Le cancer en 2016

Dernière mise à jour 09/11/16 | Article
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Contre le cancer, quels progrès ont été réalisés ces dernières décennies et quels sont les défis brûlants? Les réponses d’un expert, le Pr Pierre-Yves Dietrich, chef du Service d’oncologie des Hôpitaux universitaires de Genève.

A la tête du service d’oncologie des Hôpitaux universitaires de Genève, le Pr Pierre-Yves Dietrich revient sur les progrès de ces dernières années. Quelles sont les évolutions majeures des traitements contre le cancer, et quels sont les chantiers cruciaux aujourd’hui? Panorama en cinq instantanés.

On meurt moins du cancer

«On meurt indiscutablement moins du cancer dans les pays occidentaux. En Suisse, par rapport à il y a 30 ans, on compte chez les hommes 36% de décès en moins dus à cette maladie, et 27% chez les femmes. La différence entre les sexes s’explique par le tabagisme. La maladie diminue moins chez les femmes chez qui la consommation de tabac n’a pas baissé et qui meurent donc davantage du cancer du poumon.»

Le nombre de personnes touchées par le cancer est par contre plus important. En 2015, la Suisse comptait 300 000 personnes vivant avec un diagnostic de cancer, contre 180 000 en 2000. Trois éléments expliquent cette augmentation. En premier lieu, le vieillissement de la population: l’âge est le facteur de risque le plus important du cancer. L’augmentation de la population ensuite: il y a davantage de personnes en Suisse, ce qui accroît le nombre total de cancers dans le pays. Les progrès de la médecine contre le cancer participent aussi à cet accroissement car ils réduisent la mortalité de la maladie et prolongent la vie des malades.

Les traitements se font plus pointus

«Deux grandes tendances changent fondamentalement le traitement du cancer. D’une part, des thérapies ciblées qui visent le talon d’Achille des tumeurs, permises grâce à notre meilleure compréhension de la biologie du cancer aujourd’hui. En quinze ans, une cinquantaine de médicaments fonctionnant selon ce principe ont été développés. D’autre part, l’immunothérapie, qui consiste à stimuler les défenses naturelles du corps pour les orienter contre le cancer. Depuis cinq ans, elle révolutionne le traitement de certaines tumeurs.» Ces deux techniques ont permis d’améliorer le pronostic des cancers du sein, des ganglions, du rein, de la prostate et du mélanome.

Mais malgré ces succès, le front de la recherche n’avance pas uniformément et il y a des patients pour lesquels ces technologies n’amènent pas de bénéfices aujourd’hui. Cela peut être très difficile à accepter pour eux ainsi que pour leurs proches. «Oui, les progrès thérapeutiques sont donc importants. Mais contrairement à ce qu’affirment parfois certains, on ne va pas vaincre totalement le cancer dans les dix prochaines années.»

La prise en charge des malades a énormément progressé

«Les diagnostics sont beaucoup plus précis qu’il y a vingt ans, notamment en raison des progrès considérables dans les techniques d’imagerie, d’anesthésie, de radiothérapie ou la radiologie interventionnelle et la chirurgie.» La manière d’organiser les soins autour du patient a changé. Désormais, oncologues, chirurgiens, radiologues, pathologistes, forment un réseau de compétences autour du patient. «C’est une grande avancée qui améliore les pronostics.»

La personnalisation est un défi

«Les progrès dans la compréhension de la maladie et dans les techniques d’examen font que demain un cancer du poumon se distinguera d’un autre selon des centaines de paramètres moléculaires. Intégrer ces quantités colossales de données dans notre pratique clinique est un défi majeur». Les HUG et le CHUV ont d’ailleurs inauguré le 1er octobre un «tumor board moléculaire». Il s’agit d’une réunion hebdomadaire également ouverte aux oncologues installés. Médecins et scientifiques y discutent de cas pour déterminer la pertinence clinique de ces myriades d’informations.

La société doit faire une place aux survivants du cancer

«Il y a aujourd’hui en Suisse, et il faut s’en féliciter, des personnes qui vivent depuis dix, quinze, vingt ans avec le cancer. Elles ont une compétitivité qui fluctue avec le temps, mais bien des choses à apporter professionnellement : la société doit pouvoir leur faire une place. Placer à l’Assurance invalidité quelqu’un qui vient de survivre à un cancer, c’est la pire chose qu’il puisse lui arriver. Il en va de même pour les prêts, les assurances qui peuvent être interdits à ces personnes alors que, guéries, elles ont presque la même espérance de vie que la population générale! Ces difficultés peuvent former un mur devant les patients qui conduit parfois à de terribles dépressions. Il faut une prise de conscience, une réflexion: l’organisation de notre société doit s’adapter aux progrès dans le traitement du cancer et à l’impact qu’ils ont sur les patients.»

Dans le monde: le cancer de l’utérus

Sur la planète, nous ne sommes pas tous égaux face au cancer. Les inégalités concernent la prise en charge et l’accès aux traitements, mais pas uniquement. Bien qu’il y ait des tendances générales, des différences existent quant aux types de cancer affectant les populations des différents pays. «Il est établi que des variations sont liées à la pauvreté, explique le Pr Pierre-Yves Dietrich, chef du Service d’oncologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). On le voit en particulier pour des cancers liés à des virus, comme le cancer du col de l’utérus causé par le virus du papillome humain. Le manque de prévention, d’information et les conditions d’hygiène sont en cause. C’est aussi le cas pour le cancer du foie –qui peut être causé par l’hépatite B ou C– ou pour certains cancers des ganglions. Suivant les cancers, les données épidémiologiques peuvent être de qualité diverse, mais pour ce qui est du cancer du col de l’utérus (données présentées ci-dessous, ndlr), on sait qu’elles sont fidèles à la réalité.»

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