La listériose affecte de vingt à soixante Suisses par an

Dernière mise à jour 06/06/12 | Article
Se laver les mains avant la préparation des repas
Infection rare, la listériose a récemment été retrouvée dans plusieurs produits industriels. A quoi faut-il faire attention? Réponses du Docteur Daniel Genné.

De quoi on parle?

Les faits

Le 23 avril dernier, des listeria, bactéries pathogènes, ont été découvertes dans le fromage d’Italie au four de la marque Malbuner vendu par Migros dans les cantons de Berne, Argovie et Soleure.

Le bilan

Le fabricant a appelé les acheteurs du fromage incriminé à ne pas le consommer. Selon Migros, qui l’a aussitôt retiré de ses rayons, ce produit n’aurait causé aucun problème de santé chez ses clients.

C’est à croire que Migros joue de malchance. En février dernier, le géant orange avait déjà dû retirer de la vente des escalopes panées, puis des crevettes cuites en barquette, pour cause de contamination par des bactéries listeria. A moins que ce ne soit plutôt bon signe et la preuve que le distributeur«fait sérieusement ses contrôles et retire ses produits de l’étalage avant qu’ils ne posent problème», commente Daniel Genné, infectiologue et chef du service de médecine interne de l’Hôpital neuchâtelois La Chaux-de-Fonds. L’alerte a en effet été rapidement donnée et, cette fois encore, la santé des clients n’a pas été affectée.

Cela n’a pas toujours été le cas. Le monde médical garde en mémoire l’épidémie des années 80, qui avait fait une trentaine de morts dans le canton de Vaud parmi les amateurs de vacherin Mont-d’Or. Celle aussi qui avait touché le canton de Neuchâtel en 2005(lire l’encadré ci-contre). Dix consommateurs avaient alors été infectés après avoir mangé une tomme de fabrication artisanale; trois personnes âgées étaient décédées et deux femmes enceintes avaient perdu leur foetus.

Transmission de la listériose

Seulement 1% des infections alimentaires

Tous avaient développé une listériose, infection provoquée par ce que l’on nomme communément la listeria. En fait, il s’agit là d’une grande famille de bactéries dont une seule,Listeria monocytogenes, est pathogène pour l’être humain. Un microorganisme d’autant plus néfaste qu’il est omniprésent dans la nature: dans l’eau, le sol, les végétaux. Une fois ingéré par les animaux, il se retrouve dans le lait et dans la viande ainsi que dans les légumes que nous mangeons. En pratique, la nourriture contaminée est la principale responsable de la listériose.

Il faut toutefois se garder de paniquer devant son assiette. La listériose est une maladie rare et, hormis les épidémies du passé, elle se manifeste sous forme de cas sporadiques. «Elle affecte entre 20 et 60 personnes chaque année en Suisse et ne représente que 1% des cas rapportés d’infections alimentaires», précise l’infectiologue.

En outre, les personnes dont le système immunitaire est intact n’ont pas trop de soucis à se faire. Entre 1 à 5% des êtres humains sont d’ailleurs des porteurs sains: ils sont contaminés, mais ne présentent aucun symptôme de la maladie. Les autres en sont quittes, quelques jours après avoir consommé un aliment contaminé, pour souffrir d’une gastro-entérite aiguë avec son lot de fièvre, de diarrhées et éventuellement de nausées. Mais la plupart du temps, le mal guérit spontanément.

Il en va tout autrement chez ceux dont les défenses naturelles sont affaiblies. Car la listeria est astucieuse. C’est l’une des rares bactéries pathogènes qui, après avoir été véhiculée par le sang, pénètre dans une cellule puis passe dans ses voisines. Ce comportement «la met à l’abri des principales armes du système immunitaire, les anticorps, qui sont à l’extérieur des cellules, explique Daniel Genné. Il faut donc posséder un système de défense très compétent pour s’en débarrasser». Ce n’est pas le cas des femmes enceintes, qui transmettent alors le microbe au foetus qu’elles perdent dans un cas sur deux. Ni des personnes immunodéprimées à la suite d’une maladie ou d’un traitement. Les plus jeunes et les plus âgés (moins de 2 ans et plus de 60) sont également particulièrement concernés. Dans cette population à risque, la listeria peut donc déclencher des gastroentérites ou – bien plus grave – infecter le système nerveux central et provoquer une méningite, c’est-à-dire une inflammation de la membrane qui entoure le cerveau. Elle peut même se diffuser au travers de cette membrane en causant une infection du cerveau accompagnée de troubles neurologiques (encéphalite).

«La mortalité due à ces maladies est très élevée, précise Daniel Genné. En l’absence de traitement, elle peut atteindre 100%, alors qu’elle n’est que de 13 à 43% si le patient bénéficie d’un traitement.» Car s’il n’existe pas de vaccin contre la maladie, la prescription d’un ou de deux antibiotiques donne de bons résultats. «L’efficacité est d’autant plus grande et les séquelles neurologiques d’autant plus faibles que la thérapie est entreprise rapidement», souligne le spécialiste. D’où l’importance, pour les médecins, de diagnostiquer rapidement la listériose. Mais mieux vaut ne pas en arriver là et prendre toutes les précautions nécessaires (lire l’encadré ci-dessous) pour éviter d’ingérer des listeria.

Que faire pour éviter d’être contaminé?

Protection

Il n’est pas facile de se débarrasser de la listeria, car cette bactérie prolifère aussi bien à 4 degrés – au réfrigérateur – qu’à plus de 37 degrés. Les personnes à risques (femmes enceintes, jeunes enfants et personnes âgées, notamment) doivent respecter quelques règles simples pour éviter d’être contaminées par ce pathogène présent dans la nourriture: cuire les viandes et laver légumes et fruits. Elles doivent en outre renoncer aux fromages au lait cru (non pasteurisé), aux produits de charcuterie crus, aux poissons fumés et aux coquillages. Ainsi qu’aux hot-dogs, car la bactérie prolifère dans le liquide des paquets de saucisses.

Sans oublier l’hygiène: veiller à se laver les mains avant de préparer le repas, et à nettoyer les ustensiles de cuisine. Enfin, ranger les aliments dans le réfrigérateur empêche que les bactéries présentes dans un produit se transmettent à un autre.

Neuchâtel a frôlé la catastrophe en 2005

Epidémie

«C’est la pire crise que j’ai vécue au cours de mes trente ans d’expérience!» Marc Treboux était le chimiste cantonal de Neuchâtel en 2005, quand s’est déclarée la dernière épidémie de listériose en Suisse. Tout a commencé lorsque «les milieux médicaux et le laboratoire d’analyse de La Chaux-de-Fonds ont envoyé des signaux d’alerte, après avoir constaté qu’ils avaient plus de cas que d’habitude», précise-t-il. Le chimiste et le médecin cantonaux se sont demandé ce que les personnes contaminées pouvaient bien avoir en commun. «Comme je savais d’expérience que l’infection devait avoir une origine alimentaire, j’ai prié mon adjoint de faire le tour des hôpitaux où les patients étaient soignés pour savoir ce qu’ils avaient mangé. C’était un vendredi soir. Après avoir interrogé cinq ou six patients, il m’a téléphoné le lendemain pour me dire qu’ils avaient tous consommé une tomme artisanale.» Marc Treboux a réagi rapidement. Le lundi matin, avant même d’avoir les résultats des analyses qui ne sont arrivés que trois jours plus tard – nous ne sommes pas dans «Les experts», dit-il en riant – il a considéré qu’il y avait «assez d’indices pour donner l’alerte à la télévision, en direct». Bilan: trois personnes âgées sont mortes et deux femmes enceintes n’ont pu mener leur grossesse à terme.

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