La population bactérienne de nos poumons influence leur santé

Dernière mise à jour 30/11/16 | Article
Poumons
La découverte qu’une population complexe de bactéries vit dans nos poumons modifie notre compréhension de cet organe.

UN PETIT PAS POUR L’HOMME...

Un demi-milliard. Plus de 500 millions de dollars en fonds publics et privés, c’est ce que les Etats- Unis investiront dans la recherche sur le microbiote mondial, la population bactérienne de la planète, annonçait le gouvernement Obama au mois de mai. Deux axes sont prépondérants. D’abord faciliter les collaborations entre scientifiques: les spécialistes du microbiote digestif humain ne sont, aujourd’hui, pas forcément en contact avec ceux qui étudient le microbiote animal qui, à leur tour, ne discutent pas nécessairement avec les experts des bactéries du sol. Ensuite, continuer à développer les outils qui permettent ces recherches, par exemple en améliorant les techniques de séquençage génétique ou en obtenant le moyen de supprimer un type et un type seulement de bactérie au sein d’une population pour observer les effets que cause son absence.

Il y a des microbes dans nos poumons. Pas de panique, c’est normal dans la très grande majorité des cas! Notre corps recèle en effet de milliards de bactéries et, habituellement, nous coexistons pacifiquement avec elles. L’ensemble de ces micro-organismes s’appelle le microbiote humain et, depuis quelques années, les scientifiques se rendent compte qu’il a de nombreux impacts sur le fonctionnement de notre corps et de notre santé. Au sein de cet ensemble bactérien, on connaît toujours mieux le microbiote du système digestif, mais la découverte d’un microbiote des poumons a été une énorme surprise pour les scientifiques. «Les traités de médecine considéraient le poumon comme stérile», relate le Pr Laurent Nicod, chef du service de pneumologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (Chuv). Si on ne les avait pas identifiées plus tôt, c’est que ces bactéries sont difficiles à cultiver hors du poumon. Mais les techniques de séquençage génétique à haut débit ont permis de révéler toute la diversité de cette flore bactérienne.

Influence sur l’immunité

«Elle commence à être connue depuis quatre ou cinq ans, poursuit le spécialiste. Nous cherchons aujourd’hui à connaître son origine et à préciser sa composition. Celle-ci est peut-être déterminée par le contact lors de la naissance avec la flore vaginale de la mère. De même, au cours de notre vie, il se peut que les bactéries de la bouche et de la gorge influencent la composition du microbiote de nos poumons. Enfin, il est probable que l’environnement ait une incidence sur celle-ci mais on ignore encore à quel point», poursuit le spécialiste. De manière générale, entre le microbiote, les affections et l’environnement, «les rapports dans le poumon sont bien plus interdépendants qu’on le pensait auparavant», résume le pneumologue. Les scientifiques font ainsi l’hypothèse que les bactéries de nos poumons contribuent à nous protéger des infections virales. De la santé de notre microbiote dépendrait donc, en partie, la santé de nos poumons. Le microbiote digestif a d’ailleurs probablement un effet indirect sur la santé de nos poumons. «Il fait passer dans le sang des acides gras à chaîne courte qui ont un effet dans la moelle sur des cellules actives dans notre immunité, détaille le Pr Nicod. Chez l’animal, on a montré un impact de ce fait sur des maladies respiratoires comme l’asthme ou la bronchopathie chronique obstructive (BPCO)».

L’INTESTIN RELIÉ AU CORPS ENTIER

Un kilo et demi à deux kilos, c’est le poids des bactéries de notre intestin! 1200 espèces ont été identifiées et chaque individu en abrite au moins 160. Elles ont un impact sur les tissus graisseux, le foie, le pancréas, le système cardiovasculaire, les poumons et le cerveau. Et ont donc aussi une influence sur des maladies aussi diverses que l’obésité, le diabète acquis, les maladies cardiovasculaires ou l’asthme allergique.

Un nouveau territoire

Chez l’être humain, les scientifiques ont montré que la flore bactérienne des poumons n’était pas la même chez des sujets sains, des personnes souffrant de BPCO, de fibrose pulmonaire ou des patients qui avaient reçu une transplantation pulmonaire. Evidemment, la maladie modifie l’environnement du poumon, ce qui le rend plus ou moins accueillant pour différentes bactéries. Mais on peut également postuler l’effet inverse, explique le Pr Nicod, à savoir que, selon sa composition, son équilibre, notre microbiote pulmonaire nous rendrait plus ou moins susceptible de déclarer ou d’aggraver certaines affections. Les personnes transplantées du poumon connaissent ainsi d’importantes variations de leur microbiote. Assurer un bon équilibre de celui-ci par un éventuel traitement pourrait permettre de réduire le risque de complications postopératoires. De même, les personnes qui souffrent de fibrose pulmonaire, une maladie où le tissu des poumons se dégrade prématurément, connaissent des exacerbations, des périodes où leur maladie s’aggrave subitement. Garantir un équilibre bactérien du poumon pourrait réduire la fréquence de ces épisodes. Idem pour la BPCO. Quant à l’asthme, un microbiote bien régulé pourrait diminuer le risque d’infections virales qui aggravent la maladie. L’environnement bactérien du poumon est un territoire qui s’ouvre pour les chercheurs. Il leur reste encore beaucoup à comprendre sur son fonctionnement et son évolution. Afin, demain, de disposer de traitements qui exploitent ses propriétés.

Un impact sur le développement de l’allergie?

DANS LEURS PREMIÈRES recherches sur le microbiote pulmonaire, les scientifiques ont observé qu’il connaissait de grandes variations au cours de la première année de vie des enfants. «Nous postulons que cela influence beaucoup la tendance des individus à développer différentes allergies», explique le Pr Nicod.

ON RETROUVE LÀ la «théorie de l’hygiène » que défendent de nombreux allergologues, poursuit-il. En effet, la proportion d’allergiques dans nos sociétés a augmenté en même temps que l’hygiène se développait. En parallèle, des études ont montré une moindre proportion d’allergiques chez les enfants d’agriculteurs, plus souvent en contact avec des animaux et la nature que leurs congénères citadins. Au point qu’en Allemagne des séjours à la campagne sont organisés pour des enfants à haut risque d’allergie dans l’espoir qu’ils n’en développent pas.

TOUT NE SE JOUE d’ailleurs pas à la naissance, complète le Pr Nicod. En Pologne, avant la chute du mur, on ne connaissait ainsi que très peu d’allergiques, mais beaucoup de familles possédaient des bovins ou des ovins pour leur seule consommation personnelle. Cet usage s’est perdu avec l’arrivée de l’économie de marché et la proportion d’allergiques a doublé, voire triplé, y compris chez les adultes.

CHEZ LES ENFANTS à haut risque d’allergie ou plus tard chez les adultes déjà allergiques, des interventions sur la composition du microbiote pulmonaire seront peut-être utiles demain pour leur santé.

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