«Toutes les innovations vont donner un rôle plus important encore aux médecins et aux équipes soignantes»

Dernière mise à jour 24/09/18 | Questions/Réponses
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Entre tradition et innovation, la clinique des Grangettes a accompagné au fil du temps les mutations du système de santé suisse et a contribué à en façonner les contours. Fondée en 1918 par Barbara Borsinger pour soigner les enfants infectés par la grippe espagnole, elle célèbre ses cent ans cette année et fête l’événement au salon Planète Santé live avec une soirée spéciale, un stand et des conférences.

Au salon Planète Santé live

du 4 au 7 octobre 2018
Palexpo, Genève

Soirée spéciale

Le cœur à l’honneur!

  • Échographie cardiaque
  • Test d'effort
  • Simulation de pose de stent (table cardiologique)
  • Réanimation/massage cardiaque
  • Reconstruction d’images cardiaques

(Stand Clinique des Grangettes)

Conférences

Gilles Rufenacht, son emblématique directeur, le promet: face aux bouleversements que connaît l’organisation des soins, la clinique des Grangettes va continuer à mettre en place des stratégies novatrices pour proposer ce qui se fait de mieux en matière de prise en charge médicale. Avec toujours un même souci: offrir aux patients des soins de haut niveau. Interview.

Vous dirigez la clinique des Grangettes depuis plus de dix ans. Qu’est-ce qui a changé depuis votre arrivée?

La clinique a beaucoup grandi. Nous avons transformé et investi dans nos infrastructures pour rester à la pointe en matière de technologies médicales et de confort. Le site dispose maintenant de plusieurs centres de compétences créés à la suite de celui de la pédiatrie, le premier que nous ayons lancé. Plus de 130 médecins travaillent de façon permanente dans ce qui est devenu aujourd’hui un «village médical». Ce qui me plaît dans ce développement, c’est que nous n’y avons pas perdu notre âme. En particulier, la croissance des bâtiments s’est faite dans le respect du cadre naturel et de son environnement. Il y a une vraie place dédiée à l’architecture et à la nature. Je trouve cet aspect fondamental pour une institution de soins et, avec le recul, très moderne. Cela fait partie de la qualité de la prise en charge globale des patients. En parallèle de très nombreuses transformations, nous avons par ailleurs su conserver un esprit de famille qui facilite le dialogue entre les professionnels de santé.

Fêter un anniversaire, c’est souvent regarder vers le futur. Quelle est la prochaine étape pour les Grangettes?

La prise en charge des soins aigus a beaucoup progressé ces dernières années, et nous suivons ce mouvement. Mais le véritable défi vient de la transformation des besoins: la population vit plus longtemps avec des pathologies toujours plus chroniques. D’où un objectif très important à nos yeux: mieux gérer le retour à domicile et la réhabilitation des patients. Le but est que la qualité de vie après le séjour en clinique soit la meilleure possible. C’est la démarche que nous avons initiée au centre du sein. Ce centre offre ce qui, aujourd’hui, est considéré comme «la base», mais qui à l’époque de sa création ne l’était pas: un lien étroit avec un réseau pluridisciplinaire, y compris les médecins de ville, ce qui permet d’offrir à chaque patient un diagnostic et un traitement optimaux, en même temps qu’un suivi efficace.

L’étape suivante a été d’enrichir ce système d’une palette d’aides personnalisées, comprenant une aide psychologique, une rééducation sportive adaptée et des soins corporels permettant de mieux surmonter la pathologie. Le traumatisme de la maladie est ainsi géré dans sa globalité, de l’appréhension de la nouvelle du diagnostic jusqu’au retour de la personne à la vie quotidienne. Contrairement à ce qu’on entend partout, le futur ne me semble pas se trouver dans la course technologique mais plutôt dans une approche intelligente et intégrée des soins: travailler en réseau de proximité et mettre vraiment au centre l’humain et la prise en charge de sa souffrance.

L’autre grand défi consiste à réussir à améliorer encore la qualité tout en stabilisant les coûts. Comment le relever?

L’augmentation des coûts entraîne assurément une crise majeure dans le système de santé. Une part toujours plus importante de la population n’arrive plus à payer ses primes et –pire– renonce à une prise en charge pour économiser. Notre région est extrêmement dynamique d’un point de vue médical et elle dispose d’un des meilleurs systèmes de santé au monde. Pour garder un tel niveau de qualité et pour que celui-ci reste accessible, il va falloir être créatif et sortir des discours convenus sur le sujet. C’est justement pour renouveler les idées sur l’organisation des soins que nous avons lancé, en impliquant les acteurs privés et publics, les Etats généraux de la santé.

Quelles thématiques vont être abordées dans ces Etats généraux?

Ils partiront d’un constat que beaucoup partagent aujourd’hui: aucune clinique ou hôpital ne peut tout faire seul. Il faut inventer de nouvelles formes de collaborations. C’est la première thématique que nous voulons aborder en proposant des solutions innovantes. Répartir des pôles de compétences régionaux et créer des services spécialisés en réseau: le projet est ambitieux, mais nous y croyons. L’autre piste que nous allons aborder dans cet espace de discussion original est la transition du stationnaire vers l’ambulatoire. Assurément, cela permet d’économiser. Mais il y a actuellement un problème de financement, vu que l’ambulatoire repose uniquement sur l’assurance de base. Pour encourager cette transition, des incitatifs concrets en termes de rétribution sont nécessaires. Enfin, dernier point, le moment est venu d’évaluer l’intérêt et le coût des hospitalisations à domicile. Dans tous ces débats, une chose est sûre et doit nous guider: les vieilles recettes ont montré leurs limites. Nous devons changer de paradigme.

Vous parlez beaucoup du système de soins et des patients. Et le médecin dans tout cela? Va-t-il se faire «ubériser» comme beaucoup le prédisent?

Je ne le pense pas. Les nouvelles manières de partager les données et l’émergence de l’intelligence artificielle dans le monde de la santé vont certainement transformer le rôle des médecins. Mais je les vois plutôt s’approprier ces possibilités pour lancer des nouveaux types de traitement et de suivi. C’est en tout cas de cette manière que nous avons construit le projet médical des Grangettes et j’espère que cela va durer. Pour moi, une institution comme la nôtre ne peut pas se contenter de proposer au médecin un cabinet médical et des outils pour opérer. Le médecin doit, pour pouvoir s’y épanouir, avoir des projets qui font évoluer sa pratique thérapeutique. Il faut aussi qu’il ait l’opportunité de transmettre son savoir et de publier des articles scientifiques s’il le souhaite. Offrir tout cela aux médecins m’apparaît important: c’est de cette manière qu’ils soigneront au mieux leurs patients. Dans cette optique, les nouvelles technologies sont, elles aussi, des outils ouvrant des perspectives inédites de prise en charge. Mon rôle aujourd’hui est d’accompagner les professionnels de santé dans le nouveau monde qui émerge. Bien évidemment, tous les projets ne sont pas réalisables. Mais ce qui me semble crucial, c’est de favoriser une culture d’ouverture et de discussion. Piloter un établissement de soins, c’est aussi avoir une vision, anticiper les nouvelles orientations du système de santé et disposer d’un ancrage politique fort pour influencer et non pas subir le futur de la médecine. Donner du sens à ce que nous faisons est le plus important, que l’on soit médecin, infirmier ou gestionnaire d’un établissement hospitalier.

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Paru dans Planète Santé magazine N° 30 – Août 2018