Sexualité: comment s’exprime votre désir?

Dernière mise à jour 28/09/22 | Article
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Le désir sexuel est un rêve, un élan vers une envie. Comment comprendre les décalages dans un couple, lorsqu’une des deux personnes se sent moins désirée alors que l’autre a pourtant l’impression d’avoir des envies? Éléments de réponse.

«Je n’ai pas de libido. Je n’ai pas envie de sexe.» Pauline, 35 ans, mère de deux enfants, avec une belle carrière professionnelle, consulte un sexothérapeute car son couple traverse une période difficile. Son mari se plaint du manque de rapports sexuels. Ces types de décalages entre les partenaires sont fréquents. Ils peuvent en partie s’expliquer par une différence de positionnement sur le continuum entre le désir sexuel spontané et réactif.

Pour le dire simplement, le désir sexuel spontané s’impose à nous à tout moment sous forme d’images et de sensations, tandis que le désir sexuel réactif se construit (lire encadré). Dans le cas de ce dernier, la personne accorde de la place physique, mentale, émotionnelle pour se rendre réceptive aux stimuli sexuels. Dans le cas du désir spontané en revanche, les rêveries érotiques, les sensations discrètes ou non qui s’immiscent dans notre quotidien peuvent nous motiver à entreprendre une stratégie de séduction, à créer un moment de plaisir de soi à soi ou simplement à savourer l’attente d’une occasion. Partiellement induit par des facteurs hormonaux, le désir spontané peut nous donner l’impression de surgir de nulle part, même si l’on peut apprendre à connaître ses facteurs déclencheurs.

Un désir enfoui

Tout le monde ne vit pas le désir sexuel sous cette forme naturelle et spontanée. Certaines personnes décrivent à l’inverse une absence de pensées conscientes autour de la sexualité durant la journée. Le travail, les enfants et d’autres occupations ou motivations prenant toute la place. Les rêveries portent sur d’autres contenus, telles que les aspirations artistiques, les voyages, les questionnements existentiels, par exemple. Ce faisant, le sujet sexuel, lorsqu’il jaillit d’une discussion ou d’une approche de séduction de la part d’un partenaire potentiel, peut dans ce cas sembler surprenant, pas forcément malvenu, mais pas immédiatement intégré dans le paysage psychique. «C’est comme si le sexuel était moins proche de la surface de la conscience et qu’il fallait creuser un peu pour lui faire une place, pour qu’il s’emboîte avec les autres pièces de notre puzzle interne», décrit Laurence Dispaux, psychothérapeute et sexothérapeute à Lausanne, co-auteure d’un ouvrage sur la question*. Chez ces personnes, le désir sexuel peut exister, mais il émerge plutôt sur un mode réactif. Selon certaines théories en effet, chez beaucoup, notamment parmi les femmes, le désir sexuel n’est pas toujours présent avant la rencontre sexuelle. En revanche, lorsque l’autre tente une approche par des paroles, des baisers, des caresses qui sont perçus comme adéquats, cela les amène à se positionner: «Suis-je réceptive?», «Suis-je suffisamment à l’aise avec l’autre?», «Suis-je amoureuse, fâchée?», «Est-ce que cela me fera du bien ou fera du bien à mon couple?», «Est-ce que ma tête me dit que ce sera agréable?» Il s’agit donc d’une question de réceptivité interne qui fait que les stimulations seront acceptées comme bienvenues ou pas, excitantes ou pas.

Soigner sa réceptivité

La personne davantage encline à un désir de type réactif peut se préparer mentalement et émotionnellement avant une rencontre qu’elle perçoit comme potentiellement érotique, afin d’augmenter sa réceptivité. Cette ouverture peut aussi se construire à deux, par de petits messages ou attentions tout au long de la journée avant les retrouvailles. Dans le cas du désir réactif, pour autant que l’évaluation interne y donne libre cours, c’est d’abord l’excitation sexuelle qui est accueillie, le désir sexuel se construisant ensuite sur cette base. Parfois, il semble même que le désir sexuel n’apparaît qu’après la rencontre sexuelle, sous forme de «C’était agréable, j’attends avec impatience la prochaine fois».

Si l’on fonctionne sur un mode plutôt réactif, «il ne s’agit en aucun cas de se forcer ou de se mettre la pression pour répondre à une attente (de soi, de l’autre, de la société)», souligne Laurence Dispaux. Le rapprochement sexuel ne sera véritablement consenti que si la personne a «envie d’avoir envie». Aussi, il ne faut pas conclure à une vision du désir sexuel, notamment féminin, comme n’étant que passif et motivé uniquement par l’émotionnel. Quel que soit son genre, chaque personne fonctionne différemment. Enfin, soulignons qu’il existe un continuum entre ces deux polarités du désir. À chacun et chacune de se positionner sur ce spectre, en fonction de la prédominance de l’un ou l’autre de ces deux modes de désir sexuel. Apprendre à les distinguer permet de mieux les accueillir et faire de la place au désir dans le couple, quelle que soit sa manière d’apparaître.

Donner une place à la sexualité

Comment construire le désir dit «réactif»? Quelques pistes pour activer sa disponibilité au désir sexuel et se sentir prêt ou prête lorsque notre partenaire vient à notre rencontre.

  • Protéger les moments propices à la sexualité (par exemple en éteignant écrans et portables).
  • Mettre un frein aux pensées parasites et mettre temporairement de côté les préoccupations et inquiétudes liées au travail ou à la famille.
  • Activer sa réceptivité en préparant son corps (prendre une douche, prendre soin de sa peau, se parfumer, etc.).
  • En faire de même avec ses pensées, c’est-à-dire formuler des messages positifs tels que: «Je vais avoir du plaisir», «Je vais passer un très bon moment», «La sexualité va nous rapprocher, c’est un moment privilégié pour notre couple».
  • Faire vivre son imaginaire en pensant à des moments sexuels déjà vécus, aux positions et caresses que l’on aimerait donner ou recevoir, à celles que l’on souhaite garder pour soi, etc.

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* Adapté de Le désir de la femme. Guide pour le couple, se comprendre et se retrouver, Laurence Dispaux et Yvonne Iglesias, Éd. Planète Santé, 2022.

Paru dans Planète Santé magazine N° 46 – Septembre 2022