Stresser les mitochondries pour augmenter la longévité

Dernière mise à jour 17/07/14 | Article
La sénescence cellulaire
Les recherches menées sur le vieillissement pointent souvent vers un élément fondamental de la cellule: les mitochondries. Induire un stress mitochondrial modéré permettrait d’allonger la durée de vie.

Repousser les limites imposées par la physiologie est un challenge qui n’a eu de cesse de fasciner l’être humain. La limite ultime étant celle de la mort, cette issue inéluctable à toute forme de vie. Mais espérer vivre plus longtemps, c’est avant tout parvenir à comprendre les mécanismes qui régissent le vieillissement. Depuis une vingtaine d’années la recherche a fourni une quantité importante de données qui ont permis des progrès majeurs dans l’identification de gènes, protéines, hormones, etc., impliqués dans la sénescence. Aujourd’hui de nombreuses hypothèses coexistent, sans pour autant que les rouages intimes du vieillissement n’aient pu être encore clairement élucidés.

Parmi les voies explorées, celles qui ciblent les mitochondries sont nombreuses. Ces éléments cellulaires sont le siège d’une grande quantité de réactions vitales pour les cellules, à commencer par la production d’ATP, source d’énergie. Les mitochondries sont également le siège d’une production massive de molécules oxydantes: les radicaux libres de l’oxygène, qui causent le fameux «stress oxydant». Dès la fin des années 1950, ces radicaux libres ont été désignés comme responsables de nombre d’altérations de la structure et de la fonction cellulaires. Ils sont d’ailleurs depuis devenus un argument marketing majeur pour la vente de produits «anti-oxydants», cosmétiques ou alimentaires, censés aider à lutter contre le vieillissement de nos cellules, et donc de l’organisme entier. Et pourtant aucun mécanisme global impliquant les espèces réactives de l’oxygène et pouvant expliquer le vieillissement n’a pu à ce jour être démontré.

C. elegans, un modèle de choix

Caenorhabditis elegans est un nématode, un petit ver transparent d’à peine un millimètre, et qui ne vit que 17 jours. Il est pourtant l’un des modèles les plus utilisés dans les laboratoires pour étudier certaines maladies génétiques ainsi que la biologie du vieillissement. Mais pourquoi travailler sur un animal aussi éloigné des mammifères? Le fonctionnement cellulaire repose sur des gènes souvent très bien conservés entre les espèces au cours de l’évolution, de la bactérie au mammifère, en passant par le ver. Le génome de C. elegans a été parmi les premiers totalement séquencés à la fin des années 90. Chacun de ses gènes est parfaitement connu, ainsi que le nombre de ses cellules (959) et le devenir de chacune d’entre elles au cours de la croissance de l’animal. Une aubaine pour les chercheurs. Point non négligeable: le ver se reproduit extrêmement vite. Entre le moment où un œuf est pondu et celui où le ver est en mesure de se reproduire, il s’écoule quatre jours. Et à chaque ponte ce sont des dizaines d’œufs qui sont produits. Enfin, C. elegans est hermaphrodite, en conditions de laboratoire. Il se reproduit donc seul, créant ainsi des clones de lui-même, ce qui a l’avantage d’assurer une pérennité des mutations introduites pour étudier la fonction des gènes.

Le paradoxe de la mitochondrie

Les nombreuses recherches menées sur les mitochondries et la longévité tendent toutes à montrer que cet organite, présent en quantité variable dans toutes nos cellules à l’exception des globules rouges, a bel et bien un lien avec les processus responsables du vieillissement. Les conclusions de ces travaux sont pourtant contradictoires: certaines indiquent qu’une diminution de l’activité mitochondriale est bénéfique alors que d’autres prouvent qu’en l’augmentant il est possible d’augmenter aussi la longévité. C’est le «paradoxe de la mitochondrie».

Des chercheurs de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) ont récemment publié des résultats qui apportent un nouvel éclairage sur la relation mitochondries-longévité. Les expériences menées par l’équipe du Pr Johan Auwerx ont débuté sur des souris appelées «BxD». Toutes descendantes d’un seul et même couple d’ancêtres, les différentes lignées de souris partagent un patrimoine génétique, réarrangé génération après génération. Des variations très importantes de longévité existent dans cette population de souris, certaines vivant 300 jours, d’autres 800. Les scientifiques ont pu montrer que les combinaisons de gènes hérités dans les différentes lignées déterminaient pour une part importante l’espérance de vie des souris.

Trois gènes ont particulièrement retenu l’attention des chercheurs. Parmi eux on trouve le MRPS5, dont l’expression est inversement proportionnelle à la durée de vie des animaux. Ce gène joue un rôle dans la production des protéines synthétisées dans la mitochondrie. Par la suite, des expériences ont été menées chez un ver, le C. elegans, modèle de référence pour les études sur le vieillissement. Elles ont montré que l’inhibition de l’expression de MRPS5 allonge l’espérance de vie des animaux de 50%. «Lorsque ce gène est inhibé, la production des protéines est perturbée. La mitochondrie est stressée, elle en informe alors le noyau cellulaire, qui en réponse déclenche la synthèse de protéines dites “de stress”, en particulier les HSP60, qui vont permettre de rétablir l’équilibre mitochondrial», explique Laurent Mouchiroud, responsable du projet.

En se basant sur l’origine bactérienne ancestrale des mitochondries, les chercheurs ont eu l’idée de tester l’effet d’un antibiotique – la doxycycline – connu pour bloquer la production de protéines dans les bactéries. Et l’antibiotique s’est avéré efficace pour reproduire le stress mitochondrial et également pour allonger l’espérance de vie des vers. Un bémol cependant, ces derniers étaient plus petits et moins fertiles, des caractères que l’on retrouve souvent chez les animaux dont on allonge expérimentalement l’espérance de vie. Les chercheurs de l’EPFL sont cependant parvenus, en utilisant une autre substance, à améliorer la longévité tout en évitant ces effets secondaires. La source de jouvence serait-elle proche?

«Il ne faut pas imaginer absorber des antibiotiques ou toute autre molécule pour vivre éternellement, prévient Laurent Mouchiroud. Nous ne ferons pas vivre les hommes plus longtemps parce que nous allongeons la durée de vie des vers!» Le chercheur rappelle que le vrai défi est de parvenir à disséquer les mécanismes complexes impliqués dans le vieillissement afin de mieux lutter contre les maladies associées à la vieillesse. L’espérance de vie ayant déjà largement augmenté, l’objectif est maintenant de permettre à l’homme de rester en bonne santé le plus longtemps possible.

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