Les personnes autistes peuvent avoir de l’empathie

Dernière mise à jour 05/02/14 | Article
Les personnes autistes peuvent avoir de l’empathie
Contrairement à ce que l’on croyait jusqu’ici, les autistes sont capables de percevoir la douleur sur le visage d’une personne qui souffre, comme viennent de le montrer des chercheurs lausannois.

Les personnes autistes paraissent isolées dans leur monde intérieur. Affectées, dès leur plus jeune âge, par un sévère trouble du développement, elles ont en effet des difficultés à communiquer, ont du mal à établir des liens sociaux et présentent des troubles du comportement. Parce qu’elles ne parviennent pas à percevoir les émotions de leurs semblables et donc à ressentir pour eux de l’empathie? C’est ce que l’on pensait jusqu’ici, mais cette explication est aujourd’hui démentie – du moins en ce qui concerne la douleur. Les autistes sont tout à fait capables de «lire» la souffrance sur le visage d’une personne qui a mal et de ressentir pour elle de l’empathie. C’est ce que viennent de montrer des chercheurs de l’EPFL et de l’Université de Harvard (Etats-Unis), en collaboration avec leurs collègues des universités de Brest (France) et de Gothenburg (Suède).

Différentes formes d’empathie

Les scientifiques ont fait appel à une quarantaine d’adolescents et de jeunes adultes autistes, ainsi qu’à un nombre équivalent de Lausannois recrutés dans la population générale, à titre de groupe contrôle. A tous, ils ont présenté de brefs clips montrant le visage de patients souffrant d’une épaule. Ceux-ci avaient des grimaces de douleur lorsqu’ils bougeaient leur articulation malade, mais ils restaient neutres quand ils agitaient l’autre bras.

Les volontaires des deux groupes devaient ensuite remplir des questionnaires destinés à «évaluer leur niveau d’empathie sociale, cognitive et émotionnelle», explique la principale auteure de cette étude, Nouchine Hadjikhani, médecin et spécialiste des neurosciences, qui travaillait alors au Brain Mind Institut de l’EPFL.

Les chercheurs n’ont pratiquement pas constaté de différence entre les autistes et le groupe témoin pour ce qui est de l’empathie dite «émotionnelle», celle qui fait que nous sommes bouleversés par la souffrance d’autrui. Toutefois, comparées aux autres, les personnes autistes manifestaient beaucoup moins d’empathie «cognitive» (celle qui nous incite à nous mettre à la place de l’autre) et d’empathie «sociale» (celle qui nous permet de savoir «ce qui se fait», ou non, quand on est en société).

Comme les médecins

Cette conclusion a été confirmée par l’observation du cerveau des volontaires à l’aide de l’imagerie cérébrale. «Les résultats ne correspondaient pas du tout à ce que l’on attendait, souligne Nouchine Hadjikhani. Nous avons en effet constaté que, statistiquement, les images n’étaient pas très différentes» entre les deux groupes. En d’autres termes, en voyant un visage exprimant de la souffrance, les autistes activent, comme tout un chacun, la «matrice de la douleur». Il s’agit de ces zones cérébrales qui «s’allument» non seulement quand nous avons mal nous-mêmes, mais aussi lorsque nous voyons quelqu’un d’autre souffrir. En revanche, les personnes autistes activaient davantage les régions du cerveau liées au contrôle des émotions.

Cela indique que «les autistes ressentent eux aussi la douleur des autres, mais ils n’arrivent pas à comprendre cette émotion, explique la chercheuse. En outre, ils sont hypersensibles et ne parviennent pas à réguler leurs propres réactions émotives. Donc, ils se protègent».

Etonnement, le cerveau des médecins réagit de la même manière, comme l’avait révélé une tout autre étude. Ces professionnels de la santé, qui côtoient quotidiennement la douleur de leurs patients, utilisent la même stratégie cérébrale pour contrôler leurs émotions. Et pour se préserver.

L’étude lausannoise jette donc un nouvel éclairage sur l’autisme. Les personnes atteintes de ce trouble ne sont pas insensibles à la douleur de leur entourage, bien au contraire. Mais elles se blindent pour se prémunir d’une émotion qui, sinon, viendrait les submerger. C’est sans doute pour cette raison qu’elles ne se comportent pas comme on le fait généralement lorsqu’on est en présence de quelqu’un qui souffre.

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