«J’ai vu mon père prisonnier de la démence»
L’Association Suisse pour la recherche sur l’Alzheimer* est une association à but non lucratif, dont la vocation est de soutenir en Suisse, plus spécifiquement à Genève, des projets de recherche –validés par son comité scientifique– fondamentale et clinique dans le domaine des neuropathologies. Le 7 mars 2018, un gala, ouvert à tous, sera organisé en vue de collecter des fonds. Une soirée exceptionnelle avec l’artiste hypnotiseur Messmer.
Pourquoi vous êtes-vous engagé dans la lutte contre la maladie d’Alzheimer?
Mon père a été diagnostiqué en 1998 aux HUG, à l’âge de 53 ans. A l’époque, il n’y avait que des tests cognitifs pour déterminer s’il s’agissait ou non de la maladie d’Alzheimer. Il n’existait ni imagerie cérébrale, ni biomarqueurs. On devait attendre le décès du patient pour confirmer le diagnostic de la maladie. Je me suis engagé naturellement en raison de l’héritage moral de mon père. Je voulais faire quelque chose pour que cette souffrance ne se reproduise plus. Le but de ma démarche était d’aider les chercheurs, qui ont besoin de moyens pour que la maladie soit vaincue. Je souhaitais également envoyer un message d’espoir aux proches des malades.
Comment avez-vous vécu la maladie de votre père?
Le malade s’enfonce dans un nuage qui lui est propre. Il y a des phases terribles où j’ai vu mon père prisonnier de la démence : à la fois assez lucide pour se rendre compte de la maladie, mais pas suffisamment pour pouvoir réagir. Un enfant, chaque jour, apprend quelque chose de nouveau. Mon père, lui, a fait le parcours inverse. Par paliers, mais parfois du jour au lendemain, il perdait une faculté. Tout d’un coup, il avait peur de l’eau. C’était d’autant plus dur qu’il était jeune. Pour le conjoint, c’est une déchirure énorme. La personne est encore là, mais c’est un deuil continu. J’ai la chance d’avoir une mère très forte. Quand il n’y a plus de communication possible, on projette ses propres peurs et ses perceptions sur le malade. C’est une lutte sans nom.
Quelles sont les actions de l’association?
Nous avons soutenu différents projets spécifiques aux HUG. Nous avons financé l’achat de matériel (électroencéphalogramme, scanners, etc.), la mise en place de cohortes de patients et leur suivi, l’organisation de colloques scientifiques dans le but de trouver des biomarqueurs standards de la maladie. Nous avons également développé l’outil «iSupport» pour aider les proches, avec une plateforme d’informations et d’échange (un projet conduit par l’OMS en collaboration avec les HUG). Enfin, en tant qu’initiateurs du Centre de la mémoire, nous faisons partie des donateurs de ce futur centre.
En quoi la création du Centre de la mémoire est une chance?
Un tel centre est crucial pour faire le pont entre la clinique et la recherche. La rencontre de ces deux mondes va faire avancer la compréhension de la maladie. Il est important de pouvoir intégrer très tôt les données cliniques dans les études pour tester l’efficacité de nouvelles molécules. On pourra également mieux accompagner les patients et leurs proches. Pour l’instant, la maladie d’Alzheimer est incurable. La création de ce centre nous place dans une dynamique différente, plus combative. A Genève, nous avons la chance d’avoir un pool de talents.
Comment voyez-vous l’avenir?
La priorité est de trouver un traitement. Pour cela, il faut comprendre les mécanismes de la maladie. Une meilleure compréhension de ces mécanismes permettra par ailleurs de définir une population à risque, comme on le fait aujourd’hui pour le diabète et l’hypertension, et de développer des voies thérapeutiques, médicamenteuses ou non. Enfin, une autre piste sera de comprendre la résistance de certaines personnes à la maladie d’Alzheimer, malgré la présence de signes cliniques. Pour ces raisons notamment, nous soutiendrons encore longtemps la recherche fondamentale et clinique. Les chercheurs sont les porteurs d’espoir, aidons-les.
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* Informations et inscriptions: www.recherchealzheimer.ch
Article repris du site pulsations.swiss
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