients sont listés comme potentiellement allergènes. Toujours selon l’organisme, les adultes sont plus fréquemment allergiques aux noisettes, au céleri, aux pommes, aux noix et au kiwi. Les enfants sont eux plutôt sensibles au lait de vache, aux œufs de poule, aux cacahuètes et aux noix. À noter enfin que des réactions croisées sont fréquentes entre le pollen de bouleau et des fruits à pépins ou à noyau, de même entre les acariens et les fruits de mer, entre le latex et les fruits exotiques. Ce panorama est toutefois moins figé qu’il n’y paraît. «De nouvelles allergies alimentaires apparaissent et prennent des visages surprenants, commente le professeur Spertini. C’est ce que nous voyons avec l’apparition des allergies à la viande rouge qui apparaissent à la suite de piqûres de tiques.»

Que penser du gluten?

Le gluten représente une situation intermédiaire. D’un côté, c’est une véritable allergie, parce que le système immunitaire des patients cœliaques (qui souffrent de cette allergie) reconnaît le gluten de façon inadéquate. D’un autre côté, «à la différence des allergies alimentaires classiques, note François Spertini, ce sont des cellules et non des anticorps qui créent le problème». Mais surtout, en plus des patients cœliaques, il existe une grande majorité de gens qui sont plutôt intolérants sans que l’on puisse vraiment savoir pourquoi. «Nous sommes dans le flou, reconnaît le spécialiste vaudois. Lorsque nous mettons ces patients-là en présence du gluten, nous n’obtenons que très rarement le même type de réponse alors qu’une provocation par le gluten devrait en principe conduire à la même réaction.» Le phénomène est en telle expansion que la médecine a créé pour ces patients une nouvelle terminologie: la sensibilité non cœliaque au gluten. «Fort heureusement, conclut François Spertini, si cette forme d’intolérance est encore mal comprise, elle n’a pas un effet trop néfaste sur l’alimentation.» Autrement dit: on peut se passer de gluten sans que cela conduise à des carences nutritionnelles trop importantes car les produits de substitutions sont nombreux.

Le choc anaphylactique en bref

Il s’agit d’une réponse immédiate et souvent inattendue à un allergène qui peut engager le pronostic vital. Ses symptômes les plus fréquents sont des démangeaisons et gonflement des paumes de la main ou des plantes des pieds, des paupières, de la muqueuse buccale, des lèvres ou de la langue, des vertiges ou encore des troubles respiratoires. En cas de suspicion, il faut arrêter l’ingestion de l’allergène. Le traitement repose sur l’administration d’antihistaminiques si la réaction est bénigne ou d’adrénaline si réaction est grave. Dans tous les cas, il faut appeler le 144.

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Paru dans L’Illustré le 18/11/2020.

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