Il existe enfin une piste sérieuse pour soigner l’alzheimer

Dernière mise à jour 18/09/16 | Article
Alzheimer
Un médicament développé par une équipe zurichoise, dans le cadre d’une étude menée sur 165 patients, semble ralentir le déclin cognitif. Les spécialistes affichent un optimisme prudent.

De quoi on parle

Un médicament contre la maladie d’Alzheimer montre des résultats prometteurs dans les premiers essais menés chez l’être humain. La nouvelle a fait, au début du mois, la une de «Nature», l’une des revues scientifiques les plus réputées de la planète.

Provisoires, ces résultats doivent être confirmés par d’autres recherches. Ils n’en apportent pas moins de l’espoir, alors que se déroulera, mercredi 21 septembre, la Journée mondiale de la maladie d’Alzheimer. Du jamais vu. Pour la première fois, un médicament montre des effets cliniques importants contre la maladie d’Alzheimer, une affection du cerveau qui touche plus de 100 000 Suisses, induisant des pertes progressives de la mémoire et de la cognition. L’aducanumab, que la société zurichoise Neurimmune développe avec la pharma américaine Biogen, pourrait représenter une révolution.

Pour le moment, les résultats publiés début septembre dans la revue scientifique Nature ne sont que préliminaires: ils concernent 165 patients aux premiers stades de la maladie qui, durant un an, ont reçu mensuellement, soit une dose d’aducanumab, soit un placebo. Il faudra davantage de patients –et suivis plus longtemps– pour être certains des effets positifs de la substance. D’ailleurs, l’étude en question ne visait pas spécifiquement à établir son efficacité thérapeutique, mais plutôt sa tolérance par l’être humain

Néanmoins, les spécialistes sont impressionnés. Chez les malades concernés, «on a constaté un ralentissement du déclin cognitif, détaille le Pr Giovanni Frisoni, responsable de la clinique de la mémoire aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Plus impressionnant encore, à la dose la plus élevée, ce ralentissement était presque un arrêt. Enfin, plus la dose était importante, plus l’effet était marqué. Un argument en faveur de l’efficacité de l’aducanumab contre les dégradations liées à l’alzheimer.»

Des plaques qui tuent les neurones

La cible de cette nouvelle molécule, ce sont les plaques d’amyloïde, une substance que l’on trouve naturellement dans le cerveau vieillissant, mais qui «inonde» celui des malades de l’alzheimer. Ces plaques s’accumulent en dehors des neurones, empêchant une bonne communication entre eux, pour, finalement les détruire. «Les plaques varient en taille, mais peuvent atteindre 50 à 70 microns, entourées de cellules inflammatoires», explique le Dr Lavinia Alberi, neurologue au Swiss Integrative Center for Human Health à Fribourg.

Face à cette accumulation, comment agit l’aducanumab? Il ne s’attaque pas directement aux plaques. C’est un anticorps: il «marque» l’amyloïde, ce qui permet ensuite à notre système immunitaire de le reconnaître et de le détruire. Le mécanisme par lequel il aboutit à ce résultat n’est cependant pas connu en détail. Mais, explique la spécialiste, il a, dans cet essai clinique, clairement aidé l’organisme à réduire les dépôts d’amyloïde et, dans une certaine mesure, à limiter la constitution de nouvelles plaques.

infog médicament alzheimer

Injection mensuelle

Qu’en est-il des effets secondaires? Dans l’ensemble, ils étaient limités, les principaux étant des maux de tête. Ils pourraient être la conséquence du fait «que l’amyloïde se dépose aussi dans les petits vaisseaux du cerveau, explique le Pr Frisoni. Or, le médicament agit également contre ces agrégats, ce qui augmente la perméabilité des vaisseaux. Ceux-ci laissent alors entrer davantage d’eau et tendent à gonfler. Des examens radiologiques réguliers permettent de diagnostiquer ce problème et d’arrêter le traitement chez les patients concernés».

Au rayon des avantages, la Dresse Alberi insiste sur le fait qu’une injection mensuelle suffit pour une bonne administration du médicament. «C’est pratique pour des patients qui habitent loin d’un hôpital. On peut même imaginer que ce soit leur médecin traitant qui la pratique.»

Un jeu vidéo aide les scientifiques à mieux saisir les signes de la maladie

Dans le jeu vidéo «Sea Hero Quest», vous êtes aux commandes d’un navire arctique et, sur l’écran d’un smartphone, vous accomplissez des parcours et envoyez des fusées de détresse qui retracent votre chemin. Amusant, ce divertissement est aussi un outil aidant les scientifiques à mieux saisir les signes annonçant un alzheimer. On sait en effet que la perception de l’espace est l’un des premiers éléments qui se dégrade avec la maladie. Mais les chercheurs n’ont pas un bon étalon de l’évolution de cette compétence chez les sujets sains. Développé par l’équipe du Pr Hornberger, de l’université britannique d’East Anglia, ce jeu vise à pallier ce manque. En effet, si l’on précise quelques données, comme l’âge et le niveau de formation, les chercheurs peuvent déterminer si les performances du joueur révèlent un problème. «Sea Hero Quest» a déjà été téléchargé plus de deux millions de fois.

Plus d'informations: www.seaheroquest.com

Le fruit du hasard? 

La commercialisation pourrait intervenir d’ici deux à trois ans, estime le Pr Frisoni. A condition, bien sûr, que les expérimentations ultérieures confirment ces premiers résultats. Ce qui ne va pas de soi. D’abord parce que chez 165 patients, «il est possible, même si dans ce cas cela semble peu probable, que l’effet positif constaté soit le fruit du hasard», prévient le Pr Frisoni. De précédentes tentatives de développer des anticorps antiamyloïdes, menées il y a une dizaine d’années, s’étaient soldées par des décès chez l’être humain après des résultats prometteurs chez la souris. Ces produits étaient toutefois moins spécifiques que ceux testés actuellement. Car il faut noter qu’en plus de l’aducanumab, deux autres médicaments du même type font l’objet d’essais cliniques: le solazenumab, d’Eli Lilly, et le crenezumab, de Roche. Pour les médecins, un tel traitement contre l’alzheimer serait une avancée majeure. «On ne dispose, à l’heure actuelle, que de médicaments allégeant les symptômes, mais d’aucune substance qui soigne la maladie», rappelle la Dresse Alberi. Le Pr Jean-Marie Annoni, neurologue à l’Hôpital fribourgeois confirme: «Les traitements actuels stimulent les capacités que le malade a encore, suffisamment pour que son état se stabilise pendant un à deux ans.»

Contre la maladie d’Alzheimer et pour les 28 000 personnes qui se voient frapper d’une démence, en Suisse, chaque année, il serait vraiment important que l’arsenal thérapeutique s’élargisse. L’aducanumab sera-t-il la première de ces nouvelles armes? Les spécialistes affichent un optimisme prudent.

Détecter tôt la maladie

Entre eux, les scientifiques sont divisés: quels bénéfices apportent au patient et à son entourage le fait de détecter un alzheimer tôt dans son évolution? Professeur de neurologie à Fribourg, Jean-Marie Annoni est, lui, favorable au dépistage précoce. «J’observe que les patients apprécient de savoir contre quoi ils se battent, explique-t-il. Souvent, ils sont même plus désireux d’information que leur entourage ou les médecins. Cela leur permet de se préparer et de mettre en place certaines choses, par exemple, des directives anticipées qui précisent à l’avance les soins que l’on désire se voir administrer, ou non, à la fin de sa vie. De même, l’entourage peut aussi s’organiser, planifier la venue d’une aide à domicile…» Il est d’ailleurs essentiel, pour les proches, de se faire aider et de ne pas se mettre en danger en prenant tout en charge, insiste le clinicien.

Détecter rapidement la maladie, c’est également permettre de mettre en place un traitement. «Même si ceux dont on dispose aujourd’hui n’ont pas un effet miraculeux, ils apportent de l’aide au malade, souligne le neurologue. Ils ne sont d’ailleurs remboursés que si un diagnostic a été posé.» Des équipes comme celles de la Dresse Alberi et du Pr Annoni s’efforcent, par ailleurs, d’identifier les marqueurs qui permettraient de signaler un début d’alzheimer même lorsque la maladie n’a pas encore provoqué de symptômes.

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