De futurs médicaments sont-ils cachés dans les vins rouges?
Les vins rouges ont des réelles vertus. Ils peuvent aussi être dangereux comme le sont, potentiellement, toutes les boissons alcooliques. Voilà bien l’un des paradoxes sanitaires parmi les plus délicats à manier. Peut-on évoquer leurs bienfaits sans être aussitôt accusé de faire le lit de l’alcoolisme, fléau dont il n’est nullement nécessaire de rappeler ici l’ampleur et les ravages? Et pourquoi faudrait-il taire les enseignements fournis par la recherche dans ce domaine? Ces enseignements sont tout aussi nécessaires et indispensables que de parler régulièrement de la réalité de l’addiction à l’alcool et de la recherche en alcoologie.
Deux toutes récentes publications, recensées par le site sante log, aident à faire un peu plus la lumière sur les vertus potentiellement préventives de certains vins. Elles soulèvent aussi une question essentielle : les effets bénéfiques des vins rouges pourraient-ils être obtenus sans consommer ces derniers ? Une question qui passionne le monde de l’industrie pharmaceutique toujours soucieux d’innovations et de rentabilité.
Le resvératrol, est un un polyphénol présent notamment dans les vins rouges ; plus précisément dans la peau des raisins qui servent à élaborer ces vins. Il a déjà apporté la démonstration de ses capacités préventives contre le diabète, les maladies cardiovasculaires ainsi que certains cancers. C’est ainsi qu’il est d’ores et déjà largement consommé non pas en phase hydro-alcoolique mais comme supplément nutritionnel.
Comment agit-il? La question reste posée. Une étude des National Institutes of Health (NIH) américains, publiée dans l’édition du 3 février de la revue Cell, contribue à éclairer la nature des mécanismes sous-jacents. D’autre part un article publié dans l’édition du 2 février de Nature commente les mécanismes physiologiques induits par la consommation du resvératrol.
L’étude des NIH a été menée sous la direction du Pr Jay H. Chung, chef du Laboratoire de recherche sur l'obésité et le vieillissement du National Heart, Lung, and Blood Institute. « Avant que les chercheurs puissent parvenir à transformer le resvératrol en un médicament sûr et efficace, ils doivent comprendre exactement ce qu'il vise dans les cellules » explique-t-il. Parmi les différentes hypothèses avancées plusieurs études ont jusqu’ici suggéré que le resvératrol agirait au niveau des sirtuines, classe d’enzymes parfois tenues pour être associées au vieillissement.
Le Pr. Chung et ses collègues (américains, chinois et hollandais) ont écarté cette hypothèse sur la base de différentes observations moléculaires. Après avoir retracé l'activité métabolique cellulaire du resvératrol ils ont identifié une nouvelle cible. Il s’agit des des protéines phosphodiestérases (PDE) qui, inhibées par le resvératrol, activent indirectement des sirtuines. Démonstration in vivo : des souris qui reçoivent un inhibiteur de PDE bénéficient des effets protecteurs du resvératrol, qu’il s’agisse de la prévention de l’obésité, de l'amélioration de la tolérance au glucose ou encore de l'augmentation de l'endurance aux efforts physiques.
Tout serait-il aussi simple? Peut-être pas car le resvératrol interagit également avec de nombreuses protéines. Il pourrait ainsi, du moins à forte doses et sur de longues périodes, avoir des effets toxiques encore inconnus. Or ce composé chimique intéresse au plus haut point certains laboratoires pharmaceutiques qui se tournent tout naturellement vers les inhibiteurs de PDE qui, pensent-ils, pourraient présenter les mêmes avantages que le resvératrol, sans ses toxicités possibles. En toute hypothèse des études contrôlées sont nécessaires pour éclairer sur la manière dont des produits naturels peuvent agir dans l’organisme humain.
Ceci n’empêche pas certains de brûler les étapes. «Quelques-uns des chercheurs qui ont travaillé sur les effets bénéfiques du resvératrol a fondé la société de biotechnologies Sirtris avec l'objectif de combattre les maladies liées à l'âge comme le diabète, écrit Ewen Callaway dans Nature. En 2008 la maison mère GlaxoSmithKline a financé Sirtris à hauteur de 720 millions de dollars. Le nom de cette société est issu de celui des sirtuines et les fondateurs Sirtris postulent que l’action du resvératrol tient pour l’essentiel à l'activation de la Sirt1.»
L’article de Nature montre que les travaux qui viennent d’être publiés dans Cell commencent déjà à alimenter de nouvelles et vives controverses outre-Atlantique. Des controverses vis-à-vis desquelles les producteurs de vins rouges du Vieux Continent sont totalement imperméables.
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