Le bégaiement se soigne bien si l’on intervient tôt

Dernière mise à jour 01/11/13 | Article
Le bégaiement se soigne bien si l’on intervient tôt
Le bégaiement persistant à l’âge adulte touche environ 1% de la population avec une majorité d’hommes, trois cas sur quatre. Si l’on parle de ce trouble depuis longtemps, ses causes sont encore mal connues. Mais l’on sait aujourd’hui qu’une intervention précoce chez l’enfant, au moment de l’acquisition du langage, est le plus souvent gage de succès.

Bien qu’il soit plus facile d’intervenir avec succès sur le bégaiement d’un enfant, les adultes affectés peuvent à tout moment essayer d’améliorer leur situation. Récemment un film reflétant bien les souffrances dues au bégaiement est sorti sur nos écrans: «Le discours d’un roi» de Tom Hooper (2010).

On fait le point sur ce trouble du langage avec deux logopédistes: Florence Juillerat, responsable de la délégation suisse de l’Association Parole-Bégaiement* et Marielle Lacroix à la consultation de guidance infantile aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG).

Quelles sont les causes du bégaiement?

On a longtemps versé dans le tout-psychologique pour expliquer les causes du bégaiement, comme de bien d’autres affections par ailleurs. Aujourd’hui, les chercheurs suivent plutôt la piste neurobiologique. Grâce aux techniques d’imagerie cérébrale, on a pu constater chez les personnes bègues des différences au niveau cérébral (par rapport à la population ne souffrant pas de ce trouble). Des résultats pour l’instant difficiles à interpréter. Ces différences sont-elles préalables au bégaiement ou le cerveau s’est-il modifié en raison de celui-ci?

Il est toutefois admis que certaines personnes ont une sensibilité génétique au bégaiement. Le trouble peut se manifester ou non, selon les facteurs environnementaux et la façon dont l’enfant y réagit. Des facteurs psychologiques, en particulier l’anxiété, accompagnent souvent le bégaiement, mais n’en sont pas la cause.

Un événement traumatique peut-il provoquer le bégaiement?

C’est très rare. De plus, si l’on investigue les cas où le bégaiement est clairement décrit comme une conséquence d’un traumatisme, on s’aperçoit le plus souvent qu’il y avait des signes avant-coureurs. Par contre il y a des facteurs déclenchants qui peuvent faire survenir, ou ressurgir, le bégaiement chez l’enfant. Il peut s’agir par exemple d’un déménagement, la naissance d’un cadet, une séparation, etc.

A quel âge commence le bégaiement?

Dès l’enfance, au moment du développement du langage. Dans 95% des cas le trouble se manifeste avant quatre ans.

A quel moment faut-il s’inquiéter?

Comme le bégaiement se développe parallèlement à l’acquisition du langage, il est difficile de savoir si les hésitations et répétitions de mots sont normales ou non. Toutefois, la situation est autre s’il y a blocage sur certains sons, lutte avec la parole, signes de tension. Toute manifestation d’efforts pour parler devrait alerter les parents. Il faut consulter tôt car le bégaiement est très souvent réversible chez le petit enfant. Dans 6% des cas il y a une rémission spontanée la première année, ce qui donne une petite marge d’observation. Mais à partir de cinq ans déjà, le bégaiement s’est ancré, et il est plus difficile d’obtenir une guérison.

Y a-t-il un profil de l’enfant sujet au bégaiement?

Non, il n’y a pas de profil. Toutefois, l’anxiété ou le perfectionnisme sont des facteurs psychologiques qui peuvent jouer un rôle dans le bégaiement.

Comment soigner un enfant bègue?

C’est un travail qui se fait avec les parents. Dans la grande majorité des cas, des mesures toutes simples permettent la guérison, sans séquelles. Ces enfants ont une fragilité dans la mise en place du langage. La stratégie consistera donc à contourner les facteurs favorisants. On demandera en tout premier lieu aux parents de «baisser le rythme». Celui de la parole, pour passer à une parole plus «douce», et celui des activités. Car tout se passe comme si la précipitation quotidienne allait de pair avec une précipitation du langage. L’enfant est débordé. Un rythme plus tranquille lui permettra très souvent de recouvrer une parole fluide. Le parent devra aussi ajuster son niveau d’exigence aux capacités du moment de son enfant. Il est très important de mettre celui-ci dans une situation de réussite.

Contrairement aux idées reçues, il faut aussi l’aider lorsqu’il croche sur un mot, en reprenant tranquillement le début de sa phrase pour l’aider à continuer. Il faut que l’enfant puisse s’appuyer sur la parole de l’adulte. Les logopédistes préconisent ainsi une attitude où l’adulte est un «interlocuteur actif» et un modèle.

Il est également important de parler du bégaiement pour le dédramatiser, car ces difficultés de langage sont trop souvent un sujet tabou. Chez l’enfant, voir le parent froncer les sourcils ou lancer des regards à un autre adulte lorsqu’il bégaie est bien plus angoissant qu’un «Pauvre chou, aujourd’hui tu bégaies!», dit avec beaucoup de douceur.

Si ces mesures ne suffisent pas, l’enfant suivra alors une thérapie plus longue chez le logopédiste, toujours avec l’aide des parents.

Est-ce que le multilinguisme est un facteur aggravant?

Le multilinguisme est une richesse pour l’enfant. S’il parle par exemple sa langue maternelle à la maison, il n’est pas question de lui demander d’y renoncer. Par contre, comme la demande langagière est plus grande, les tensions sont plus grandes. Il faut essayer dans un premier temps de simplifier les langues utilisées, par le choix du vocabulaire notamment. Ou au contraire, si le langage est très pauvre, aider à le développer.

Pourquoi ne bégaie-t-on pas quand on chante ou que l’on fait du théâtre?

Le bégaiement est un trouble de la communication, le regard de l’autre peut le provoquer. Dans le chant ou le théâtre, il n’y a pas d’échange de communication, ou alors d’une façon différente. Très souvent, le bégaiement cesse dans ces situations. C’est aussi le cas lorsqu’un bègue parle à un bébé.

Peut-on guérir le bégaiement chez l’adulte?

Dès cinq ans déjà, il est difficile de guérir du bégaiement. Par contre on peut notablement améliorer le confort et le vécu de la personne bègue. On recourt à différentes méthodes, cognitivo-comportementales notamment. Mais aussi à un suivi psychologique, car chaque cas est différent. Pour certains, des médicaments agissant sur la dopamine (neurotransmetteur agissant notamment sur le contrôle moteur) peuvent être indiqués.

* http://www.begaiement.org/

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