Les preuves chiffrées de l’inefficacité de la fessée

Dernière mise à jour 10/06/14 | Article
Les preuves chiffrées de l’inefficacité de la fessée
Ce châtiment corporel fait l’objet d’une polémique quant à sa légitimité. Mais qu’en est-il des résultats qu’elle permet (ou pas) d’obtenir?

La fessée? Ce sont des «coups de main ou de verges donnés sur les fesses». On donne une fessée. Ou on la reçoit.L’un des synonymes de fesser est fouetter. C’est dire si, dans cette affaire, il est question de violence. Au même titre que la gifle ou, sur un mode mineur, que le pincement appuyé de l’un des deux lobes de l’oreille, la fessée est à ranger au rayon des «châtiments corporels». Ces punitions, qui visent généralement les enfants, sont officiellement interdites dans les lois de vingt-trois pays de l’Union européenne – la France faisant exception.

Pratiques «éducatives»

Aux Etats-Unis, on estime aujourd’hui que près de la moitié des parents ont recours aux châtiments corporels, la gifle comme la fessée. Un groupe de chercheurs américains du Texas a voulu en savoir plus sur ce sujet. Non pas sur la légitimité de ces châtiments, mais sur leur efficacité pour ce qui est des changements ultérieurs de comportement. Ces chercheurs viennent de présenter leurs conclusions dans le Journal of Family Psychology, revue de l’American Psychological Association1. Et leurs conclusions raviront celles et ceux qui estiment que de telles pratiques «éducatives» n’ont plus aujourd’hui droit de cité.

Enregistrements radiophoniques

Les chercheurs de l'Université Southern Methodist de Dallas ont mené leur enquête auprès de trente-trois familles. Les mères étaient âgées en moyenne de 34 ans et les enfants de 2 à 5 ans. Les chercheurs ont pris garde de ne pas se limiter aux seules déclarations des parents: ils ont surveillé le recours aux châtiments corporels au moyen d’enregistrements radiophoniques réalisés au domicile de ces familles. Ils ont évalué tous les incidents sur la base de recommandations de bonnes pratiques postulant que, dans certains cas, des formes de punitions corporelles pourraient être justifiées.

Cette justification des châtiments corporels devrait alors répondre aux critères suivants: ils ne devraient être que rarement pratiqués, que de manière sélective, pour des inconduites graves, et en ultime recours. Ils devraient en outre être administrés de manière aussi calme que possible (pas sous le coup de la colère). Le nombre de coups devrait être limité. Ces coups devraient être appuyés (sans plus) et, dans le cas de la fessée, ne pas dépasser la région fessière.

Le coup de la colère

Après analyse de leurs documents, les chercheurs texans ont conclu que le recours à ces punitions était effectif chez 50% des familles suivies. Ils concluent aussi que ce type de châtiment est effectué (dans 50% des cas) en dehors de fautes graves et souvent sous le coup de la colère. Mais un autre élément important est également mis en évidence: trois fois sur quatre (73%) l'enfant recommence, dans les dix minutes qui suivent, à adopter le comportement qui avait conduit à la fessée. Comment mieux dire que ce châtiment n’atteint l’objectif qu’il se propose officiellement d’atteindre?

Plus précisément, les auteurs ont observé, sur une période allant de quatre à six jours, 41 épisodes de punitions corporelles au sein de quinze des trente-trois familles observées. Une famille a totalisé dix incidents à elle seule et les mères étaient généralement plus actives que les pères.

Le bruit et les cris

Dans 51% des cas, le son de la gifle (ou de la fessée) était clairement perceptible par les chercheurs. Il était d’autre part confirmé par le contexte. A commencer par les mises en garde ou les justifications des parents ainsi que par les cris de l’enfant. Dans 44% des incidents, le son pouvait être ambigu, mais le contexte ne laissait guère de doute quant à la matérialité de la punition. Enfin, dans 5% des cas, il n'y avait aucun bruit mais le contexte était explicite.

Au regard des justifications évoquées précédemment, le recours à la punition corporelle n’a rien de rare ou d’exceptionnel. Il est généralement sélectif (la faute de l'enfant est identifiée) et utilisé après un avertissement. Une fois sur deux, le châtiment est pratiqué sous le coup de la colère. Il semble aussi être modérément douloureux dans environ la moitié des cas, peu douloureux une fois sur trois et très douloureux une fois sur dix. Une fois sur dix également la punition n’a donné lieu à aucune réaction audible de l’enfant.

Châtiment parfois utile

On pourrait penser que l’enregistrement au domicile a pu modifier le comportement des parents, mais les auteurs précisent que ce facteur n’a joué qu’à la marge. Leurs conclusions pourront être versées au débat public, toujours très vif, sur la légitimité de ces châtiments corporels au regard de leur objectif éducatif. La violence peut-elle avoir des vertus pédagogiques? Une large étude menée par des chercheurs canadiens, publiée en 2012 dans la revuePediatrics2,avait confirmé le lien entre les châtiments corporels dans l’enfance (en dehors des cas de maltraitance caractérisée) et l’apparition ultérieure de troubles de la personnalité.

Certains psychologues spécialistes estiment toutefois que la fessée peut avoir, dans certains cas, quelques vertus pédagogiques – notamment si l'enfant la perçoit comme étant motivée pour son bien. Utilisée de manière appropriée, elle pourrait éradiquer des comportements déviants ultérieurs.

Souvent violent, le débat reste ouvert.

    

1)    Un résumé (en anglais) de cette étude est disponible ici

2)    L’intégralité (en anglais) de cette étude est disponible ici.

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