La cigarette électronique peut faire passer l’envie de fumer
Nous vivons (peut-être) un tournant dans la – déjà – longue histoire de la lutte contre le tabagisme. Un tournant surprenant et paradoxal: il ne trouve pas son origine dans une initiative scientifique ou dans une volonté médicale, car l’invention de la cigarette électronique (il y a dix ans, en Chine) ne s’inscrivait pas, au départ, dans une démarche thérapeutique. Aujourd’hui il faut tenir compte de son succès commercial croissant (environ 500000 utilisateurs réguliers aujourd’hui en France par exemple) et de ses conséquences. De nouvelles questions se posent aux consommateurs mais aussi aux responsables sanitaires.
Planetesante.ch a déjà traité des questions relatives à son innocuité. Répondre clairement à la question de l’efficacité demandera encore du temps. Les spécialistes expliquent que cela ne pourra se faire que lorsque l’on disposera du recul nécessaire pour fournir une indiscutable évaluation scientifique. Pour l’heure une grande confusion règne. C’est dans ce contexte que vient d’être publiée une enquête originale et pratique: elle conclut que la cigarette électronique aiderait près de neuf fumeurs sur dix à réduire leurs envies irrépressibles de fumer. Elle indique aussi que ce dispositif aiderait trois fumeurs sur quatre à cesser de consommer du tabac sur des périodes plus ou moins longues.
Une alternative à la «vraie» cigarette?
Cette première enquête a été menée par des chercheurs de l'University of East London. Ses résultats sont publiés dans la revue scientifique Addiction. Question: l’e-cigarette (vaping pour les anglophones) constitue-t-elle une réelle et crédible alternative? Est-elle – sous réserve d’absence d’effets indésirables – une bonne alternative à la «vraie» cigarette? On trouvera ici un résumé (en anglais) de ce travail, qui a été mené entre septembre 2011 et mai 2012. En pratique il a concerné 1347 personnes vivant dans trente-trois pays européens et âgées en moyenne de 43 ans. Parmi elles, 70% étaient des hommes. Tous les participants ont répondu à un questionnaire en ligne qui portait sur leur âge, leur sexe, leur origine ethnique, leur niveau d’éducation ainsi que sur leur pratique tabagique actuelle ou passée, mais également sur les motifs les incitant à consommer des produits du tabac.
Pour ce qui est de l’e-cigarette, le questionnaire portait sur sa durée d'utilisation, le produit et le type de cartouche, les saveurs préférées, l’importance de l’utilisation (en ml, bouffées et fréquence), les motivations, la dépendance à l'égard de l’e-cigarette et les tentatives pour en réduire l’utilisation. Sans oublier la satisfaction liée à son utilisation.
L’impression d’être en meilleure santé, la meilleure des publicités
Il ressort de ce travail que les cigarettes électroniques sont utilisées principalement comme une alternative à la cigarette. Dans la plupart des cas, leur utilisation permet de réduire l’envie de fumer et la consommation de tabac. Les auteurs relèvent aussi, point important, l’expression d’un sentiment général : ceux qui y ont recours estiment tous être en meilleure santé. Ce qui constitue, on le sait, la meilleure des publicités.
Voilà pour les faits. Il n’en reste pas moins que pour l’heure aucune autorité sanitaire nationale ne semble savoir exactement sur quel pied danser. Quand elle n’est pas interdite (officiellement pour des raisons de sécurité) la cigarette électronique demeure à mi-chemin entre produit de grande consommation et dispositif médical. En France et dans de nombreux autres pays, cet appareil n’a pas d’autorisation de mise sur le marché au titre de médicament ou de dispositif médical. Il commence toutefois à être présent dans certaines pharmacies de même que chez les buralistes qui ont le monopole de la vente du tabac. L’Agence nationale française de sécurité du médicament, quoique officiellement non concernée, déconseille son usage.
Toujours interdites au Canada et en Australie
L’Organisation mondiale de la Santé se refuse quant à elle de considérer les cigarettes électroniques comme des dispositifs inoffensifs permettant d’avancer vers un sevrage tabagique. Elle explique alors ne pas disposer de «preuve scientifique» de leur efficacité et de leur innocuité.
«L’OMS n’a connaissance d’aucune preuve scientifique étayant l’affirmation des entreprises qui commercialisent la cigarette électronique, selon laquelle celle-ci pourrait aider les gens à cesser de fumer. En réalité, à sa connaissance, aucune étude rigoureuse avalisée par des spécialistes n’a été effectuée démontrant que la cigarette électronique est une thérapie sûre et efficace de remplacement de la nicotine, faisait-on savoir au siège genevois de l’Organisation en septembre 2008. L’OMS n’écarte pas la possibilité que la cigarette électronique puisse être utile comme moyen de sevrage. La seule façon de le savoir est de réaliser des tests.» Et de préconiser que ces tests soient effectués et financés par les fabricants. Ce que ces derniers ne veulent pas faire, se contentant du statu quo actuel.
Ces cigarettes restent toutefois interdites par les autorités sanitaires canadiennes et australiennes. Une étude publiée dans la revue Indoor Air, présentée à la 10e Réunion allemande for Tobacco Control, n’écartait ni le risque pour l’utilisateur, ni le risque d’e-tabagisme passif.
Une autre étude vient utilement compléter celle parue dans Addiction. Elle a été menée dans quatre pays auprès de fumeurs actuels et d’autres «repentis». Ses résultats témoignent de la sensibilisation croissante de la population aux cigarettes électroniques: ces dernières sont parfois dénommées «dispositifs électroniques de délivrance de la nicotine», ce qui ne correspond pas véritablement à la réalité puisque la délivrance de nicotine n’est présente que si l’utilisateur le souhaite. Les résultats ont été publiés dans l’édition de mars de la revue American Journal of Preventive Medicine (on en trouvera un résumé – en anglais – ici). Elle est signée par les membres d’une équipe internationale de chercheurs travaillant aux États-Unis, en Australie, au Royaume-Uni et au Canada. Le Pr Richard J. O'Connor de l’Université de Buffalo (New York) et ses collègues ont travaillé sur la base des données de l'enquête International Tobacco Control incluant 6000 réponses.
Qui financera les études qui restent à mener?
L’étude du Pr O’Connor montre que la connaissance et la sensibilisation à la cigarette électronique atteint près de 47% de la population, et jusqu’à 73% aux Etats-Unis (où ces cigarettes sont autorisées) et 20% en Australie (où elles sont interdites). Ce sont les jeunes (18-24 ans) qui sont les plus sensibilisés. Les utilisateurs actuels sont avant tout des fumeurs occasionnels et des anciens grands fumeurs (ayant dépassé les vingt cigarettes par jour). Selon cette enquête, 80% des utilisateurs pensent que l’e-cigarette est moins nocive que la cigarette traditionnelle et 75% l’utilisent pour réduire leur consommation de cigarettes traditionnelles et pour pouvoir «fumer» dans les espaces publics.
Les auteurs concluent à l’urgence de réunir des données complémentaires quant à son innocuité et à son efficacité. Sous cette réserve ils estiment que c’est là un possible outil intéressant pour parvenir au sevrage, seule possibilité de lutte efficace contre le fléau du tabagisme. Mais une question demeure: qui réalisera et financera les études qui restent encore à mener? Un problème qui devient chaque jour un peu plus d’actualité.
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Cancer du poumon
Chaque année en Suisse, on dénombre environ 4100 nouveaux cas de cancer du poumon (carcinome bronchique), ce qui représente 10 % de toutes les maladies cancéreuses. Le cancer du poumon touche plus souvent les hommes (62 %) que les femmes (38 %). C’est le deuxième cancer le plus fréquent chez l’homme, et le troisième chez la femme. C’est aussi le plus meurtrier, avec 3100 décès par an.