Parents: pour vos enfants, gardez votre sang-froid!
En langue anglaise, on dit over-react. Plus encore qu’une sur-réaction c’est une réaction disproportionnée. Le verbe s’emporter désigne assez bien l’affaire. On ne se maîtrise plus tout à fait. Sans péter les plombs on sent bien qu’un fusible fond. Cette situation n’est pas rare chez certains parents régulièrement confrontés à des comportements qu’ils ne supportent plus chez leur(s) très jeune(s) enfant(s). Généralement le ton monte, sans plus. Mais les gestes (de l’adulte) rejoignent parfois à la parole. Dans le pire des cas, on en vient à des violences récurrentes et à l’irréversible, au tragique syndrome du bébé secoué. Le plus souvent, la crise passe et l’on oublie.
Mais oublie-t-on jamais? C’est cette question que se sont posés un groupe de chercheurs de l’Université de l’Etat de l’Oregon (OSU) et de six centres universitaires américains. Ils publient leurs réponses sur le site de la revue spécialisée Development and Psychopathology. En résumé: abandonner autant que faire se peut le over-react pour retrouver au plus vite son self-control. Parents et enfants ne s’en porterons que mieux.
Au-delà de ce message pratique (qui vaut d’autant plus que l’enfant est petit), c’est une étape dans la compréhension des liens complexes pouvant exister entre la génétique et l'environnement familial. Les conclusions des auteurs de cette publication sont formulées après analyse de données comportementales recueillies auprès de 361 familles ayant adopté des enfants et vivant dans dix Etats américains. Les auteurs ont également étudié les données génétiques des parents biologiques ainsi que celle des enfants adoptés. Les comportements des enfants ont été observés, analysés et évalués aux âges de 9, 18 et 27 mois.
Schématiquement, les auteurs constatent que les parents adoptifs (les mères surtout, mais peut-être est-ce là un biais méthodologique) qui ont tendance à réagir de façon excessive ont au final un impact négatif sur les enfants. Ces derniers réagissent différemment des autres. Ils sont, comme leur mère adoptive, plus enclins à l’ «émotivité négative», sujets à plus de crises ou d’actes coléreux que la moyenne des enfants de leur âge. Et ce même si la génétique peut également jouer un rôle. Mais il semble qu’un environnement «à faible stress» ou «à moindre émotivité» puisse également avoir un effet «calmant» chez des enfants génétiquement «prédisposés» à être «sur-réactifs».
«Notre étude montre que les enfants qui vivent durant les premières années de leur vie avec des niveaux élevés d’émotivité négative, ont plus de difficultés avec le contrôle de leurs émotions et ont tendance à présenter des troubles du comportements à l’âge scolaire», explique Shannon Lipscomb, spécialiste de développement et de sciences de la famille à l'OSU. Les chercheurs ont également constaté que ces enfants à «émotivité négative» avaient plus de risque de développer des «comportements déviants» dès l'âge de deux ans. C'est là un message aux parents adoptifs comme à tous ceux qui ne le sont pas: tous doivent apprendre à «s'autoréguler», à rester «fermes» et «confiants», à ne pas «sur-réagir» en contrôlant leurs émotions et leurs réactions. On peut le dire autrement: ne pas oublier qu’ils se doivent de donner l'exemple.
Une autre étape dans la compréhension des liens complexes pouvant exister entre la génétique et l'environnement familial est fournie avec une publication des Archives of General Psychiatry.Le travail a cette fois été mené sur la base des données nationales suédoises sur l’adoption. Les auteurs concluent que le risque d’addiction aux substances psychotropes semble être augmenté chez les enfants adoptés dont les parents biologiques avaient eux-mêmes des antécédents de toxicomanie.
Le Dr Kenneth S. Kendler (Virginia Commonwealth University, Richmond) et ses collègues ont évalué l'association entre les facteurs génétiques et environnementaux et le risque de l'abus de drogues. Leur étude a inclus 18.115 enfants adoptés nés en Suède entre 1950 et 1993 ainsi que de leurs parents biologiques et adoptifs. Les chercheurs ont fondé leur travail sur le registre national ainsi que sur des bases de données de santé et des informations sur l'abus de drogues à partir de dossiers médicaux et judiciaires.
Les auteurs établissent que le risque pour l'abus de drogues chez les enfants adoptés dont l’un au moins des parents biologiques présentait ce comportement est de 8,6%. Ils notent que ce chiffre est «substantiellement et significativement plus élevé sur celui observé chez les enfants donnés en adoption quand aucun des deux parents biologiques ne présentait ce comportement (4,2%)».
Ils ajoutent que le risque d’addiction chez les enfants adoptés est augmenté par des antécédents chez les parents biologiques concerne aussi l'alcoolisme, certaines maladies psychiatriques et les condamnations pénales qui peuvent en résulter. Faudrait-il en conclure que tout, ici est de nature génétique? C’est un pas que les auteurs se gardent de franchir tout en évoquant l’hypothèse d’une interaction gène-environnement comme cause de l'abus de drogues psychotropes.