Viandes transformées: plus de 160 g par jour, risque accru de mortalité prématurée

Dernière mise à jour 21/03/13 | Article
Viandes transformées
C’est la conclusion d’une étude européenne coordonnée par des chercheurs de l’Université de Zurich. En pratique ils observent que la consommation de 160 g par jour de viande est associée à un risque accru de 44% de décès.

Coïncidence ou pas, voici une publication médicale et alimentaire qui entre pleinement en résonance avec l’affaire dite «de la viande de cheval». On sait que cette affaire a conduit un grand nombre de consommateurs à prendre la mesure de la réalité souvent cachée des aliments préparés à base de viandes transformées. Une réalité cachée qui, en l’espèce, correspond à de véritables tromperies sur l’origine et la nature des marchandises.

Il s’agit ici d’une étude menée à une grande échelle par des chercheurs de l’Université de Zurich travaillant en collaboration avec d’autres instituts européens. Elle vient d’être publiée sur le site de BioMed Central Medicine  (on en trouvera un résumé ici-même). Ce travail a été dirigé par Sabine Rohrmann (division d’épidémiologie et de prévention du cancer, Institut de médecine préventive, Université de Zurich; division d’épidémiologie du cancer, Deutsches Krebsforschungszentrum, Heidelberg) et s’inscrit dans le cadre de la cohorte Epic (European Prospective Investigation in Cancer and Nutrition). Les chercheurs ont travaillé sur les dossiers de 448 568 personnes. Les hommes étaient âgés de 40 à 70 ans et les femmes de 35 à 70 ans. Tous ont été suivis sur une période moyenne de treize ans.

Treize années de suivi

Ce travail faisait suite aux récentes observations faites sur certaines cohortes américaines qui avaient montré une association modérée entre la consommation de viande rouge et la mortalité; sans parler des résultats convergents d’études antérieures menées chez des personnes végétariennes. Les consommations de viande ont été réparties en deux catégories. D’une part, les viandes rouges (bœuf, porc, mouton, agneau, cheval, chèvre) et viandes transformées (jambon, bacon, saucisses ou viande hachée dans un mini-plat prêt-à-cuire); de l’autre, les viandes blanches (poulet, poule, dinde, canard, oie, autres volailles et lapin). Les chercheurs ont pris en compte dans leurs analyses les principaux facteurs de mode de vie des participants, ainsi que l'âge, l'éducation, la taille, le poids, les antécédents médicaux, la consommation d'alcool et les antécédents de tabagisme.

Principale conclusion: par rapport à une consommation de 10 g ou moins, une consommation de 160 g ou plus par jour est associée à un risque accru de 44 % de décès prématuré survenant au cours de la période de suivi. Durant les treize années de ce suivi, 26'344 décès (soit un taux de 6% de décès sur la cohorte) ont été recensés. Plus d’un sur trois (37%) étaient dus à une lésion cancéreuse; et un sur cinq (21%) à une affection cardiovasculaire. Une consommation de 80 à 160 g par jour est associée à un risque accru de 21%. Et de 40 à 80 g par jour le risque accru tombe à quatre.

On peut le dire autrement: chaque «tranche» supplémentaire de 50 g de viande transformée consommée quotidiennement est associée à un risque de décès par cancer accru de 18%, à un risque de maladie cardiovasculaire accru de 30%. Les chercheurs ont estimé que 3,3% de tous les décès observés auraient pu être prévenus si tous les gens mangeaient moins de 20 g par jour de viande transformée.

La viande de volaille saine et sauve

L’association est moins concluante pour la viande rouge stricto sensu que pour la viande «transformée». Ainsi consommer plus de 160 g par jour de viande rouge est associé à un risque accru de 14% de décès toutes causes confondues par rapport à une consommation de 10-20 g. Une consommation de 20 à 160 g de viande rouge n’est pas associée à une augmentation de risque, toujours par rapport à une consommation de 10-20 g par jour. Etrangement la plus faible consommation (soit ici de 0 à 10 g par jour) est associée à un risque accru de décès (là encore comparé à celle de 10 à 20 g quotidiens). Aucune augmentation significative du risque de mortalité n’est associée à une quantité supplémentaire quotidienne consommée de 50 g de viande rouge. Enfin la consommation de viandes de volailles n’est associée à aucune augmentation du risque de décès.

Il convient ici de préciser que les viandes transformées subissent des procédés de conservation par fumage, séchage, salage ou ajout d'agents de conservation. Elles sont pratiquement toujours riches en matières grasses et en cholestérol, ce qui contribue à augmenter le risque de maladie cardiaque. Une alimentation riche en viandes transformées, soit une consommation régulière de plus de 90 g par jour, a également été liée à un risque accru de deux cancers (pancréas et vessie) ainsi qu’à un risque accru de diabète.

Fruits et légumes de préférence

ll y a un an, un lien possible entre le cancer et la consommation de certains produits à base de viande transformée fumée, comme le bacon ou les saucisses  ou encore le recours aux «fast food», avait été suggéré à partir d’une méta-analyse de onze études concernant au total plus de deux millions de personnes. L’étude réalisée par des chercheurs du fameux Institut Karolinska (Suède) concluait que 50 g par jour «de trop» de viande transformée (l’équivalent d’une saucisse) était de nature à augmenter le risque de cancer du pancréas de 19%. Ces conclusions avaient alors été publiées dans une édition en ligne (12 janvier 2012) du British Journal of Cancer.

En août 2010 une étude concluait que certains composés de la viande, liés à des méthodes de traitement, en particulier les nitrates/nitrites, peuvent augmenter le risque de cancer de la vessie de jusqu’à 29%. Ce travail avait été réalisé par des chercheurs de l'Institut national américain et publié dans l’édition en ligne de la revue Cancer, l’organe scientifique de l'American Cancer Society.

C’est dire là, sous une autre forme, toute l’importance qu’il faut accorder à une alimentation saine et équilibrée, riche en fruits et en légumes. Tout n’est pas dans l’assiette. Cette association bénéfique peut également être renforcée par d’autres facteurs de mode de vie. Ainsi les personnes qui consomment de petites quantités de viande rouge transformée peuvent également consommer plus de fruits et de légumes, faire plus d'exercice physique, être moins en surpoids, cesser de fumer et réduire leur consommation de boissons alcooliques.

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