La pollution de l’air augmente les maladies cardiaques et pulmonaires

Dernière mise à jour 16/11/17 | Article
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La qualité de l’air que nous respirons a un impact majeur sur notre santé. Les mesures permettant de limiter les émissions polluantes ont prouvé leur utilité.

De quoi on parle

La pollution est la première cause environnementale de maladies et de décès prématurés dans le monde. Un rapport publié fin octobre dans la revue scientifique The Lancet révèle qu’un décès sur six en 2015 est lié à la pollution de l’air, mais aussi de l’eau et du lieu de travail. Chaque année, la pollution atmosphérique, à elle seule, est responsable de 6,5 millions de morts prématurées, en raison des maladies respiratoires et cardio-vasculaires qu’elle entraîne.

A l’échelle de la planète, la pollution tue trois fois plus que le sida, la tuberculose et la malaria, et quinze fois plus que les guerres et les autres formes de violence. En 2015, elle a été à l’origine d’un décès sur six dans le monde. C’est le triste bilan dressé par la commission «pollution et santé» du Lancet, la fameuse revue scientifique médicale britannique, dans un rapport publié fin octobre. À elle seule, la pollution de l’air cause 6,5 millions de morts chaque année, dont la plupart sont consécutives à des affections cardiovasculaires ou pulmonaires. Les pays les plus pauvres et ceux en voie d’industrialisation rapide sont les plus vulnérables.

La situation en Suisse

En Suisse, si «la qualité de l’air s’est améliorée au cours des dernières décennies grâce à la mise en place de différentes mesures, la concentration de particules fines, d’ozone et d’oxyde d’azote dans l’air reste trop élevée, surtout en zone urbaine ou à proximité des axes routiers pour les particules fines, et à la campagne pour l’ozone», estime Richard Ballaman, chef de la section «Qualité de l’air» de l’Office fédéral de l’environnement. On retrouve une concentration élevée de particules fines (PM10) quand il y a stagnation de l’air et accumulation de fumée et de gaz d’échappement durant plusieurs jours en hiver. Comme ces derniers jours au Tessin, une région qui subit de plein fouet le smog milanais. Les effets sur la santé sont réels et se traduisent par une augmentation des troubles (toux, dyspnée) et maladies respiratoires (asthme, bronchites, BPCO, infections des voies respiratoires, etc.) chez l’enfant et l’adulte, par des consultations et des hospitalisations plus fréquentes lors des pics de pollution, et par une diminution de l’espérance de vie. «Les corrélations entre pollution, asthme, BPCO et maladies cardiovasculaires sont aujourd’hui bien établies», confirme le professeur Laurent Nicod, chef du service de pneumologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). La gravité des conséquences dépend de la concentration de polluants dans l’air et de la durée d’exposition.

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Les mécanismes

La pollution en chiffres

  • 10 à 20 ug/m3: le taux moyen de particules fines en suspension dans l’air en Suisse. Il est 10 à 20 fois plus élevé à Pékin (110 ug/m3) ou à Rihad (370 ug/m3).
  • Environ 3000: le nombre de décès prématurés provoqués par la pollution de l’air, en particulier par les PM10 (des particules fines) en Suisse, selon une étude de l’Office fédéral du développement territorial (2010). Un chiffre qui représente 5% des décès en Suisse. A titre comparatif, pour la même année et selon cette même étude, environ 300 décès sont dus aux accidents de la route.
  • 2500: c’est le nombre des décès prématurés, dont la plupart sont consécutifs à des maladies cardiovasculaires liées à la pollution. Une minorité, 500, sont dus au cancer du poumon. 

A chaque inspiration, une quantité plus ou moins importante de polluants atmosphériques pénètre dans les voies respiratoires et les poumons. Les plus grosses particules, d’une taille supérieure à 10 microns, se collent sur les muqueuses au niveau du nez et du pharynx: des irritations locales et des brûlures peuvent survenir. «Si ces particules vont plus loin, elles sont détruites par des cellules appelées macrophages et éliminées avec le mucus par les cils des voies respiratoires», explique le Pr Nicod. Différents mécanismes visent à s’en débarrasser: éternuements, mouchage, déglutition, toux.

Mais plus les particules sont petites, plus elles pénètrent profondément dans les poumons. Elles se déposent alors dans les bronches et les alvéoles pulmonaires, où elles déclenchent des réactions inflammatoires. L’inflammation des voies aériennes peut causer des symptômes comme la toux, des expectorations, un essoufflement, puis des maladies chroniques comme un asthme, une bronchite chronique ou une BPCO, notamment. En effet, «petit à petit, l’inflammation va détruire les parois très fines qui permettent les échanges gazeux, entraînant non seulement un rétrécissement des bronches, mais aussi une destruction du tissu pulmonaire», explique Laurent Nicod.

Pire, les particules fines peuvent atteindre le sang –celui-ci passant par les poumons pour être réoxygéné– avec des répercussions sur les parois des artères et le cœur, confirme le Pr Pierre-Olivier Bridevaux, chef du service de pneumologie à l’Hôpital du Valais: «A l’instar de la fumée de cigarette, les particules fines peuvent causer une inflammation chronique des vaisseaux sanguins, en particulier des artères coronaires, augmentant ainsi le risque de maladies cardio-vasculaires». Par ailleurs, on sait maintenant que l’exposition chronique à la pollution de l’air est un facteur de risque pour le développement de cancer pulmonaire, comme on le voit avec le tabac. Mais pas seulement. «La présence de protéines inflammatoires dans le sang et les cellules peut avoir des répercussions sur tout l’organisme, exposant à un risque augmenté de lésions vasculaires, de diabète, d’ostéoporose, etc.», prévient Laurent Nicod.

Âge, exposition et pauvreté

Comme le montre le rapport du Lancet, nous ne sommes pas tous égaux face aux effets de la pollution sur la santé. Le degré d’exposition et le niveau de vie (pauvreté) sont déterminants. «Habiter à moins de 50 mètres d’un axe routier augmente le risque de survenue d’asthme de 180%!», illustre le professeur lausannois. Les facteurs génétiques, l’âge et l’état de santé jouent également un rôle important: les enfants, les personnes âgées ou malades sont plus vulnérables. «Une exposition chronique chez les enfants en bas âge limite la croissance du poumon et favorise la survenue d’infections respiratoires à l’âge adulte», complète le Pr Bridevaux. Avec l’âge, les poumons perdent naturellement une partie de leur fonction. La pollution de l’air accélère encore le processus de vieillissement du poumon, augmentant le risque de difficultés respiratoires (BPCO) et de pneumonie. Heureusement, comme l’ont montré plusieurs études, la santé s’améliore rapidement lorsqu’on prend des mesures pour réduire les émissions polluantes. L’étude suisse SAPALDIA a en effet démontré qu’une amélioration de la qualité de l’air freine la dégradation de la fonction pulmonaire liée à l’âge et diminue les symptômes respiratoires des personnes touchées.

Marche, vélo ou voiture?

Une revue systématique de près de quarante études, réalisée par le Lancet en janvier dernier, a permis de comparer l’exposition à la pollution ambiante, la dose de polluants inhalés et l’effet potentiel sur l’espérance de vie en fonction du mode de transport quotidien, soit à pied, à vélo, en voiture, en train, etc. Les résultats montrent que les pendulaires les plus exposés à la pollution de l’air sont ceux qui se déplacent en bus ou en voiture, et les moins exposés ceux qui prennent le train. Les cyclistes et les piétons sont ceux qui inhalent le plus de particules fines en raison de la durée moyenne plus longue de leur déplacement et de l’augmentation de la respiration due à l’activité physique. Malgré cela, il s’avère que le bénéfice de l’activité physique lié à la marche et au vélo surpasse l’effet négatif d’une dose de particules inhalées plus importante. Les piétons, en dépit de la dose de pollution inhalée plus grande, gagnent ainsi une année d’espérance de vie supplémentaire, par rapport aux personnes empruntant un véhicule motorisé. A noter que «les rues piétonnes, les parcs, les pistes cyclables séparées du trafic routier permettent, sur un plan de santé publique, de réduire encore l’exposition des piétons et des cyclistes. Les personnes en voiture peuvent quant à elles fermer les fenêtres de leur véhicule et opter pour des voitures filtrant l’air extérieur», conclut le Pr Bridevaux.

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Paru dans Le Matin Dimanche du 12/11/2017.

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