Passer sans difficulté à l’heure d’été

Dernière mise à jour 27/03/18 | Article
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Au printemps, le changement d’heure amène avec lui fatigue et somnolence passagères. Certains y sont plus particulièrement sensibles. Et si c’était l’occasion de reprendre de bonnes habitudes de sommeil?

Chaque année, les plus fatigués d’entre nous redoutent le passage à l’heure d’été, qui supprime une heure de sommeil. Introduit en Suisse en 1981 par souci d’harmonisation avec les pays voisins, le changement d’heure a été adopté pour des raisons d’économie d’énergie. Aujourd’hui, on estime que ses bénéfices économiques sont relatifs. L’Union européenne réfléchit d’ailleurs à l’abolir. La question qu’on se pose tous: quel est au juste l’impact du passage à l’heure d’été sur l’organisme? «Les études scientifiques sur le sujet sont contradictoires. Globalement, la santé de la population générale serait peu affectée», répond le Dr Stephen Perrig, médecin adjoint, neurologue au Centre de médecine du sommeil des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Néanmoins, une étude suédoise, publiée dans la revue médicale The New England Journal of Medicine en 2008, souligne une augmentation légère mais significative des accidents cardiovasculaires (infarctus) au cours des 48 heures qui suivent le passage à l’heure d’été chez les personnes prédisposées.

Un petit stress

Si la majeure partie des gens s’adapte facilement à ce changement, perdre une heure de sommeil peut induire un stress et une fatigue ainsi qu’une somnolence passagère chez ceux qui ont une sensibilité particulière aux variations de rythme. Nous sommes en effet tous dotés d’une horloge interne, logée dans le noyau suprachiasmatique dans le cerveau. Cette horloge est régulée par la lumière naturelle, beaucoup plus puissante que l’artificielle. Au moment où le jour baisse, l’épiphyse, commandée par ce noyau, sécrète de la mélatonine, hormone qui favorise l’endormissement. Or, «lorsqu’on change d’heure, l’hormone du sommeil continue à être sécrétée au même moment. Notre cerveau a alors besoin de quelques jours pour calquer sa libération hormonale avec l’heure sociale», explique le Pr Raphaël Heinzer, médecin-chef du Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).

Pour minimiser les effets de ce «mini jetlag» chez les personnes sensibles et faciliter le réveil du lundi matin, l’idée est de se coucher vingt minutes plus tôt les trois nuits qui précèdent le changement d’heure. Pas simple toutefois de s’endormir une heure plus tôt. Pour y arriver, le mieux est d’éviter le plus possible de s’exposer à de la lumière artificielle en soirée.

Quoi qu’il en soit, si vous vous sentez souvent somnolent la journée ou si vous avez régulièrement des problèmes à vous endormir, le passage à l’heure d’été est l’occasion de revoir votre hygiène du sommeil.

Les bonnes pratiques

Respecter ses besoins

Nous ne sommes pas tous égaux face au sommeil. On dit qu’un adulte a besoin d’environ huit heures de sommeil pour être en forme, avec plus ou moins une heure selon les individus. Et vous, où en êtes-vous? Êtes-vous plutôt un petit dormeur (moins de sept heures) ou un gros (plus de neuf)? Un couche-tôt ou un couche-tard? Un lève-tôt ou un lève-tard? Pour le savoir, profitez d’une période de vacances. Elle vous permettra d’identifier votre profil et de déterminer vos besoins réels. Durant les premiers jours de congé, vous allez d’abord épuiser votre dette de sommeil. Une fois reposé, commencez à vous observer. Notez l’heure à laquelle la fatigue vous gagne le soir, et celle à laquelle vous vous réveillez naturellement le matin. Le port d’un bracelet qui détecte le moment où vous plongez dans le sommeil et celui où vous émergez peut être utile, mais n’a rien d’obligatoire. Quand vous aurez une idée plus réaliste de votre fonctionnement, faites en sorte de respecter le plus possible votre rythme biologique. Vous obtiendrez ainsi un sommeil réparateur, surtout s’il est d’ordinaire fragile. C’est injuste, mais les «bons» dormeurs, contrairement aux «mauvais», peuvent se permettre d’enfreindre les règles d’hygiène du sommeil sans grandes conséquences sur leur bien-être.

Instaurer de la régularité

Se coucher et se lever à des heures régulières a un effet de synchronisation sur le cycle veille-sommeil. Même chose pour l’activité physique et l’exposition à la lumière durant la journée. La régularité améliore la qualité du sommeil: celui-ci sera plus profond et plus réparateur. Aussi, après une mauvaise nuit, il est tentant d’aller se coucher plus tôt pour récupérer. Mais c’est une mauvaise idée. En se couchant sans ressentir le sommeil, on risque de ne pas s’endormir. À long terme, c’est la porte ouverte aux troubles de l’endormissement, autrement dit à l’insomnie. Donc, même si vous avez mal dormi la veille, restez constant dans votre horaire. Malheureusement, cette régularité dans l’hygiène de vie n’est pas toujours facile à appliquer pour différentes raisons. Parfois, ce sont les contraintes professionnelles (travail de nuit, horaires irréguliers) qui rythment le quotidien. Dans ce cas, on n’a pas tellement le choix, la seule possibilité est d’adapter ses moments de repos en conséquence. Plus banalement, la société moderne propose des sollicitations nombreuses et presque sans limite de nuit comme de jour. Les offres de loisirs, de sorties, de programmes télévisuels sont foisonnantes. Il est important de s’imposer des limites et de ne pas sacrifier son sommeil.

Rester positif face au sommeil

Vous l’avez sans doute expérimenté: le stress et l’anxiété ne favorisent pas l’endormissement. Couché dans le noir, face à soi-même, on a tendance à passer en revue les difficultés de la journée et à anticiper celles du lendemain. Mais les ruminations provoquent une tension nerveuse qui nous empêche de dormir. Il s’agit donc de trouver des moyens de se relaxer durant la journée ou dans la soirée, en tout cas avant d’aller au lit. Par ailleurs, une focalisation excessive autour de la «volonté de dormir» peut poser problème. Les personnes qui ont de la peine à dormir ou qui sont dans le contrôle ont tendance à dramatiser si le sommeil ne vient pas. Or, quand on n’arrive pas à s’endormir ou qu’on se réveille au milieu de la nuit, rien n’est pire que de regarder son réveil pour savoir combien d’heures on a déjà dormi et de calculer le temps qu’il reste avant l’heure fatidique du réveil. Il faut essayer de lâcher prise. Acceptez de vivre des moments de silence dans l’obscurité, dépourvus de toute sollicitation. Si le sommeil ne vient pas, relevez-vous et sortez de votre chambre. Trouvez une occupation calme jusqu’à votre prochain cycle de sommeil. Attendez de ressentir à nouveau de la fatigue pour retourner vous coucher.

Dormir dans de bonnes conditions

Il est plus facile de tomber dans les bras de Morphée si les conditions sont propices. Prenez donc soin de l’environnement dans lequel vous dormez. Faute de place, il n’est pas rare qu’on mette dans sa chambre tout ce qu’on ne sait pas où ranger dans sa maison. Grossière erreur. La chambre à coucher ne devrait pas être un dépotoir! Au contraire, soignez la décoration et rendez-la accueillante. Dans la mesure du possible, elle devrait être située à l’écart du bruit, grand perturbateur du sommeil. Il est également primordial de pouvoir l’isoler de la lumière (stores, volets), l’obscurité favorisant l’endormissement. La température de la pièce, elle, ne doit être ni trop froide ni trop chaude. Fenêtre ouverte ou fermée? Chacun a ses préférences, et mieux vaut s’y tenir. Le lit lui-même a aussi toute son importance. Plus il sera confortable, plus vous aurez envie de vous y réfugier dès la nuit tombée. Mais attention, bannissez de votre lit toute autre activité incompatible avec le fait de dormir: travailler, manger ou regarder la télévision. Dédiez-le au sommeil ou aux relations sexuelles, uniquement. Car il doit rester un déclencheur de sommeil. Un conseil incontournable pour les insomniaques.

Les pièges à éviter

Les écrans

Les écrans des ordinateurs, des tablettes et des smartphones émettent une lumière bleue qui retarde la production de mélatonine, l’hormone qui envoie le signal au corps qu’il est temps de dormir. Le soir, éloignez les écrans ou activez des filtres de lumière bleue (par exemple F. lux ou Twilight) sur vos différents appareils.

La caféine et l’alcool

Le café, le thé noir, les boissons à la caféine et le tabac sont des excitants qui peuvent nuire à l’endormissement. Si vous y êtes sensible, buvez votre dernier café en début d’après-midi et préférez une tisane le soir. L’alcool est quant à lui pernicieux. S’il a un effet sédatif, en réalité il déstructure le sommeil, le rend plus léger et plus fragmenté, surtout durant la deuxième partie de la nuit. Ronflements, agitation et sudation nocturnes, cauchemars et apnées du sommeil sont alors plus fréquents. Le dernier verre de vin devrait être pris plutôt au déjeuner qu’au dîner.

Les trop grandes stimulations

Le sport augmente la température corporelle et engendre une excitation physique et psychologique contre-productive pour s’endormir. Faites du sport plus tôt dans la journée, ou séparez l’activité d’au moins trois heures avant le coucher. En revanche, une balade tranquille est tout à fait indiquée. Pour les mêmes raisons, les activités intellectuelles intenses et trop stimulantes sont à proscrire à l’approche du coucher pour les personnes dont le sommeil est fragile.

Les somnifères

Ne prenez pas de somnifères sans ordonnance médicale. Ces médicaments, qui entraînent une accoutumance, ne devraient être prescrits que pour une durée limitée et en cas d’insomnies aiguës. Leur arrêt doit être progressif, avec l’accord du médecin. D’ailleurs, si vous avez de la peine à vous endormir –ou à vous rendormir– depuis plus de trois mois, à raison de trois mauvaises nuits par semaine, parlez-en à votre médecin de famille avant de prendre des somnifères. Il vous proposera d’abord de remplir un agenda du sommeil pour mieux cerner la situation. Si vos difficultés entraînent une fatigue et une baisse de vigilance durant la journée, il est très important de consulter. N’oubliez pas que l’endormissement est une cause fréquente d’accidents de la circulation.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 25/03/2018.

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