L’adolescence, une période d’addictions
L’adolescence est une étape à la fois douloureuse et indispensable, dont le caractère lunatique et paradoxal est attesté par son étymologie latine (adolescens, des verbes adolescere, devenir adulte, et abolescere, se détruire). Cette période, qui s’étend environ de douze à dix-huit ans, est caractérisée par de nombreux changements à la fois biologiques, psychologiques, cognitifs et sociologiques; afin de survivre à ce passage difficile, de nombreux adolescents font actuellement recours à des produits addictifs. Or, il s’avère aujourd’hui que les modifications dont l’adolescent fait l’épreuve rendent l’exposition à ces produits plus risquée, entraînant parfois d’autres problèmes psychiques et physiques durables. Comment déterminer, alors, la gravité de la consommation et le moment où il faut s’en inquiéter? Quelles sont les solutions proposées aujourd’hui, capables d’appréhender un adolescent non pas dans sa seule dimension addictive mais dans son intégralité?
L’adolescence, une période de modifications
En premier lieu, l’adolescent est sujet à des modifications d’ordre biologique qui vont engendrer chez lui une impulsivité ainsi qu’une envie de découvrir de nouvelles sensations au moyen de diverses sources (alcool, drogue douce ou dure, jeux vidéos, cyberaddiction, etc.). Le développement neurologique et hormonal, amplifié à l’adolescence, entraîne en effet une perturbation au sein des systèmes neurologiques; or, sous l’effet de certaines drogues, cette perturbation peut demeurer sur le long terme et entraîner de réelles dépendances.
En second lieu, toute la psychologie et la personnalité de l’adolescent se trouvent bouleversées. Les pulsions infantiles, phalliques et oedipiennes ressurgissent et entraînent tout un processus de rupture avec ses parents, puis de deuil de l’image qu’il avait d’eux. Son accession à une sexualité adulte contribue à le fragiliser: l’adolescent, incapable de tout contrôler, devient en général anxieux, déprimé et sur la défensive. L’émotion déborde chez lui de toutes parts, s’exprimant parfois par de la boulimie, de l’anorexie, ou de l’agressivité face à toute source d’autorité.
En troisième lieu, le cerveau de l’adolescent subit d’importantes modifications biologiques durant cette période qui améliorent ses capacités cognitives; c’est-à-dire ses capacités mentales à acquérir, construire et utiliser des connaissances, mais aussi ses capacités à raisonner, prendre des décisions et se contrôler soi-même. Le siège cérébral des émotions, en revanche, se développe plus tardivement et reste donc instable durant l’adolescence.
Enfin, l’adolescence mène le jeune à se repositionner dans la société. Il devient très sensible aux injustices quotidiennes qui l’entourent (la pauvreté, les sans-abris ou le racisme). Fortement attaché à un idéal de justice et de dévouement, l’adolescent présente une grande résignation face au monde qui semble avoir perdu toute valeur.
Addictions typiques de l’adolescence
Plusieurs études récentes montrent que les adolescents consomment aujourd’hui beaucoup plus de produits néfastes qu’il y a dix ans. Ces produits sont ingérés par 81% d’entre eux de manière festive (au cours d’une fête, d’un événement ponctuel), de manière conviviale (l’adolescent ne consomme pas seul, mais lorsqu’il est entouré et influencé par ses amis) ou de manière autothérapeutique (pour échapper à la réalité du quotidien mais aussi pour atténuer les angoisses et insomnies). Il est important de noter également qu’à partir de dix-sept ans, plus de la moitié des jeunes fait recours à plusieurs de ces produits en même temps, et souvent de façon régulière.
Parmi les produit utilisés, le tabac et l’alcool restent en tête de liste, souvent consommés de façon régulière et dont les garçons font majoritairement l’usage.
Le canabis est la drogue illicite la plus consommée mais également la plus banalisée. Ici aussi, les garçons représentent la majorité des ses consommateurs. Ajoutons encore que la plupart des fumeurs de cannabis sont aussi des fumeurs de tabac, et que 42% des adolescents sont des consommateurs réguliers. Quant aux drogues dures, la cocaïne, les amphétamines, la kétamine, l’héroïne et l’ecstasy sont aussi davantage utilisées actuellement, même si elles ne concernent que de 1% à 3% de la population adolescente.
Les produits inhalants comme le poppers (un vasodilatateur qui a des effets euphorisants et aphrodisiaques), la colle et les solvants (produits contenant de l’acétone, comme le dissolvant de vernis à ongles) ont connu une très forte augmentation.
Outre ces produits, de nombreux adolescents et essentiellement des filles recourent aux médicaments pour pallier leur anxiété et leurs troubles du sommeil.
On parle également de plus en plus des d’addictions sans substances, c’est-à-dire des dépendances à internet, à la communication en ligne, aux jeux vidéos et aux sites pornographiques. Environ 64% des jeunes sont concernés par cette addiction, alors qu’en 1997 seulement 6.8% l’étaient. Cette augmentation massive peut être expliquée par l’accès à Internet rendu de plus en plus facile, et à l’abondance des sites et jeux vidéos mis à leur disposition.
Enfin, si les jeux de hasard (lotterie, paris) sont aussi connus des jeunes, ils sont néamoins peu utilisés et ne figurent pas dans leurs principales addictions. Or si l’accès à ce genre de jeu se facilitait, nous pourrions craindre, comme tout produit susceptible de créer une dépendance, une augmentation de cette addiction chez les adolescents.
Causes des addictions chez l’adolescent
L’addiction est un véritable risque chez les adolescents, d’autant plus que, de nos jours, ils consomment de plus en plus jeunes (dès l’âge de onze ans) et que le risque de dépendance est étroitement lié à la précocité de la consommation.
L’addiction chez l’adolescent peut être expliquée par deux éléments majeurs: d’une part, la recherche de sensations et d’autre part le besoin de rémédier aux pensées angoissantes et dépressives. La vie émotionnelle est effectivement, chez les jeunes, si fragile et défaillante qu’ils font inévitablement recours à des solutions extérieures qui anesthésient momentanément leur pensée; solutions sensorielles qui, d’une certaine façon, promettent de pallier les manques, ruptures et lacunes vécus dans l’enfance. Ainsi, toute addiction chez le jeune est l’indice d’un effondrement psychique, et d’une incapacité à répondre à l’adversité à l’aide de ses propres mécanismes de défense.
Trois sortes de consommations chez l’adolescent
Situation dans laquelle le jeune consomme |
Fréquence |
Effets recherchés |
Conséquences |
Facteurs de risque individuels / familiaux |
|
Consommation conviviale |
Entre amis, jamais seul |
De façon ponctuelle (pendant les fêtes, les week-ends, les vacances, ...) |
L'euphorie |
Un fléchissement scolaire mais les activités sportives, culturelles et sociales sont conservées |
Facteurs individuels absents. Facteurs familiaux presque toujours absents. |
Consommation autothérapeutique |
Souvent lorsque le jeune est seul |
De façon régulière |
L'effet anxiolytique du produit |
Décrochage, voir échec scolaire. Vie sociale pauvre. Activités habituelles délaissées. |
Facteurs familiaux pas nécessairement présents, mais facteurs individuels (par exemple troubles du sommeil) |
Consommation addictive |
A la fois seul et en groupe |
De façon régulière et quasiment quotidienne |
L'effet d'anesthésie et de «défonce» |
Exclusion de la scolarité et des circuits sociaux, comportements de rupture. Le jeune n'a de relations qu'avec d'autres jeunes en rupture |
Facteurs familiaux et individuels fréquents, mais parfois masqués par la massivité de la consommation |
Afin d’illustrer ces modes de consommations, nous pouvons prendre l’exemple d’un adolescent fumant du cannabis. Dans le cadre d’une consommation conviviale, ce dernier consomme de façon très ponctuelle le produit. La consommation conviviale peut évidemment se transformer en une consommation un peu plus régulière, quoique modérée et souvent symptomatique d’une période de vie difficile et temporaire: le jeune consomme alors de 5 à 15gr par mois. Dans le cas d’une consommation autothérapeutique, l’adolescent consomme seul ou en groupe de 20 à 60g par mois. A ce niveau-là, le consommateur ressentira déjà des troubles de la concentration, de la mémorisation, des difficultés scolaires et sociales ainsi que la perte de toute motivation sauf celle de consommer. Dans le cas de la consommation addictive, l’adolescent consomme jusqu’à 200g par mois; le produit agit alors réellement comme un anesthésiant, masquant des troubles psychiques graves, voire des pathologies psychiatriques (schizophrénie, troubles bipolaires).
Face à un adolescent faisant usage de tels produits, il conviendra donc de s’intéresser de façon très précise à la quantité du produit ingérée afin de déterminer à quelle sorte de consommation il s’agit. C’est aussi en évaluant précisément sa consommation que le jeune pourra prendre conscience de sa relation au produit et cesser de la banaliser.
Aspects thérapeutiques: comment prendre en charge un adolescent qui consomme
Afin de garantir une prise en charge optimale, il est absolument nécessaire de créer une relation de confiance entre le jeune soigné et le soignant, sans quoi le jeune refusera de collaborer. Il est important que le jeune ait le sentiment d’être le partenaire de cette relation et non pas la victime; il appartient ensuite au soignant de verbaliser ce qui est trop douloureux à exprimer, et d’investir les pensées positives afin de pallier le manque d’estime de soi, commun aux jeunes. Petit à petit l’adolescent élaborera un esprit critique sur ce qu’il vit et sur ce qui le pousse réellement à consommer.
Une fois cette relation positive amorcée, le soignant s’intéressera à l’état psychique et physique de l’adolescent (symptômes de souffrance psychique, modifications apparues au cours de la consommation) mais également à l’ensemble des difficultés quotidiennes rencontrées (la dynamique familale, le cadre social, l’environnement).
Enfin, le soignant ne réagira pas de la même façon suivant le mode de consommation du jeune. Dans le cas d’une consommation conviviale, la prévention sera de mise; si la consommation est plus importante, un traitement psychothérapeutique sera envisagé, voire un traitement médicamenteux. Au vu de l’augmentation actuelle de ces addictions, l’information est de mise aussi bien chez l’entourage des jeunes que chez les soignants, dont l’aide est ici fondamentale. S’ils ne peuvent empêcher aux adolescents de vivre cette pénible période, ils peuvent malgré tout les accompagner et, grâce à une meilleure compréhension, escompter que le chemin à faire sera plus aisé.
«ADOLESCENCE ET ADDICTIONS», Dr Manuela Bertolini, Service d’addictologie, Département de santé mentale et de psychiatrie HUG, in Revue Médicale Suisse 2011;7:1794-8.
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Cancer du poumon
Chaque année en Suisse, on dénombre environ 4100 nouveaux cas de cancer du poumon (carcinome bronchique), ce qui représente 10 % de toutes les maladies cancéreuses. Le cancer du poumon touche plus souvent les hommes (62 %) que les femmes (38 %). C’est le deuxième cancer le plus fréquent chez l’homme, et le troisième chez la femme. C’est aussi le plus meurtrier, avec 3100 décès par an.