La Suisse innove dans les maladies cardio-vasculaires

Dernière mise à jour 05/09/16 | Article
Des chercheurs suisses développent de nouveaux outils pour améliorer la revascularisation des vaisseaux rétrécis ou bouchés. Qu’ils se situent dans le cœur ou dans le cerveau.

De quoi on parle

Infarctus, accident vasculaire cérébral, artérite des membres inférieurs… Chaque année des milliers de patients doivent subir une intervention dite de revascularisation, pour rétablir la circulation sanguine dans un ou plusieurs vaisseaux obstrués. Selon les cas, l’approche sera chirurgicale ou percutanée (en introduisant un tuyau dans le vaisseau pour les déboucher). Mais le risque de voir le vaisseau s’obstruer à nouveau existe avec les deux méthodes. Médecins et chercheurs suisses, pionniers dans l’angioplastie et la chirurgie cardiovasculaire, continue d’innover afin d’améliorer les deux types d’interventions.

Pontages et angioplastie. Nombreux sont ceux pour qui ces termes ne sont pas totalement étrangers. Ces interventions devenues fréquentes ont pour but de rétablir la circulation quand une artère est rétrécie ou bouchée. Si l’une est chirurgicale et l’autre réalisée par cathétérisme, les deux techniques sont confrontées au même problème: éviter une nouvelle occlusion. Chercheurs et médecins suisses contribuent de manière active au développement de nouveaux outils pour améliorer le taux de réussite de ces interventions.

Ils sont des milliers chaque année en Suisse à être concernés par le rétrécissement (sténose) d’une ou plusieurs artères, carotides, coronaires ou fémorales. Ces sténoses peuvent avoir plusieurs origines mais sont le plus souvent liées à des plaques d’athérome, favorisées entre autres par le cholestérol, l’hypertension et le tabagisme. Au fil du temps, ces plaques grossissent, jusqu’à limiter significativement, voire empêcher, le flux sanguin. Les conséquences peuvent alors être gravissimes: infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral (AVC) et artérite des membres inférieurs, qui peut mener à une amputation.

C’est dans les années 1960 que le pontage vasculaire a été mis au point. Le principe: greffer un vaisseau sain en l’abouchant en aval et en amont de la zone obstruée pour créer un «pont», et rétablir la circulation. La méthode est efficace mais reste invasive. Des progrès ont cependant été réalisés, notamment pour les pontages coronariens. Il n’est plus toujours nécessaire d’arrêter le cœur, ce qui permet d’éviter la circulation extracorporelle (CEC). «Un nouveau système de CEC «minimal fermé» est aussi testé aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), il permet une diminution du temps opératoire, ainsi que de la durée d’hospitalisation», indique le Pr François Mach, chef du service de cardiologie des HUG. Des approches mini-invasives évitent également, parfois, la sternotomie.

Le cœur des femmes n’est pas épargné

Les maladies cardiovasculaires ont encore l’image de pathologies d’hommes. Et pourtant, elles n’épargnent pas les femmes. «Elles sont généralement protégées jusqu’à la ménopause, mais aujourd’hui leur espérance de vie dépasse celle des hommes, et les risques d’infarctus ont augmenté», insiste François Mach, chef de service de cardiologie aux HUG. Par ailleurs, l’évolution du mode de vie a amené les femmes à adopter les mêmes comportements à risque que les hommes (tabagisme, surpoids, sédentarité), avançant la survenue de problèmes cardiovasculaires parfois même avant la ménopause.

Mais peu sensibilisées, les femmes s’inquiètent souvent plus pour leur conjoint que pour elles-mêmes, et consultent parfois trop tard. «Il est aussi probable que les symptômes ne soient pas tout à fait les mêmes entre les hommes et les femmes», relève François Mach, qui ajoute que les femmes se plaignent aussi moins que les hommes. Autant de facteurs qui concourent à différer le diagnostic et la prise en charge. «De plus, après un infarctus certaines inégalités persistent. On constate que c’est plus compliqué pour les femmes de prendre six semaines pour bénéficier d’un programme de réhabilitation», regrette le médecin.

La mortalité cardiovasculaire a certes diminué en Suisse, mais les maladies cardiovasculaires restent la première cause de mortalité des femmes dans le pays. Pour améliorer la prévention, la Fondation suisse de cardiologie, réalise des campagnes Femmes & Cœur. Elles permettent notamment d’aller gratuitement en pharmacie réaliser le CardioTest, afin de faire le point sur ses risques cardiovasculaires, et de recevoir des conseils adaptés pour améliorer son hygiène de vie.

L’angioplastie: une tradition suisse

Parallèlement à la chirurgie, une méthode moins invasive a vu le jour: l’angioplastie. En 1977, un cardiologue allemand, Andreas Gruentzig, réalise la première dilatation par ballonnet, à Zurich. La méthode consiste à amener un cathéter, via l’artère fémorale ou radiale, sur la zone de la sténose. Un ballonnet est alors gonflé pour lever l’obstruction. «L’histoire de l’angioplastie est étroitement liée à la Suisse, remarque Philip Urban, cardiologue interventionnel à l’Hôpital de la Tour, à Meyrin. Le premier stent, le Wallstent, a été conçu près de Lausanne.» Ces petits ressorts métalliques, posés après la dilatation, permettent de maintenir l’artère ouverte. Les premiers ont été implantés en 1986, à Lausanne par le Pr Ulrich Sigwart, et à Toulouse (France) par le Pr Jacques Puel.

Réalisée par un cardiologue interventionnel sous anesthésie locale et souvent en ambulatoire, l’angioplastie séduit. Elle est devenue la méthode de référence pour les interventions en urgence. Plus de 20 000 stents seraient posés en Suisse chaque année. «Cela ne convient cependant pas à tous les patients, prévient Philip Urban. Pour les personnes diabétiques avec une atteinte diffuse, par exemple, la chirurgie reste préférable.»

Quelle que soit la méthode, le principal problème est la «resténose». «Après la pose d’un stent, le vaisseau cicatrise parfois de manière trop importante, et il peut se boucher après quelques mois», explique Philip Urban. Du côté du pontage, de plus en plus sont réalisés avec des artères plutôt que des veines ce qui évite grandement la récidive d’occlusion. Mais «la moitié des ponts réalisés avec des veines se rebouchent à cinq ou dix ans», constate François Saucy, chirurgien vasculaire au CHUV.

Stent connecté

Les objets connectés ont le vent en poupe et la santé est un marché particulièrement fleurissant. L’angioplastie n’y échappe pas: des chercheurs français ont ainsi développé un stent connecté qui permettrait de suivre pas à pas la cicatrisation. L’idée, saluée par le prix de l’innovation du MIT Technology Review, consiste à placer sur un stent classique des microcapteurs capables de renseigner sur le type de cellules à proximité. Le stent connecté permettrait de simplifier le suivi de la cicatrisation et d’ajuster le traitement au cas par cas, en fonction de la prolifération cellulaire et du risque de resténose. Un essai clinique devrait débuter d’ici à 2018.

Limiter localement la resténose

Les deux médecins ont en commun de participer au développement d’outils qui pourraient améliorer significativement la revascularisation. Des stents dits «actifs» ont vu le jour dans les années 2000: enrobés de polymères, ils libèrent localement une substance antiproliférative, qui réduit nettement le risque de resténose. Mais ils obligent le patient à être traité avec des antiagrégants durant plusieurs mois, pour éviter la formation d’un caillot sanguin. «Cela pose problème aux personnes à haut risque de saignement, qui représentent plus de 20% des patients», explique Philip Urban. Avec la société Biosensors, installée à Morges, il a évalué un stent sans polymère. Le principe actif est retenu par des micro-irrégularités à la surface du stent, et diffusé durant une trentaine de jours. L’essai mené sur plus de 2 400 patients montre qu’avec ce stent, le traitement antiagrégant peut être réduit à un mois. Une avancée majeure.

François Saucy a lui mis au point, en collaboration avec Florence Delie et Olivier Jordan de l’Université de Genève, un gel à appliquer directement sur la zone de pontage. Contenant des microparticules, il permet une libération contrôlée et prolongée d’atorvastatine. Testé sur des rongeurs, puis sur des carotides porcines, ce gel a donné des résultats très encourageants. Il a d’ores et déjà fait l’objet d’un dépôt de demande de brevet (copropriété du CHUV et de l’Université de Genève); une application chez l’homme serait envisageable d’ici à cinq ans.

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