Travail: la crise peut (aussi) faire mal au mental

Dernière mise à jour 11/06/12 | Article
Indices boursiers et collaborateur épuisé
On s’en doutait quelque peu, c’est démontré et chiffré. La récession économique n’est pas sans peser sur les psychismes individuels de ceux qui travaillent.

La crise stresse-t-elle les travailleurs? Ceux qui en doutaient encore devront revoir leur copie en prenant connaissance des résultats d’une large étude irlandaise qui vient d’être publiée sur le site de Occupational Medicine. C’est ici le titre d’une revue spécialisée dans les différents aspects de cette discipline souvent bien mal connue qu’est la médecine du travail. Les auteurs ont cherché à évaluer l’impact psychosocial de ce que l’on désigne généralement par «crise» et qu’il vaudrait sans doute mieux appeler «récession économique». Ce travail peut être assez simplement résumé. Celles et ceux qui voudront prendre connaissance plus en détail de ce travail trouveront la publication (en anglais) dans son intégralité ici même.

Etes-vous «stressé au travail»? Oui, si (pour faire court) vous souffrez d’un déséquilibre. Et précisément d’un déséquilibre entre la perception que vous avez des contraintes imposées par votre environnement professionnel et la perception que vous avez des ressources qui sont les vôtres pour y faire face et, mieux, pour les résoudre. En l’absence d’un tel déséquilibre on peut conclure que vous n’êtes pas stressé, voire peut-être même que (sans aller jusqu’à parler de bonheur) votre travail vous procure des satisfactions nullement négligeables.

L’étude dont nous parlons a été menée par des chercheurs de l’Université de Nottingham, d’Ulster et du Northern Ireland Civil Service. Elle l’a été dans le cadre plus général de la Stormont Study auprès de salariés de la fonction publique d’Irlande du nord. Ce travail a été effectué en deux temps. Tout d’abord en 2005 (17 124 personnes), puis en 2009 (9913), soit avant et pendant la période de récession économique. Il apparaît ainsi que la proportion des salarié(e)s ayant déclaré leur travail comme étant «très» ou «extrêmement» stressant est passée de 18,5% à 26% entre ces deux périodes. Les chercheurs établissent parallèlement que les absences au travail liées au stress sont passées de 6% en 2005 à 7,5% en 2009. Le nombre de jours d’absence pour stress est quant a lui respectivement passé en moyenne de 1,2 à 2,72 jours.

Ainsi donc inquiétudes diffuses et leur corollaire: l’absentéisme. Mais cette enquête ne portait pas que sur l’augmentation du nombre de fonctionnaires affectés par le stress, le nombre ou la longueur des arrêts professionnels pour «maladie». On observe ainsi que six des sept paramètres retenus par les chercheurs se sont dégradés entre 2005 et 2009. Il s’agit du contenu et du contrôle des tâches demandées aux salariés, du soutien apporté ou non par les collaborateurs, des relations plus générales dans l’entreprise, de la fonction des employés et des modifications apportées à cette fonction.

Les chercheurs concluent ainsi sans équivoque à l’impact négatif de la récession économique forte augmentation des facteurs de risque psychosociauxassociés à une forte augmentation des niveaux de stress lié au travail et des absences dues au stress professionnel. Difficile de ne pas voir dans cette étude un symptôme réclamant, en ces temps économiquement difficiles une meilleure gestion des risques psychosociaux dans la sphère professionnelle. Et ce bien au-delà de la seule fonction publique d’Ulster.

On peut ici rappeler que dans l’Union européenne la quatrième enquête de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, a estimé qu’en 2005 près d’un quart des salariés déclaraient déjà des problèmes de santé liés au stress d’origine professionnelle. En France certains évoquaient récemment un «mal-être au travail» chez 24% des hommes et 37% des femmes. Mais il s’agit là d’un concept peut-être plus vaguement existentiel que le très pragmatique «stress» anglo-saxon.

On parlait il y a quelques années encore de «l’optimisation du bien-être» des employés. L’heure semble être plus aujourd’hui à la prévention des risques associés aux stress professionnel de ces mêmes employés. Ces derniers sont actuellement souvent confrontés à l’insécurité de l’emploi bien sûr, mais aussi au manque d’information et à des modes de management qui ne prennent pas toujours en compte l’impact psychique, individuel et collectif, qu’ils peuvent avoir.

Il est vrai que l'amélioration du milieu et des conditions de travail est un bien vaste chantier qui dépasse de beaucoup les seules entreprises. Il y a certes l'organisation du travail, les horaires, la flexibilité, la maîtrise des mutations professionnelles. Mais il faut aussi y ajouter tous les aspects influençant la vie quotidienne comme l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale et la mise à disposition de services publics sociaux.

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