Vitiligo: la palette de traitements s’étend

Dernière mise à jour 22/05/23 | Article
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Ni grave, ni douloureux, ni contagieux, le vitiligo n’en est pas moins éprouvant pour celles et ceux qui voient leur peau se décolorer au fil du temps. Entre stigmatisation et idées reçues, zoom sur les traitements actuels et à venir.

Reconnaissable aux zones blanches qu’il fait apparaître sur le visage, les membres ou le corps tout entier, le vitiligo touche 0,5 à 2% de la population mondiale. S’il est longtemps resté mystérieux, on sait désormais qu’il s’agit d’une maladie auto-immune au cours de laquelle le système immunitaire s’attaque par erreur aux mélanocytes, les cellules à l’origine de la pigmentation de la peau. Les mécanismes en jeu croisent trois faits majeurs. Le premier repose sur des anomalies génétiques (sans gravité) de certaines cellules de la peau (mélanocytes, kératinocytes et fibroblastes). Le deuxième est la réponse erronée (aussi souvent d’origine génétique) qui est donnée par le système immunitaire, celui-ci déclenchant des attaques tous azimuts contre les mélanocytes. Le tout combiné à un troisième facteur: l’élément déclencheur. «On évoque souvent le stress psychologique, mais il faut considérer le stress au sens large, lié à une infection ou une grossesse par exemple», indique le Dr David Alvarez Martinez, médecin interne au Service de dermatologie et vénéréologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et auteur d’un article sur le vitiligo paru dans la Revue médicale suisse (RMS)*.

Thyroïde sous surveillance

Plusieurs pathologies auto-immunes peuvent être associées au vitiligo. La plus fréquente est l’hypothyroïdie dite de Hashimoto. Un bilan biologique s’impose donc en cas de découverte d’un vitiligo. Si cette maladie est démasquée, une prise en charge spécifique sera nécessaire pour la traiter. Car le traitement du vitiligo n’aura pas d’effet sur la pathologie de la thyroïde et inversement.

«La compréhension de ces mécanismes a été une clé décisive pour une meilleure prise en charge de la maladie, même si beaucoup reste à faire», souligne le Pr Thierry Passeron, dermatologue au Centre hospitalier universitaire de Nice en France, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), impliqué dans plusieurs études sur le vitiligo** et co-auteur de l’article paru dans la RMS. Et de préciser: «Pendant des décennies et encore trop souvent aujourd’hui, le vitiligo a été considéré comme une maladie d’origine purement psychologique, inéluctable et nécessitant une protection absolue vis-à-vis du soleil. Tout ceci est erroné et a donné lieu à une souffrance doublée d’un certain fatalisme chez de nombreuses personnes atteintes.»

Solutions thérapeutiques

Et pourtant, des solutions thérapeutiques existent bel et bien: «Les traitements actuels permettent des taux de repigmentation de 70 à 80% pour le visage, 50% pour le corps, 25% pour les coudes et les genoux. Quant à ceux qui sont attendus, ils pourraient faire bien mieux, y compris sur les mains et les pieds qui sont des zones plus difficiles à repigmenter», se réjouit le spécialiste. 

Commençons par la prise en charge actuelle. «La démarche thérapeutique se joue sur deux plans, détaille le Dr Alvarez Martinez. Le premier vise à bloquer le processus immunitaire par le biais de traitements immunosuppresseurs ou immunomodulateurs, par crème ou voie orale. Ils sont à prendre au long cours: leur efficacité ne se mesure qu’au bout de six mois.Quant au second axe, il s’agit de la repigmentation.» Pour ce faire, un ingrédient incontournable: les UV, qu’il s’agisse de ceux du soleil ou les UVB délivrés lors de séances de photothérapie en cabinet médical (et non en institut esthétique, utilisant surtout des UVA, plus nocifs pour la peau) ou via des lampes spécifiques à domicile. «Tout l’enjeu est de stimuler la naissance de nouveaux mélanocytes en parallèle des traitements qui calment les assauts du système immunitaire. Sans cette exposition aux UV, la repigmentation est aujourd’hui extrêmement difficile», explique le Pr Passeron. 

Mais est-elle sans danger, notamment sur ces peaux devenues blanches que l’on imagine plus fragiles? «Les personnes souffrant de vitiligo ont en réalité moins de risques de développer un cancer de la peau. Et pour cause, leur système immunitaire étant enclin à détruire les mélanocytes même parfaitement sains, il sera d’autant plus efficace s’il s’agit d’attaquer des cellules de la peau devenues malignes», poursuit l’expert. Et d’ajouter: «Mais bien sûr, l’exposition doit se faire de façon contrôlée. Pour les UV solaires, l’idée est de s’exposer au moins trois fois par semaine, sur des durées permettant de voir rosir la peau blanchie par le vitiligo (on parle de peau vitiligineuse). Quant aux séances de photothérapie, elles se font à doses progressives. À noter un atout thérapeutique récemmentdécouvert: l’association des UVB avec un antioxydant spécifique (le V‑SOD), qui multiplie par deux le taux de repigmentation.» 

Bilan au bout de six mois

Vitiligo tardif: la vigilance s’impose

D’origine génétique, le vitiligo survient dans près de 80% des cas avant l’âge de 30 ans. Il reste possible que la maladie se déclenche plus tardivement, mais un bilan attentif de la peau s’impose alors. Une dépigmentation soudaine et tardive peut en effet cacher un mélanome. «Il peut arriver qu’en luttant contre des cellules cancéreuses de la peau, le système immunitaire s’emballe et détruise aussi des mélanocytes sains. La dépigmentation qui apparaît alors est due à un mélanome contre lequel se bat l’organisme, et non pas à un vitiligo», explique le Pr Thierry Passeron, dermatologue au Centre hospitalier universitaire de Nice en France et chercheur à l’INSERM.

C’est ainsi qu’au bout de six mois, un bilan peut être fait. Si des progrès sont notables, le traitement est à poursuivre sur plusieurs mois encore. «Si aucune repigmentation n’est apparue, des solutions peuvent être envisagées, comme le maquillage médical (dermopigmentation), principalement pour les lèvres et les mamelons. Si le vitiligo est très étendu, c’est à l’inverse une dépigmentation par laser de zones encore pigmentées qui peut être proposée», indique le Dr Alvarez Martinez. 

Mais un espoir nouveau pourrait découler des traitements à venir. Sous les projecteurs depuis son autorisation de mise sur le marché par l’Agence européenne des médicaments il y a quelques semaines: le Ruxolitinib, une crème «nouvelle génération». Son arrivée est prévue en Suisse d’ici quelques mois. «La stratégie de ce traitement est de bloquer certains mécanismes du système immunitaire déclenchant le vitiligo, les voies dites "JAK", précise le Pr Passeron, dont l’équipe a participé aux recherches sur ce nouveau traitement. De récentes études ont ainsi montré des taux de repigmentation de plus de 90% sur le visage après un an de traitement chez environ un tiers des patients, sans même recourir aux UV.» Et de conclure: «Une véritable révolution est à venir avec ces nouveaux traitements, et ce d’autant que des molécules dites de "deuxième génération" devraient suivre dans les années à venir.»

________

* Alvarez Martinez D, Bertold C, Passeron T, Cortes B. Vitiligo: ce n’est plus une fatalité en 2023.Rev Med Suisse. 2023; 9(820): 637-641. 

** www.cure-vitiligo.com

Paru dans Le Matin Dimanche le 12/05/2023

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