Cancer du sein: le temps de la reconstruction

Dernière mise à jour 23/04/20 | Article
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La reconstruction mammaire fait désormais partie intégrante de la prise en charge globale du traitement du cancer du sein. Ces dernières années, les techniques se sont développées pour apporter des résultats sûrs et satisfaisants pour les patientes.

Chaque année, de nombreuses femmes ont recours à une reconstruction après un traitement pour un cancer du sein. Une opération systématiquement proposée, mais jamais imposée. «Nous expliquons toujours aux patientes qu’il n’y a aucune injonction à la reconstruction», rappelle la Dre Samia Guerid, spécialiste en chirurgie plastique, reconstructive et esthétique à Lausanne. Le choix de la reconstruction appartient à chacune et doit s’accorder à son désir. Pour certaines femmes, cette étape n’est pas jugée nécessaire, tandis que pour d’autres, elle est synonyme de restitution de l’intégrité corporelle. «Du fait de mon jeune âge, ça a tout de suite été une évidence pour moi. Je me suis dit: "autant faire d’une pierre deux coups". Je ne me voyais pas attendre», raconte Natacha, 42 ans, qui a bénéficié d’une reconstruction immédiate lors de sa double mastectomie.

Maintenant ou plus tard?

La technique et le moment de reconstruction sont définis en fonction de plusieurs paramètres: le profil médical de la patiente, son traitement, ses choix… Dans certains cas de mastectomie par exemple, on essaye de privilégier une reconstruction immédiate. Elle permet de limiter l’impact psychologique traumatique que l’opération peut avoir sur les patientes. Une asymétrie de la poitrine peut ainsi être évitée en remodelant les deux seins de façon symétrique dans le même temps que la tumorectomie. Toutefois, «si un traitement adjuvant doit avoir lieu en complément de la chirurgie d’exérèse, comme une chimiothérapie ou une radiothérapie, il est primordial de ne pas les retarder et entraîner un retard de cicatrisation suite à la reconstruction. Dans certains cas, on conseillera donc plutôt une reconstruction différée, explique la Pre Brigitte Pittet-Cuenod, médecin-cheffe du Service de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Cela permet aussi d’éviter d’irradier le sein reconstruit.» Dans le cas d’une chimiothérapie ou d’une radiothérapie, il est donc conseillé d’attendre quelques mois après la fin du traitement avant de procéder à une reconstruction. En revanche, il n’y a aucune limite maximale. «Par exemple, une patiente peut tout à fait décider de reconstruire son sein quinze ans après un traitement, précise la Dre Guerid. La prise en charge par l’assurance maladie n’est pas non plus soumise à un quelconque délai.» 

Différentes façons de procéder

Plusieurs techniques de reconstruction peuvent être utilisées, en fonction du traitement prodigué, de la qualité de la peau de la poitrine, mais aussi de la physionomie et de l’âge de la patiente. Une asymétrie consécutive à une tumorectomie – si elle n’a pas été anticipée lors de l’intervention – peut ainsi être corrigée par simple lipofilling (ou lipostructure), qui consiste à injecter de la graisse pour harmoniser la forme du sein. Il est également possible de mettre en place un implant mammaire en silicone, à condition que la peau ait gardé une certaine élasticité. Dans le cas contraire, afin de gagner un peu de volume, une expansion cutanée est pratiquée. «On m’a posé des expanseurs sous les muscles pectoraux, raconte Natacha. Au fil du temps, j’ai vu ma poitrine pousser progressivement.» Pendant plusieurs semaines, on procède en effet à des injections de solution saline afin d’étirer la peau. Une fois un certain volume atteint, l’expanseur est retiré pour être remplacé par une prothèse définitive.

Mais la reconstruction par prothèse n’est pas toujours la technique de prédilection. «En cas de radiothérapie, on ira plutôt vers une reconstruction par lambeaux, car la peau du sein a été abîmée par les rayons», explique la Pre Pittet-Cuenod. Pour cela, des tissus de bonne qualité sont prélevés sur une autre partie du corps (dos, abdomen, cuisse, fesse) afin de reconstruire le sein, avec des résultats esthétiques généralement plus satisfaisants que la reconstruction par implants dans ce cas de figure. Pourtant, peu de femmes se tournent encore vers cette méthode. «Certains médecins n’offrent pas d’autre alternative aux patientes que les implants, regrette la spécialiste des HUG. Pourtant, les études montrent que la reconstruction par tissu autologue abdominal présente des taux de satisfaction bien plus élevés que les autres méthodes.»

Et après?

Même si elles apportent rapidement de bons résultats esthétiques, ces interventions nécessitent quelques ajustements. Plusieurs rendez-vous de contrôle sont effectués durant la première année afin de surveiller l’évolution naturelle du sein et parfaire la symétrie. «Le sein se met en place naturellement au bout de quelques mois, explique la Dre Guerid. Un creux, un manque de volume ou une asymétrie peuvent être corrigés par une injection de graisse prélevée dans la zone de l’abdomen, des hanches ou des cuisses.» Une fois le sein reconstruit et stabilisé, la reconstruction du mamelon et de l’aréole peut avoir lieu, toujours selon le désir de la patiente. «C’est pour certaines femmes une étape importante, car elle finalise la reconstruction, poursuit la spécialiste. Des techniques combinées de tatouages, greffes de peau et lambeaux locaux permettent aujourd’hui d’obtenir un résultat bluffant, quasiment identique à l’original.»

Des prothèses dangereuses ?

En 2010 éclatait le scandale mondial des implants mammaires commercialisés par la société française Poly Implant Prothèse (PIP). Après une longue polémique, l’Agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé (AFSSAPS) annonçait leur retrait du marché et invitait les femmes concernées à faire remplacer leurs prothèses en cas de suspicion de rupture. Pour éviter qu’un nouveau scandale ne survienne, les normes européennes ont été renforcées et d’autres produits décommercialisés, notamment certains implants macrotexturés associés à un sur-risque de lymphome. En Suisse, si de telles mesures n’ont pas été suivies, les médecins sont vigilants. «Aujourd’hui je n’utilise que des prothèses répondant aux normes en vigueur. Des implants microtexturés et en silicone cohésif, qui ne s’écoule donc pas en cas de rupture de l’enveloppe», rassure la Dre Samia Guerid, spécialiste en chirurgie plastique, reconstructive et esthétique à Lausanne.

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Paru dans Planète Santé magazine N° 37 – Mars 2020

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