Une nouveauté américaine: le médicament pour ne pas se réveiller «au milieu de la nuit»

Dernière mise à jour 12/06/12 | Article
Une femme qui a une insomnie
Les autorités sanitaires américaines viennent de donner leur feu vert à Intermezzo, un somnifère désormais proposé pour mieux se rendormir quand on vient de se réveiller…. Que faut-il en penser ?

L’affaire fait un certain bruit outre-Atlantique : la Food and Drug Administration (FDA) américaine vient d’accorder l’autorisation de commercialisation à Intermezzo, un nouveau médicament destiné à combattre une insomnie bien particulière et assez répandue : celle qui vous réveille au beau milieu de la nuit et vous interdit - ou presque - de vous rendormir avant l’aube. La langue anglaise a une formule pour ce phénomène généralement perçu comme particulièrement désagréable tant par ceux qui le vivent que par leur(s) proche(s) : « middle-of-the-night waking followed by difficulty returning to sleep » Ce que cette formule ne dit pas, mais que précise la FDA, c’est qu’il faut, pour que le médicament soit adapté, qu’il vous reste au moins quatre heures de sommeil après le moment où, habituellement, vous ouvrez l’œil dans le noir.

Comment comprendre ? Voyons de quoi il retourne. « Nouveau » médicament ? Pas véritablement. Intermezzo (c’est son nom) est la dénomination commerciale du tartrate de zolpidem mieux connu de ce côté-ci de l’Atlantique sous la marque Stilnox. Une déjà longue histoire que celle du zolpidem médicament hypnotique particulièrement bien connu des pharmacologues ; une spécialité de la multinationale pharmaceutique française Sanofi Aventis. Le zolpidem est aujourd’hui sous surveillance dans de nombreux pays du fait de ses effets secondaires ou des détournements dont il peut faire l’objet. C’est ainsi que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) l’a placé il y a peu sur la liste des médicaments devant faire l’objet d’un suivi particulier.

Les spécialistes insistent tout particulièrement sur les risques d’accoutumance et de dépendance (et donc de sevrage) sa consommation n’étant justifiée que sur de brèves périodes : jamais plus de quatre semaines, sauf rarissimes exceptions. Il faut en outre compter avec les nombreux effets secondaires possibles et parfois paradoxaux : insomnie, cauchemars, agitation, nervosité, euphorie ou irritabilité, tension, modifications de la conscience, voire des comportements potentiellement dangereux (agressivité envers soi-même ou son entourage, ainsi que des troubles du comportement et des actes automatiques tels que somnambulisme, conduite automobile sans être complètement réveillé avec absence de souvenir au réveil)….

Dès lors pourquoi cette nouveauté américaine ? La FDA indique que le tartrate de zolpidem d’Intermezzo (qui ne doit, lui non plus, pas être pris avec un autre somnifère ou en cas de consommation de boissons alcooliques) est plus faiblement dosé que le Stilnox et les équivalents génériques. La dose recommandée maximale est de 1,75 mg pour les femmes et de 3,5 mg pour les hommes, à prendre une fois par nuit. Le médicament se prend par voie sublinguale.

« Pour les personnes dont l'insomnie provoque une activité au milieu de la nuit avec une difficulté à se rendormir, ce nouveau médicament offre une option plus sûre, affirme le Dr. Robert Temple, chargé à la FDA chargé du département évaluation des médicaments. Avec cette dose plus faible il y a moins de risque de somnolence persistante au réveil, surtout pour la conduite. » L’administration américaine précise que l’efficacité et l’innocuité d’Intermezzo a été validée par deux essais cliniques contre placebo réunissant 370 personnes. Comme tous les autres somnifères, Intermezzo peut provoquer des effets secondaires graves. A l’inverse ses promoteurs font valoir, ce qui n’est pas toujours faux, que l'insomnie aussi peut provoquer une somnolence diurne excessive, un manque d'énergie, une forme plus ou moins larvée d’anxiété, de dépression ou d’irritabilité.

Le point de vue du Dr Thierry Buclin, chef du département de pharmacologie clinique du Centre hospitalier universitaire vaudois (Lausanne).

« L’histoire du zolpidem, caractérisée par un marketing très efficace, est aujourd’hui bien connue. Contrairement à ce qui avait été annoncé lors de son lancement ce médicament n’est pas véritablement différent de ceux de la famille des benzodiazépines, avec tous les risques d’abus et de dépendance que l’on peut redouter. Reste la question de fond soulevée par la décision de la FDA. Le type d’insomnie qui est invoquée, celle « du milieu de la nuit avec difficultés pour retrouver le sommeil » est fréquemment observée chez les personnes avançant en âge. Faut-il la médicaliser comme on médicalise de nombreux autres symptômes associés au vieillissement ? Je n’en suis nullement certain. Pour ma part je suis enclin à recommander aux personnes concernées de se lever, de prendre un bon livre et d’aller dans leur salon. On prévient de la sorte chez elles les conséquences que peut avoir, au réveil, la prise d’un somnifère ; à commencer par se prendre les pieds dans le tapis. »