Il était une fois… la mémoire enfantine

Dernière mise à jour 10/11/16 | Article
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Sauf cas exceptionnels, nous n’avons pas de souvenirs de notre vécu avant l’âge de 3 ans. Cela s’explique par l’immaturité de nos neurones d’enfant et de notre langage.

La première raison expliquant l’absence de souvenirs chez les très jeunes enfants est physiologique et provient de l’immaturité des neurones. Dans les zones clés du cerveau impliquées dans la fabrication des souvenirs, notamment dans le lobe frontal, les neurones ne possèdent pas encore la gaine protectrice (appelée «myéline») qui les entourera, quelques années plus tard, et servira à une transmission optimale et ultrarapide des informations. Par la suite, celles-ci pourront alors voyager à la vitesse de l’éclair d’un bout à l’autre d’immenses réseaux de neurones.

Peu de souvenirs sans les mots

La seconde raison est en lien avec nos capacités de langage. Si les souvenirs se gravent durablement en nous, c’est en grande partie grâce au récit que nous pouvons en faire et que nous nous répétons fréquemment. C’est, en effet, en racontant encore et encore que nous construisons notre mémoire autobiographique. Or, avant l’âge de 3-4 ans, si les enfants raffolent d’histoires, ils ne sont pas encore capables de les raconter, du moins pas selon un schéma narratif précis, susceptible d’être le support d’un souvenir.

Non encore outillés pour revenir sur leur journée selon une chronologie précise, avec unité de temps ou de lieu, les enfants, dès leurs premières années d’école, vont toutefois pouvoir rappeler certains fragments isolés. Ainsi, ils seront capables de revenir avec leurs mots sur des anecdotes, et de donner vie à des épisodes de souvenirs éphémères. Déjà à cet âge se révéleront, chez certains, de véritables talents d’orateur.

Toujours la même histoire

Autre aspect de la mémoire infantile, les enfants nous surprennent parfois par leur insistance à vouloir entendre, chaque soir, la même histoire ou voir toujours le même film. Explication: s’ils ne peuvent en faire la narration, les enfants se souviennent parfaitement de l’histoire et n’attendent qu’une chose, pouvoir anticiper une intrigue qu’ils connaissent parfaitement. Ce processus lié à l’apprentissage et à l’anticipation est précieux pour la construction de l’univers mental de l’enfant. Les histoires répétées à l’envi servent aussi de «moule» sur lequel viendront prendre forme les premiers récits personnels des enfants.

L’âge des premiers souvenirs

Si des bribes de souvenirs remontent à nos 4 ans en moyenne, le vrai point de bascule se situe vers 8-9 ans. Équipés d’un vocabulaire plus étoffé, commençant à appuyer leurs connaissances sur des repères écrits et sur la faculté de structurer un récit, les enfants deviennent capables de raconter et de transformer des moments vécus, et ainsi de fabriquer leurs souvenirs, premières pierres de ce que sera leur mémoire autobiographique.

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Paru dans Générations, Hors-série «Tout savoir sur notre mémoire», Novembre 2016.

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