Orthodontie, les adultes s’y mettent aussi

Dernière mise à jour 14/11/18 | Article
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L’orthodontie ne concerne pas que les enfants et les ados. Beaucoup d’adultes sautent le pas pour répondre à des besoins médicaux ou esthétiques.

«Sourire d’acier», «bouche en métal»: vous vous souvenez encore des sobriquets qui fusaient dans la cour de récré sur le passage des «malheureux» qui, contrairement à vous, n’avaient pas échappé à la case orthodontie. Mais voilà que 10, 15 ou 20 ans plus tard, c’est vous qui êtes sur le point de vous asseoir sur le fauteuil d’un orthodontiste! Les recherches effectuées sur le web avant de vous lancer vous auront sans doute rassuré-e: nombreux sont les adultes qui n’hésitent plus à entreprendre un traitement d’orthodontie et en parlent même ouvertement sur leur blog ou leur chaîne Youtube. Se faire redresser les dents serait-il en train de se banaliser, au point de devenir un incontournable de la panoplie du «bien vieillir»?

Pas d’âge limite

Anne a 60 ans et a terminé son traitement il y a quelque temps, après presque cinq années passées avec des bagues sur les dents! Son contrat prévoyait 18 mois de traitement… «La faute à un os dentaire en béton», explique-t-elle sur son blog – «Orthodontie à 54 ans» – lancé au début de son traitement. C’est finalement elle qui prendra la décision d’arrêter: «J’étais satisfaite du résultat, j’ai donc dit stop. Mais mon orthodontiste n’avait jamais vu cela en vingt ans de carrière», s’amuse la sexagénaire. En effet, la durée moyenne d’un traitement oscille habituellement entre 18 et 24 mois, estiment les spécialistes qui soulignent bien que les variations entre patients peuvent être importantes.

La décision d’Anne a été mûrie de longues années. «Mes "dents de lapin" ne m’avaient jamais vraiment gênée, même si en fait j’évitais au maximum les photos. J’ai pensé à l’orthodontie à la quarantaine, mais j’avais deux enfants et d’autres priorités à ce moment-là.» Quinze ans plus tard, il ne lui faudra qu’une poignée de semaines pour se lancer. A l’ère des grands-parents connectés et de Facebook, impensable pour elle de se passer de photos avec ses futurs petits-enfants! «Mon traitement a été long, mais mes dents ont bougé assez vite dans les premiers mois; et à partir de là, j’ai refait des photos. Ma vie a changé!»

Il ne serait donc jamais trop tard pour s’offrir un sourire de star? «Dans l’absolu, non! On peut entreprendre un traitement à tout âge. Ma patiente la plus âgée a 67 ans, illustre le Dr Daniel Poncin, médecin-dentiste spécialisé en orthodontie à Rolle. Mais il ne faut pas se leurrer, s’il y a des atteintes importantes, on ne peut pas récupérer ce qui est perdu. On tente plutôt de stopper la progression du processus.»

Faire un bilan dès les premiers signes est donc préférable. Si l’orthodontie nécessite une spécialisation de quatre années minimum après la formation initiale en médecine dentaire, le dentiste est souvent le premier à pouvoir alerter sur la nécessité d’un traitement. Mais les patients qui ne consultent pas régulièrement leur dentiste restent nombreux en Suisse. «Parmi ceux-ci, certains constatent par eux-mêmes le développement d’une irrégularité de la position des dents, ce qui les amène alors à consulter, relève le Pr Stavros Kiliaridis, chef de la division d’orthodontie de la Clinique universitaire de médecine dentaire (CUMD) de Genève. Mais parfois le médecin-dentiste découvre qu’elle est due à un problème sous-jacent, comme une parodontite.» Cette inflammation des gencives peut notamment conduire à une destruction des tissus de soutien des dents et provoquer leur déplacement.

Une mâchoire fonctionnelle avant tout

Les patients adultes qui entreprennent un traitement orthodontique se répartissent en quatre catégories. Ceux qui présentaient un problème d’occlusion dès l’enfance mais n’ont pas été soignés. Ceux qui ont un décalage squelettique ne pouvant pas être traité tant que la croissance n’est pas achevée, et pour lesquels une intervention chirurgicale est souvent nécessaire en plus des soins orthodontiques. Ceux qui n’avaient jamais eu de souci particulier jusqu’à ce que le temps fasse son œuvre, avec ou sans pathologie parodontale, car «rien n’est stable dans le corps humain, tout évolue avec le temps, y compris la position des dents», confirme Stavros Kiliaridis. Enfin, les patients qui n’ont pas remplacé tout de suite des dents extraites et qui, au moment de mettre un implant ou un bridge, découvrent que les dents restantes ont changé de position et empêchent la pose d'une prothèse fonctionnelle.

«Les indications pour un traitement orthodontique sont nombreuses, et poser un diagnostic le plus précis possible est fondamental pour offrir le meilleur soin au patient, insiste le Pr Kiliaridis. Un mauvais alignement et/ou un problème d’occlusion peut avoir des causes différentes. Ne traiter que le symptôme sans connaître la cause risque de produire un moins bon résultat, voire d’augmenter les risques pour le patient.» Car l’orthodontie n’est pas qu’une question de dents bien alignées et d’esthétique. L’objectif est avant tout de redonner au patient une dentition fonctionnelle, une bonne occlusion qui permettra de garder les dents et leur support –gencive et os– en bonne santé toute la vie. Enfin, comme tout traitement, l’orthodontie peut comporter des risques. Le praticien doit les expliquer à son patient à l’issue du bilan, lorsqu’il lui exposera l’option la plus adaptée à son cas.

Marketing musclé

Appareils amovibles ou fixes, bagues sur la face externe ou interne des dents, gouttières ou «aligneurs» en plastique: plusieurs options sont aujourd’hui disponibles. «Il y a depuis quelques années un marketing très intense sur les aligneurs, présentés comme une solution idéale pour ceux qui ne veulent pas de bagues, mais les patients doivent comprendre que cette approche n’est adaptée qu’à une minorité de cas», prévient le Dr Poncin. A contrario, les aligneurs «invisibles» pourraient amener à l’orthodontie des personnes qui, jusque-là, n’y avaient jamais pensé. «Pour se lancer dans un traitement, il y a des critères objectifs et subjectifs. Une publicité efficace peut clairement influer sur les seconds et c’est au praticien d’agir selon son éthique professionnelle après avoir discuté avec son patient», estime le Pr Kiliaridis.

Et question marketing, les compagnies leaders du marché ne lésinent pas. L’une avance ainsi qu’«un sourire pourrait vous apporter plus de confiance, d’estime personnelle et de bonheur»! «Les bagues fixes et les autres aligneurs transparents ne peuvent tout simplement pas rivaliser», peut-on également lire sur le site de la marque, qui ne cite pourtant aucune référence scientifique. «Ces dispositifs peuvent aligner les dents, cela ne fait aucun doute. Mais qu’en est-il de la position fonctionnelle des dents et leur stabilité? interroge Stavros Kiliaridis. Par ailleurs, les appareils amovibles et les gouttières ne datent pas d’hier, et les études menées sur ces dispositifs ont mis en évidence une plus grande récidive.» Quelle que soit la technique employée pour obtenir un joli alignement et une occlusion fonctionnelle correcte, le traitement ne s’arrête en effet pas une fois les bagues ou les gouttières déposées. Une contention est souvent nécessaire pour maintenir le résultat obtenu. Elle peut se faire par la pose d’un fil derrière les dents ou le port d’une gouttière durant la nuit.

Dans tous les cas, l’orthodontie n’est pas anodine pour le patient, mais elle touche aussi ses proches. Modifier son sourire, son visage, peut susciter des craintes, la peur de ne plus être tout à fait soi-même. «Mon mari m’a soutenue à 100%, se souvient Anne. Mais mes enfants ont eu plus de réticences. Ils me disaient "Mais nous, on t’a toujours connue comme ça, ça va faire bizarre"». Quant au regard des autres, s’il freine beaucoup de patients, il ne serait en fait pas si pesant une fois l’appareil en bouche. «J’ai eu beaucoup de commentaires sur mon Instagram, très positifs», assure Charlène, blogueuse de 26 ans. Les seuls qui semblent perplexes sont les ados, selon la jeune femme qui rit encore de ce commentaire: «T’es vieille et t’as des bagues, c’est trop bizarre!».

Partenariat patient-médecin

Entreprendre un traitement constitue un engagement financier de plusieurs milliers de francs, les tarifs étant variables selon l’indication, la technique et le praticien. Par ailleurs, le suivi implique de voir son orthodontiste toutes les quatre à six semaines. N’hésitez pas à demander plusieurs avis et devis avant de vous lancer. La confiance est primordiale et la réussite du traitement en dépend aussi. «J’ai eu un premier traitement à 24 ans. J’ai porté des bagues pendant plusieurs mois, puis on m’a annoncé qu’il fallait aussi passer par une chirurgie maxillo-faciale. Je ne me sentais pas en confiance, la relation patient-médecin a été un véritable frein à ce moment-là», se souvient Frédéric, jeune quadra qui a repris un traitement à l’approche de la quarantaine, cette fois-ci en y allant jusqu’au bout. «L’orthodontie, c’est un sujet compliqué, et il est important de bien comprendre tout ce qui va se passer. Il faut trouver un orthodontiste qui sache faire passer tous ces messages et en quelque sorte "préparer le terrain".» Céleste, 36 ans, a vécu un parcours similaire et vient de terminer son traitement après des soins inachevés à l’adolescence: «Les échanges avec des patients sur les forums m’ont aidée, et surtout, cette fois-ci, j’ai trouvé un orthodontiste qui m’a très bien informée».

Le bon médecin sera aussi celui avec lequel on peut aborder les petits tracas du quotidien, de la douleur aux questions sur la vie intime, l’hygiène ou l’alimentation. «J’ai appris à mes dépens qu’on ne mange pas de macarons avec des bagues, sourit Charlène, blogueuse de 26 ans, qui a commencé un traitement en février dernier. Manger en public était stressant au début. Je sais maintenant quels aliments éviter et, au cas où, j’ai mis de petites brossettes dans chacun de mes sacs à main! Je suis aussi intransigeante sur le brossage, essentiel pour ne pas avoir de problèmes de caries ou d’infection.»

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Paru dans Le Matin Dimanche le 16/09/2018.

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