Le toucher vaginal est souvent superflu

Dernière mise à jour 18/08/14 | Article
Le toucher vaginal est souvent superflu
Bonne nouvelle pour les femmes: de récentes recommandations américaines stipulent que l’examen gynécologique de routine est inutile, voire contreproductif chez les patientes en bonne santé. Une spécialiste explique quand cet examen est vraiment nécessaire.

Plus d’une femme va se réjouir des nouvelles recommandations de l’American College of Physicians (collège des généralistes et internistes américains). Début juillet, il s’est en effet prononcé contre la pratique du toucher vaginal systématique lors d’une consultation gynécologique de routine chez la femme adulte ne présentant ni symptômes ni facteurs de risque particuliers et qui n’est pas enceinte.

Ces recommandations, parues dans les Annales de médecine interne  (Annals of internal medecine, vol. 161, 1er juillet 2014), se basent sur une analyse systématique des études et essais cliniques anglophones en la matière, publiés entre 1946 et janvier 2014. L’analyse montre que le toucher vaginal et la pose du speculum ne permettent que rarement de détecter des pathologies graves et ne réduisent pas la mortalité. La précision du diagnostic pour détecter des cancers gynécologiques ou des infections s’avérait très faible, entraînant des faux positifs et des coûts supplémentaires, comme le constatent les experts.

Ils relèvent encore que cet examen est souvent ressenti comme très désagréable et gênant, voire douloureux et angoissant. Au point qu’un certain nombre de femmes ne se soumettent plus du tout aux contrôles de routine chez leur gynécologue, et ne sont donc plus non plus dépistées pour le cancer du col de l’utérus. Or, ce dépistage précoce reste indispensable, comme le soulignent les médecins américains.

Réaction des gynécologues

Réagissant aux nouvelles directives de leurs confrères, les responsables de l’American Congress of Obstetricians and Gynecologists (Congrès américain des obstétriciens et gynécologues) reconnaissent qu’il n’existe aucune preuve scientifique en faveur ou en défaveur du toucher vaginal systématique chez les femmes asymptomatiques. Ils estiment pourtant que, sur la base de l’expérience clinique des gynécologues, le toucher vaginal présente un intérêt au même titre que la palpation des seins, les vaccins ou le dialogue sur la contraception.

Jamais sans raisons

«Il est vrai que beaucoup de médecins effectuent encore cet examen par une longue habitude, et des femmes le demandent», commente la Dresse Martine Jacot-Guillarmod, spécialiste en gynécologie de l’enfant et de l’adolescente et médecin associée au Centre hospitalier universitaire vaudois à Lausanne (CHUV). Elle approuve largement les nouvelles directives américaines, d’autant plus qu’elle pratique dans leur sens depuis longtemps: «Il faut toujours se demander pourquoi on veut faire un toucher vaginal, et ne pas l’effectuer de manière routinière, sans plainte ou demande de la part de la patiente. Cet examen doit être proposé au cas par cas, en fonction du trouble dont se plaint la femme, et en tenant compte de ses craintes.»

Quand le toucher vaginal est superflu

Pour la spécialiste, le toucher vaginal systématique n’est ainsi pas nécessaire dans les situations suivantes:

  • Lors d’une première consultation d’une adolescente pour une première prescription de pilule. «Il est révoltant de la soumettre à un toucher vaginal si elle n’a aucune plainte (douleurs pelviennes ou pertes vaginales par exemple). Ou si elle ne le demande pas. En effet, certaines jeunes filles le souhaitent pour être rassurées sur leur anatomie, note la Dresse Jacot-Guillarmod. Mais effectuer cet examen sans véritable raison peut être traumatisant pour la jeune fille.»
  • Lors des contrôles gynécologiques de routine chez la femme en bonne santé et sans plainte. «Les consultations de routine devraient surtout se faire pour évaluer le contraceptif utilisé et discuter avec la patiente de la prévention d’infections sexuellement transmissibles et du cancer du col de l’utérus. C’est l’occasion aussi d’expliquer à celles qui ont l’habitude qu’on leur fasse un toucher vaginal pourquoi ce n’est pas indispensable», note la gynécologue.

S’intéresser à la vie de la patiente

Lors d’un contrôle de routine, il est important de prendre le temps d’ouvrir aussi un espace de parole et de s’intéresser à la vie et à la santé de la femme en général, explique la spécialiste. «Par exemple, en demandant à la patiente si elle présente des troubles urinaires, sujet très tabou, ou comment se passe sa sexualité, sa vie de couple. Il s’agit de questions importantes que chaque médecin devrait prendre le temps d’aborder. Ainsi, il pourra juger aussi si un examen physique est nécessaire. Ce temps de discussion est par ailleurs d’autant plus nécessaire que, pour un certain nombre de femmes, le contrôle gynécologique est le seul moment où elles voient un médecin. Nous jouons alors un rôle de médecin de premier recours», souligne la Dresse Jacot-Guillarmod.

Quel contrôle à quelle fréquence?

Indispensable: le dépistage du cancer du col de l’utérus

Les nouvelles recommandations américaines ne concernent pas le frottis cervico-utérin (prélèvement de cellules du col utérin), indispensable pour le dépistage précoce du cancer du col de l’utérus, le second cancer le plus fréquent de la femme dans le monde, tout comme la recherche du papillomavirus humain (test HPV), qui provoque ce cancer.

Le Groupement romand de la Société suisse des gynécologues et obstétriciens recommande d’effectuer ces examens à la fréquence suivante chez les femmes en bonne santé, sans antécédents:

  • Jusqu’à 21 ans: ni frottis cervico-utérin, ni test HPV.
  • Entre 21 et 29 ans: tous les deux ans un dépistage cytologique (frottis cervico-utérin) si le contrôle est normal, indépendamment de l’âge du début des relations sexuelles. Le test HPV dans un but de dépistage n’apporte pas de bénéfice dans cette tranche d’âge.
  • Entre 30 et 70 ans: tous les 3 ans, à condition qu’au minimum trois cytologies antérieures consécutives aient été négatives.
  • Dès 70 ans: arrêt du dépistage, à condition qu’au minimum trois cytologies antérieures consécutives aient été négatives. Ceci à l’exception des femmes ayant de multiples partenaires sexuels et celles qui sont immunosupprimées (à cause d’une maladie telle que le sida ou d’un traitement comme la trithérapie). Dans ces cas, le dépistage devrait être poursuivi.

Source: Recommandations pour la prise en charge des pathologies cervicales, Isabelle Navarria, Martine Jacot-Guillarmod

Contrôle gynécologique à rythme variable

Ce n’est pas le dépistage du HPV et du cancer du col de l’utérus qui devrait déterminer la fréquence des visites chez son gynécologue et l’examen gynécologique. La Dresse Jacot-Guillarmod préconise la contraception comme point d’ancrage des contrôles, selon le schéma suivant, à adapter en fonction de la situation:

  • Une fois par an pour les jeunes filles au début de leur vie sexuelle, ainsi que pour les femmes irrégulières dans la prise de leur contraceptif ou qui peinent à le supporter.
  • Tous les 18 à 24 mois pour les femmes régulières dans la prise de leur contraceptif et qui le supportent bien.

Palpation des seins

  • Tous les un à deux ans, à tout âge.
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