Les stimulants sexuels vendus sur Internet sont mensongers

Dernière mise à jour 03/10/13 | Article
Les stimulants sexuels vendus sur Internet sont mensongers
«Maintenant j’ai des érections extraordinaires, longues et fortes!» se réjouit un internaute sur l’un des nombreux sites proposant des médicaments pour stimuler l’érection. Et c’est d’autant plus remarquable, estime-t-il, que le produit est composé d’ingrédients cent pour cent naturels.

De quoi on parle

Les faits

L’organe de contrôle des médicaments Swissmedic vient d’analyser une centaine de médicaments destinés à stimuler l’érection vendus sur Internet. Les résultats, publiés le 6 septembre dernier, sont alarmants. Les trois quarts contenaient un produit actif autre que celui déclaré. Ou alors le dosage indiqué était faux avec, dans certains cas, des surdosages massifs. Sans compter que des antidouleurs non déclarés étaient parfois ajoutés. Ces découvertes sont préoccupantes, car cette famille de produits est au premier rang des médicaments achetés sur la Toile.

C’est ce que vante en effet le site où l’on peut commander du Maxidus, le produit miracle en question, sous l’onglet ingrédients: une liste de plantes accompagnées de jolies photos.

Mais cette transparence de façade n’a pas résisté à la réalité des examens. «Maxidus, comme tous les médicaments soi-disant naturels que nous avons analysés, ne contient que des molécules chimiques», affirme Ruth Mosimann, pharmacienne responsable du contrôle des médicaments illégaux chez Swissmedic.

D’une manière générale, les composants indiqués dans les préparations analysées ne correspondent pas au contenu réel. Ainsi, un analgésique (antidouleur) non déclaré – le diclofénac, qui a un effet anti-inflammatoire – a été découvert dans un stimulateur de l’érection appelé Nizagara. Pourquoi mettre un antidouleur dans un médicament censé doper la virilité, alors qu’ils sont connus pour avoir plutôt l’effet contraire? «Ces substances pourraient être destinées à masquer les effets secondaires du médicament, comme les maux de tête, souligne la pharmacienne de Swissmedic. Cela fidéliserait le client qui croit alors bien supporter la préparation. Mais ce n’est qu’une hypothèse. Ce qu’il est important de retenir dans ce cas précis, c’est que les personnes qui prennent déjà des anti-inflammatoires sont exposées, sans le savoir, à un surdosage dangereux qui peut provoquer, notamment, des hémorragies digestives ou des troubles gastriques.»

Les acheteurs sur la Toile ne semblent d’ailleurs pas avoir peur des surdoses. Ainsi, un médicament acheté à Bangkok affichait 500 mg de tadalafil, substance active que l’on trouve dans le Cialis (lire encadré), soit vingt-cinq fois la dose maximale autorisée! Heureusement, après examen, le médicament ne contenait en réalité qu’une quantité usuelle de sildénafil, qui entre dans la composition du Viagra. Mais alors pourquoi annoncer une dose de cheval? Probablement pour s’ajuster aux pratiques décrites sur les plates-formes de discussions, où les participants recommandent de forcer sur le nombre de pilules stimulantes afin d’obtenir un meilleur résultat. «Il est important de corriger cette logique, souligne encore Ruth Mosimann, car elle est très dangereuse. Les études cliniques des entreprises pharmaceutiques ont montré qu’en dépassant les doses prescrites on n’obtient pas de meilleures performances. En revanche, les effets secondaires sont plus sévères.»

Copies non conformes

Pour s’assurer de la juste composition du produit, on pourrait penser qu’il suffit de se rabattre sur des marques connues, telles Viagra ou Cialis. Erreur: les médicaments vendus sous ces appellations sur le Web se sont tous avérés être des contrefaçons. Avec parfois l’utilisation du principe actif de l’un sous le nom de l’autre!

La prudence la plus élémentaire recommande donc de passer par un médecin. Pas seulement pour obtenir la pilule convoitée, mais aussi pour faire un bilan médical. Car les troubles de l’érection peuvent être un signe avant-coureur de problèmes cardiovasculaires. «Des difficultés d’érection entre 40 et 50 ans peuvent parfois être la manifestation d’une maladie des artères qui se traduira dix ans plus tard par un infarctus. Cela peut aussi révéler un pré-diabète», précise François Mach, médecin-chef du Service de cardiologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Ce qui ne signifie pas pour autant que la prise de médicaments pour stimuler l’érection est contre-indiquée en cas de pathologie cardiaque.

Les stimulants sexuels vendus sur Internet sont mensongers

Atout pour le cœur

«Tous mes patients sont malades du cœur, et je leur prescris très souvent ces médicaments qui les aident à améliorer leur activité sexuelle, poursuit le professeur. Je commence en général par des petites doses, et j’augmente si cela ne suffit pas. Le surdosage peut induire une chute de tension artérielle grave, car les substances utilisées pour augmenter l’afflux de sang dans la verge ont pour effet de dilater les vaisseaux sanguins et peuvent avoir un effet sur l’ensemble du système circulatoire. La pression, maintenue pendant l’acte sexuel, diminue ensuite.»

En résumé, pris sous contrôle médical et aux doses indiquées, les stimulants sexuels entraînent peu de risques cardio-vasculaires. «Le risque est plus grand lorsque l’activité sexuelle est pratiquée avec une personne inhabituelle, souvent plus jeune», précise François Mach. Il rappelle en outre que le premier facteur de dysfonction érectile est le tabagisme, suivi de la sédentarité. L’arrêt du tabac et deux séances hebdomadaires de vingt minutes d’exercice physique, de type Nordic walking, peuvent s’avérer aussi efficaces, voire plus, qu’une médication.

Découverte extraordinaire

La mise au point de médicaments pour traiter la dysfonction érectile a été l’aboutissement d’une attente qui durait depuis des siècles. «Ces médicaments sont une découverte extraordinaire, d’autant plus qu’ils sont généralement très efficaces», souligne Francesco Bianchi-Demicheli, spécialiste en sexologie et médecine sexuelle au Département de gynécologie obstétrique des HUG. Le spécialiste déplore toutefois que beaucoup de patients se servent sur Internet ou au marché noir. «L’automédication est particulièrement contre-indiquée dans ce domaine. On court-circuite ainsi un bilan de santé et un bilan affectif absolument nécessaires. Parmi les personnes qui achètent ces médicaments, certaines n’ont pas de problème mais souhaitent améliorer leurs performances. Considérer l’acte sexuel sous le seul angle de la performance, c’est très réducteur, et cela ouvre la porte à des dysfonctions. On se met dans le contexte de «devoir réussir», ce qui est une des grandes causes de dysfonction érectile! Un diagnostic précis est une étape incontournable pour le traitement.»

Les problèmes d’érection peuvent être le signe avant-coureur de différentes maladies somatiques, on l’a vu, mais ils sont aussi parfois liés à une dépression. «Chaque cas est différent, insiste Francesco Bianchi-Demicheli. La sexologie est un domaine complexe que l’on ne peut réduire à des histoires simplistes. Il est donc particulièrement important d’être rigoureux afin de trouver des solutions individualisées.»

Traitements oraux ou injectables

Il existe deux types de médicaments officiels pour traiter les difficultés d’érection:

1. Les plus couramment prescrits agissent sur la vascularisation (irrigation par les vaisseaux sanguins), ils augmentent le flux et le volume sanguin dans la verge (voir infographie). C’est dans ce groupe que l’on retrouve la fameuse pilule bleue, le Viagra, et le Revatio, qui ont le même principe actif: le sildenafil. Il existe de nombreux génériques de cette formule qui portent tous le nom de Sildenafil. Dans cette même classe de médicaments, citons encore le Cialis et le Adcirca, qui contiennent du tadalafil. Et enfin le Levitra et le Vivanza dont la substance active est le vardenafil.

2. La seconde catégorie comprend des médicaments, plus rarement prescrits, injectables localement qui contiennent des prostaglandines, des molécules provoquant une vasodilatation (un écartement des vaisseaux). Ils sont vendus sous les noms de Caverject (injection dans la verge) et Muse (injection intra-urétrale).

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