Tous sous statines (médicament anti-cholestérol) après 50 ans?
Allons-nous bientôt tous prendre (après 50 ans) des médicaments ayant pour effet de réduire les taux sanguin de cholestérol? «Tous», c'est-à-dire quels que soient les résultats de nos analyses biologiques au chapitre du bilan lipidique. La question pourrait apparaître bien saugrenue. En réalité, elle ne l’est plus depuis la toute récente publication de la célèbre revue médicale The Lancet. Cette prise systématique, après 50 ans, d’une famille particulière de médicaments hypocholestérolémiants – les statines – permettraient en effet de prévenir de manière efficace (et à moindre coût) les accidents et maladies cardio-vasculaires. Soit un considérable progrès de santé publique. Les autres familles (ou «classes») d’hypocholestérolémiants sont les «fibrates», les «résines» et les «huiles de poisson».
L’affaire avait déjà été évoquée en 2010 par des cardiologues dans le cadre du Congrès annuel de l’Association européenne pour l’étude du diabète. Puis, on l’avait vu ressurgir après une analyse groupée de différents travaux menés sur ce thème (méta-analyse). C’était dans la Cochrane Review en mai 2011. Aujourd’hui, ce sont des auteurs de l'Université d'Oxford et de Sydney qui recommandent la prise de statines pour tous, au-delà de 50 ans. Ils détaillent leur travail sur le site du Lancet, travail dont on trouvera un résumé ici. On peut y lire que ce travail n’a pas été financé par l’industrie pharmaceutique en général, les firmes directement concernées en particulier.
Sans doute cette perspective d’un traitement systématique ne serait-elle pas d’actualité sans les statines, ces médicaments dits «hypocholestérolémiants», qui ont amplement fait la preuve aujourd’hui de leur efficacité; efficacité sur la réduction des taux de «mauvais cholestérol» (LDL). Avec le temps et le rapide développement de leur usage on a aussi appris à identifier au mieux ce qu’il en est de leurs effets indésirables et des très rares cas où les effets secondaires peuvent avoir des conséquences importantes et graves (destruction des tissus musculaires ou rhabdomyolyse)
L’intérêt de prendre une statine est il supérieur au risque auquel il expose? En France la question ne fait plus l’ombre d’un doute. «Oui, le bénéfice obtenu grâce au traitement par une statine est aujourd’hui largement démontré et bien supérieur au risque de développer un problème musculaire, et en particulier une rhabdomyolyse, qui reste un événement exceptionnel, répond l’Agence française de sécurité des médicaments. Des dizaines de millions de personnes dans le monde, parmi lesquels environ trois millions de patients en France, prennent aujourd’hui un traitement hypocholestérolémiant par statine. Ceci permet de réduire la fréquence des accidents cardiovasculaires et de sauver des milliers de vies: de l’ordre de 41 infarctus ou menace d’infarctus du myocarde évités, pour 1000 patients traités pendant 5 ans après un premier infarctus du myocarde ou une angine de poitrine; de l’ordre de 17 infarctus ou menace d’infarctus du myocarde évités, pour 1000 patients sans problème coronaire connu traités par statine pendant 5 ans.»
L’heure semble aujourd’hui venue d’aller plus loin. Les auteurs de la publication du Lancet ont réalisé leur nouvelle méta-analyse à partir de 27 études menées au total auprès de 175.000 personnes. Qu’y apprend-on? Que chaque réduction du cholestérol de 1.0 mmol/L obtenue grâce aux statines, réduit le risque de crises cardiaques, d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) et d'autres événements cardiovasculaires grave d'environ 21%. Et ce même chez les personnes connues pour être à très faible risque de développer ces affections.
Or, les directives officielles recommandent actuellement la prescription de statines aux patients ayant un risque d’au moins 20% de risque de développer une MCV dans les dix prochaines années. Ce risque est évalué à partir de différents paramètres, avec des ajustements selon les pays. Les auteurs de l'Université d'Oxford et l'Université de Sydney partent du postulat que les bénéfices de ces hypocholestérolémiants sont les mêmes pour tous, au-delà d’un certain âge. Bien évidemment plus le risque des personnes traitées est faible, moins le nombre de personnes qui vont véritablement en bénéficier réellement est important.
Les participants ont été classés en 5 catégories en fonction de leur risque d'un accident vasculaire dans les cinq ans (moins de 5%, 5% à 10%, 10% à 20%, 20% à 30% et 30% ou plus). Les chercheurs constatent que la réduction du taux de LDL cholestérol par une statine réduit le risque d’événement vasculaire majeur indépendamment de l'âge, du sexe, du niveau de base de LDL ou des antécédents de MCV. Mieux: cette réduction du risque cardiovasculaire s’avère au moins aussi importante chez les personnes des deux groupes à plus faible risque que chez celles des groupes à risque élevé.
Les chercheurs en déduisent que même chez les personnes présentant un risque d’événement cardiovasculaire à 5 ans < 10%, chaque réduction d’1mmol/L du cholestérol entraîne une réduction absolue du risque d’événement cardiovasculaire majeur d'environ 11/1000 (sur une période de cinq ans). Au total, traiter 1000 personnes à faible risque permet de prévenir 11 événements cardiovasculaires. Et pour les auteurs, il ne fait aucun doute que les avantages dépassent de loin les dangers aujourd’hui connus des statines.
Ce point de vue est pleinement partagé par le Pr François Mach chef du service de cardiologie des Hôpitaux universitaires de Genève. «Les chiffres de cette publication confirment des données convergentes dans ce domaine, précise-t-il. Il faut en outre y ajouter les données économiques qui font que cette prévention généralisée serait hautement intéressante, avec un remarquable rapport coût/efficacité du fait notamment des génériques et du prix des dosages biologiques répétés. On sait bien évidemment que la meilleure prévention dans ce domaine est l’arrêt du tabac, la réduction du poids, la lutte contre la sédentarité et plus généralement le respect des règles hygiéno-diététiques. Mais il nous faut bien tenir compte du poids de la réalité et agir au mieux dans l’intérêt de tous. Certains dénonceront peut-être une nouvelle fois l’emprise de l’industrie pharmaceutique et minoreront les dangers inhérents aux anomalies du cholestérol. La vérité est que nous avons aujourd’hui une possibilité d’agir collectivement, plus efficacement et à un moindre coût.»
Les spécialistes observent que le Royaume-Uni a été le premier pays à autoriser les statines faiblement dosées en automédication. Ils ajoutent qu’aux États-Unis, ces médicaments sont désormais autorisés pour un nombre croissant de personnes ne présentant pas d’hypercholestérolémie. Les auteurs du Lancet recommandent quant à eux d’utiliser simplement un critère d’âge: 50 ans. Soufflé l’anniversaire, tous et toutes sous statines.
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