Trisomie 21: les progrès du diagnostic

Dernière mise à jour 15/02/12 | Article
Chaîne d'ADN
La trisomie 21 est une maladie sérieuse, mais elle n’empêche pas pour autant les personnes de bien vivre. Précisions.

«Selon une étude récente, 97% des personnes atteintes s’estiment contentes de leur état », explique Ariane Giacobino, généticienne et responsable des consultations pour le Centre d’expertise clinique trisomie 21 aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). En revanche, l’arrivée d’un enfant trisomique dans une famille est un grand bouleversement. Aujourd’hui, grâce aux avancées techniques, le choix de mettre ou non au monde un enfant trisomique est laissé aux parents. Il reste que les moyens diagnostiques peuvent comporter des risques, même si une nouvelle technique pourrait renverser la tendance.

C’est à l’âge de 35 ans que la probabilité d’avoir un enfant atteint de trisomie 21 devient significative pour une femme. Elle passe en effet de 1/625 à 1/420 et ne cesse d’augmenter avec l’âge. «Les ovules “vieillissent” et ont plus d’accidents lors de leur division qui prélude à la grossesse», explique le Dr Michel Boulvain du service d'obstétrique des HUG.

Examens à risque

Les parents ont donc le choix. Le premier étant de se décider ou non pour un test de diagnostic. Le second de mettre ou non un terme à la grossesse. Pour ceux qui optent pour un diagnostic précis de la situation, c’est à la douzième semaine, avec la mesure de l’épaisseur de la clarté nucale, que tout commence réellement. «L’un des signes distinctifs des bébés porteurs de trisomie 21 est un petit œdème au niveau du cou que l’on mesure par échographie », souligne le Dr Boulvain. Les enfants atteints ont en effet un dysfonctionnement du réseau lymphatique, ce qui provoque un gonflement du cou. Cette mesure, combinée au risque lié à l’âge et aux résultats de dosages sanguins, permet de calculer le risque que le fœtus soit porteur de trisomie 21.

Selon le résultat de l’évaluation, les parents peuvent ensuite, à seize semaines, demander une amniocentèse. «Nous introduisons une aiguille dans l’utérus pour retirer une petite quantité de liquide amniotique, dans lequel baigne le fœtus. Une fois le prélèvement effectué, il est analysé. C’est sur la base de ces résultats parfaitement fiables que les parents prennent alors la décision de mettre un terme ou non à la grossesse.» Dans 1% des cas, la femme peut faire une fausse couche suite à l’amniocentèse.

Entre le risque calculé de trisomie 21 et le risque découlant de l’amniocentèse, le choix des parents devient crucial : «l’éthique, les convictions religieuses, leur représentation d’un enfant porteur de la trisomie, tout cela entre en ligne de compte, estime le Dr Boulvain. La majorité des couples qui sont allés jusqu’à l’amniocentèse optent pour une interruption de grossesse.» L’avortement intervient donc généralement entre la seizième et la vingtième semaine de grossesse et est remboursé par l’assurance maladie. Cette technique diagnostique existe depuis plus de trente ans. Mais, même si les parents font majoritairement le choix de l’interruption de grossesse, «les naissances d’enfants trisomiques  n’ont pas diminué contrairement aux idées reçues», souligne le Dr Giacobino. Sans le dépistage, cependant, elles auraient augmenté puisque les mères font des enfants de plus en plus tard, et donc avec un risque accru de trisomie.

Le diagnostic du futur

Pour parer aux risques encourus, une nouvelle méthode non invasive, et donc plus sûre pour la mère et le fœtus, est à l’étude et devrait se généraliser dans les années à venir. «Il s’agit de pratiquer une prise de sang chez la mère et d’isoler l’ADN fœtal. On quantifie par la suite le nombre de fragments d’ADN du chromosome 21 et s’il est plus élevé que les autres, la maladie est alors décelée ». Si cette technique se généralise, on peut alors s’attendre à ce qu’elle entraîne une diminution drastique, voire une absence totale de naissance d’enfants atteints de trisomie 21. Reste à savoir, comme le fait remarquer la doctoresse Giacobino, si c’est bien le type de société que nous voulons défendre.

Quels enjeux éthiques?

Samia Hurst, bioéthicienne, donne son avis en tant qu'expert.

Quel est le principal enjeu éthique du dépistage de la trisomie 21?

Le dépistage doit être décidé librement par les parents et non interdit ou imposé. La naissance d’un enfant atteint de trisomie 21 implique un investissement personnel supplémentaire. Si leur choix est limité parce que le soutien disponible au cas où ils poursuivraient la grossesse est insuffisant, c’est un problème. On ne peut pas dire aux parents que faire le dépistage de la trisomie 21 est leur choix, et, d’autre part, leur imposer de se débrouiller seuls.

Le choix de l’avortement quasi systématique est-il une forme d’eugénisme?

Le problème n’est pas de confier un choix aux parents, mais de le leur ôter. Lorsque l’on parle d’eugénisme, il y a deux composantes: le but d’«améliorer l’espèce» par une sélection positive ou négative, et l’intrusion dans les choix reproductifs des couples. Donner un choix de plus aux parents est le contraire de l’eugénisme. Mais l’important est de protéger ce choix contre des pressions. Car si celles-ci augmentent, on diminue les possibilités des parents et on risque de déterminer à leur place leur décision. Nous vivons à une époque où l’appui est souvent jugé insuffisant par les familles atteintes, où l’on diminue les moyens de l’assurance invalidité. Si des parents peuvent se baser sur leur propre choix, non contraints, pourquoi ne pas alors leur faire confiance?

Les personnes atteintes de trisomie 21 peuvent-elles avoir des enfants?

Alors que les hommes trisomiques sont stériles, les femmes, elles, peuvent en revanche tomber enceinte. Précisions.

Leur parler de contraception et assurer un suivi gynécologique est donc essentiel. Si elles mettent au monde un enfant, celui-ci sera presque toujours trisomique. « Je n’ai pour ma part jamais rencontré de couples atteints de trisomie 21 ayant des enfants, remarque toutefois le Dr Giacobino. Les personnes atteintes de la maladie sont désinhibées dans les interactions sociales et ont une grande familiarité dans les contacts, mais elles n’ont cependant pas d’élan sexuel particulier allant jusqu’à la pulsion ». Ce type de couple peut en effet se donner de l’affection, dormir dans le même lit mais ne va que très rarement jusqu’à l’acte sexuel.

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