Vitamines, antioxydants, oligoéléments et polypill pour tout le monde?

Dernière mise à jour 20/11/12 | Article
Vitamines, antioxydants, oligoéléments et polypill pour tout le monde?
Est-ce que les vitamines et les oligoéléments peuvent nous aider à vivre plus longtemps? Les preuves scientifiques sont minces pour l'instant comme l'analyse le professeur Gérard Waeber.

Quel plaisir de partager avec vous les conseils d’un de mes patients qui m’a aimablement autorisé à citer son nom: le Pr Peter Cerutti.

Ancien directeur de cancérogenèse à l’Institut suisse de recherche expérimentale sur le cancer (ISREC), cette personnalité de 81 ans suscite l’admiration, non seulement pour son parcours professionnel, mais aussi pour sa capacité d’oublier de vieillir. L’âge n’a pas de prise sur cet homme vif et alerte. Son secret? Une hygiène de vie optimale: un peu d’exercice physique, peinture et… quelques vitamines et de l’aspirine à faibles doses! Le Pr P. Cerutti fut un scientifique remarquable avec des publications dans les années quatre-vingt dans des journaux prestigieux, tels que Science ou The Lancet sur l’importance du stress oxydatif dans le processus d’oncogenèse (de ce qui peut provoquer une prolifération tumorale, ndlr.). A l’époque déjà, il mentionnait l’éventuel rôle des antioxydants, tels que les vitamines C et E, dans la prévention du stress oxydatif et de ses effets délétères sur le plan oncologique. En 2012, force est de reconnaître que peu de données scientifiques solides résistent à la rigueur des études d’intervention quant à l’éventuel impact positif des vitamines sur différents objectifs de prévention. Au bilan, seules quelques études dévoilent sans ambiguïté le bénéfice inconditionnel d’un traitement d’acide folique durant la grossesse et potentiellement de vitamine D dans la prévention des chutes et des fractures chez la personne âgée. Toutes les autres observations reposent sur des études qui retrouvent systématiquement des associations de taux bas de vitamines diverses et d’éléments traces avec de multiples affections neurologiques, cardiovasculaires, hypertension, etc. Toutefois, la preuve d’un bénéfice d’une intervention pharmacologique par un apport supplémentaire en vitamines ou antioxydants n’est clairement pas acquise en 2012.

Si la place du dosage de certains oligoéléments et vitamines fait donc débat au sein de la communauté scientifique, la question de la polypill est encore plus délicate et sujette à forte controverse dans la littérature. Le concept de la polypill remonte à quelques années; il fut évoqué que l’association, dans un seul comprimé, de plusieurs composés actifs à faible dose serait une excellente approche populationnelle de santé publique. Cette idée n’a été que partiellement validée et en particulier dans les pays où l’accès aux soins et aux médicaments peut poser un problème. La question est de savoir s’il serait opportun de proposer une polypill dans notre pays à haut PIB où l’accès aux soins est finalement excellent. Il s’agit évidemment d’une manière de procéder totalement opposée à la médecine personnalisée que nous offrons au quotidien à nos patients. Toutefois, quelques constats doivent être rappelés: une bonne partie de notre population n’a pas de référent médical, l’adhérence thérapeutique (le fait de suivre correctement son traitement, ndlr.) en prévention secondaire est très insuffisante en Suisse et si l’on constate que les différents objectifs thérapeutiques de prévention primaire et surtout secondaire ne sont pas atteints dans notre population, on pourrait imaginer qu’une stratégie simplifiée d’une pilule unique pourrait avoir un impact en santé publique non négligeable. Le défi reste toutefois important. Quel serait le contenu idéal d’une polypill, à qui l’administrer et à partir de quel âge? Comment gérer les effets secondaires et est-ce que cette approche peut être coût-efficace? Est-ce que la prescription d’une polypill représenterait un coussin de paresse pour la population et réduirait les efforts de prévention largement démontrés que sont l’activité physique, l’absence de tabagisme et un régime équilibré? Ces questions restent ouvertes et nécessiteront probablement des prises de position de la communauté médicale.

Si l’exemple du Pr P. Cerutti force l’admiration, je pense plutôt aujourd’hui que ce vieillissement réussi est le fruit d’un long investissement de la part de cet ancien confrère qui a pris le parti d’adopter une excellente hygiène de vie faite d’activité physique contrôlée, d’absence de prise pondérale et de tabagisme. Je ne sais donc pas si l’aspirine et les vitamines ingérées pendant tant d’années ont contribué à maintenir cet esprit alerte et épanoui.

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