Contre le cancer du sein, l’union fait la force

Dernière mise à jour 04/05/17 | Article
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Hétérogène à tous égards, le carcinome mammaire nécessite, pour être soigné, une prise en charge multidisciplinaire et des traitements de plus en plus personnalisés.

Collaboration hospitalière

Le 23 mars dernier, les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et le Groupement hospitalier de l’Ouest lémanique – Hôpital de Nyon (GHOL) ont annoncé leur collaboration dans le traitement du cancer du sein, par la création d’un satellite du Centre du sein des HUG en ville de Nyon. Objectif: partager l’expertise en matière de prise en charge des patientes. Mais aussi étendre la portée du label de qualité suisse dont disposent les HUG.

À lui seul, le cancer du sein représente presque un tiers de tous les cancers diagnostiqués chez la femme. Chaque année en Suisse, environ 5900 nouveaux cas de carcinome mammaire sont découverts dans la population féminine (contre environ 40 chez l’homme), selon la Ligue suisse contre le cancer. Le risque d’être atteinte augmente nettement après l’âge de 50 ans, mais la maladie touche également des femmes plus jeunes: 20% ont moins de 50 ans au moment du diagnostic. Si son incidence a connu une légère baisse ces dernières années, le cancer du sein reste une préoccupation majeure pour de nombreuses femmes et pour leurs proches.

Selon une étude suisse, il existe encore d’importantes disparités régionales concernant le traitement. D’où l’importance d’assurer une haute qualité des soins. C’est pour cela que le Groupement hospitalier de l’Ouest lémanique (GHOL) s’allie au centre du sein des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG): «Nous voulons optimiser la prise en charge des patientes conformément aux standards universitaires actuels», déclare le Dr Fabien Dreher, médecin-chef coresponsable de l’antenne nyonnaise du GHOL. Le Centre du sein des HUG dispose en effet du label de qualité attribué par la Ligue suisse contre le cancer et la Société suisse de sénologie, ce qui représente un vrai plus pour les patientes, selon le Dr Pierre Chappuis, responsable du Centre du sein des HUG, qui ajoute: «Nous proposons une prise en charge globale, coordonnée, multidisciplinaire, personnalisée et scientifiquement adéquate. La femme est au centre de nos préoccupations: nous traitons des patientes, pas des tumeurs.» Les exigences d’une telle certification – dont disposent également le CHUV, la Clinique de Genolier et la Clinique Générale de Fribourg pour la Suisse romande – touchent l’entier du parcours clinique des patientes. Cela suppose, notamment: une concertation pluridisciplinaire (ou «tumor board») préthérapeutique – soit avant la mise en place du traitement –, puis une seconde, après une éventuelle chirurgie, des protocoles de chimiothérapie ou d’hormonothérapie adaptés à chaque situation, ou encore l’accompagnement d’une infirmière spécialisée («breast care nurse») pour le bien-être de la patiente.

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Une grande hétérogénéité

Ce niveau d’exigence est à la mesure de la complexité de la maladie. Car il n’y a pas un cancer du sein, mais plusieurs, confirme le Dr Pierre Chappuis: «Ce sont des maladies remarquablement hétérogènes, tant du point de vue de leur biologie que de leur comportement clinique, des lésions génétiques qui peuvent en être responsables, ou encore de leurs facteurs de risque.» Pour ce qui est des tumeurs, là aussi, c’est complexe, puisqu’il en existe de plusieurs types, selon l’endroit du sein où le cancer apparaît: les carcinomes canalaires (environ 80% des cas) se forment dans les canaux galactophores, qui assurent le passage du lait jusqu’au mamelon; les carcinomes lobulaires (5 à 15% des cas) se forment quant à eux dans les lobules – là où le lait maternel est produit. Il y a aussi d’autres types de tumeurs (carcinomes tubulaire, mucineux, médullaire, inflammatoire, etc.), qui sont néanmoins plus rares. Les tumeurs se distinguent ensuite par leur taille et leur stade de développement. Lors de la phase précoce de la maladie, les cellules cancéreuses prolifèrent là où elles sont apparues, soit à l’intérieur des canaux ou des lobules. Ces cancers dits «in situ» ne sont pas forcément palpables. Dans un autre scénario, les cellules cancéreuses ont franchi la membrane dite «basale» et ont envahi le tissu conjonctif de la glande mammaire. Ces cancers «invasifs» peuvent se propager vers les ganglions, via les vaisseaux lymphatiques ou sanguins, et former des métastases dans d’autres organes du corps (poumon, foie, etc.).

De nouveaux gènes impliqués dans le cancer du sein

À l’instar d’Angelina Jolie, les femmes porteuses d’une mutation génétique des gènes BRCA 1 et/ ou BRCA 2 sont plus à risque de développer un cancer du sein et/ou de l’ovaire au cours de leur vie (pour le sein environ 70% de risques pour BRCA 1 et entre 40 et 50% pour BRCA 2). Pratiqués chez les femmes appartenant à des familles à fort risque, des tests permettent de dépister ces mutations. Heureusement, seule une minorité des femmes (une sur 550) en est porteuse. On l’a récemment découvert, une dizaine d’autres gènes seraient aussi impliqués dans le cancer du sein, bien que les mutations semblent y être plus rares. Grâce au séquençage génétique, on peut aujourd’hui les rechercher. Toutefois, explique la Dr Sheila Unger, médecin adjoint au service de génétique du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), «il est encore difficile d’interpréter les variations sur ces gènes et on ignore encore si elles sont liées à une augmentation du risque de cancer du sein». Leur recherche à l’occasion d’une consultation ontogénétique peut dès lors susciter des inquiétudes nouvelles chez les patientes, «mais plus on analysera de femmes, plus on saura si ces variations sont liées à une augmentation du risque. Le choix appartient à chaque femme», conclut la spécialiste.

Les médecins ont à leur disposition plusieurs types d’examens (mammographie, échographie, biopsie, IRM, etc.) pour déterminer le type de tumeur, la taille, le nombre (dans un sein ou dans les deux), la présence de récepteurs hormonaux – la croissance du cancer dépend alors de la présence d’œstrogènes et de progestérone – ou encore le degré d’agressivité. Et là non plus, il n’y a pas de règle, comme l’explique le Dr Chappuis: «Certaines grosses tumeurs peuvent évoluer lentement, tandis que d’autres, plus petites, sont très agressives et font rapidement des métastases.» Le diagnostic précis permet ensuite d’orienter le choix du traitement. Dans le domaine, la palette est large: chirurgie, radiothérapie (intra- ou postopératoire), chimiothérapie (avant ou après la chirurgie), thérapies anti-hormonales, immunothérapie, thérapies ciblées, etc. Un consensus pluridisciplinaire est à ce stade essentiel, mais in fine, la décision appartient à chaque femme.

Une médecine personnalisée

Ainsi, pour se donner toutes les chances de vaincre le cancer, on mise aujourd’hui sur des traitements personnalisés. «Nous tenons compte du type de tumeurs, mais aussi du profil personnel de chaque patiente, de son âge, des maladies associées, des antécédents familiaux, des facteurs de risque génétiques, etc.», décrit le Dr Dreher. Pour affiner toujours plus les traitements et donc améliorer leur efficacité, il est par ailleurs indispensable de collecter les données cliniques et de les comparer. Le rapprochement entre des centres de soin comme celui de Nyon et des HUG présente aussi cet avantage. «Vis-à-vis des industries pharmaceutiques, nous sommes plus attractifs pour mener des études cliniques si notre collectif de patientes s’élargit. C’est capital pour la connaissance», explique le Dr Chappuis. Puisque, faut-il le rappeler, même si d’importants progrès ont été faits en matière de traitement, si les chances de survie ont augmenté, que la chirurgie est moins délabrante et la reconstruction du sein plus systématique aujourd’hui, 95% des cas de cancers du sein restent, à ce jour, inexpliqués.

Réduire les risques et prévenir

Comment agir pour prévenir le cancer du sein? Aujourd’hui, les spécialistes n’ont pas la réponse puisqu’on ignore les causes spécifiques. Et là aussi, les choses sont complexes car un même facteur peut protéger ou au contraire favoriser la survenue du cancer du sein. C’est le cas par exemple de l’obésité, agent protecteur avant la ménopause, et cause de risque après. De plus, certains facteurs de risque ne sont pas modifiables, comme l’âge (plus de 50 ans), des antécédents familiaux, des prédispositions génétiques, l’exposition prolongée aux œstrogènes (premières règles précoces, ménopause tardive, absence de grossesse, ou grossesse après 30 ans). S’il n’y a pas de régime anticancer, certaines recommandations peuvent néanmoins être observées. En particulier: une alimentation équilibrée (pas trop riche en graisse ni en sucre), une consommation d’alcool modérée (pas plus d’un verre de vin/jour pour une femme), une activité physique régulière (au minimum une demi-heure/jour), et une absence totale de tabagisme. Pour le Dr Chappuis des HUG, en plus de ces messages classiques mais essentiels, il est utile «de connaître ses antécédents familiaux (aussi bien du côté maternel que de la famille paternelle), d’être attentive aux changements de son corps – surtout s’ils persistent d’un cycle à l’autre –, et enfin de ne pas banaliser ses observations (par exemple, asymétrie dans les formes des seins), y compris quand on est jeune. En cas de doute, il est sage de consulter», conclut-il.

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Référence :

Paru dans Le Matin Dimanche, numéro du 16 avril 2017.

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