«Thigh-gap»: une obsession dangereuse

Dernière mise à jour 31/01/14 | Article
«Thigh-gap»: une obsession dangereuse
L’obsession de l’ultra-minceur semble avoir son nouvel emblème: le «thigh-gap». Ou comment afficher un écart maximal entre ses cuisses. Derrière la tendance, qui fait rage chez les adolescentes, un véritable danger: celui de voir les plus fragiles basculer dans l’anorexie mentale.

Rêver d’avoir des jambes minces et fuselées n’a, a priori, rien de nouveau. En la matière, il y a forcément des inégalités… Ainsi, certaines femmes présentent un espacement naturel entre leurs cuisses lorsqu’elles sont en position debout, pieds joints. D’autres pas. Question de masse corporelle, d’activité physique, mais également de nature. Certaines ne pourront en effet jamais voir d’espace se dessiner entre le haut de leurs jambes, du fait de la structure de leur bassin, au même titre qu’il est impossible d’augmenter l’espace entre ses deux yeux. Sauf que depuis quelques mois, un terme, le «thigh-gap» (littéralement, écart entre les cuisses), est venu baptiser cette particularité de certaines silhouettes féminines. Comme une traînée de poudre, il a déferlé sur les forums et réseaux sociaux, et s’est immiscé dans les discussions d’école. Si ce terme pose problème, c’est parce qu’il va bien plus loin qu’une simple comparaison de morphologie: il devient la quête absolue d’adolescentes prêtes à toutes les privations alimentaires pour l’obtenir.

Véritable phénomène?

Faut-il pour autant parler de phénomène en soi? En réalité, pas vraiment, estime la Dresse Alessandra Canuto, psychiatre responsable du programme Espaces de soins pour les troubles des comportements alimentaires (ESCAL) des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG): «Le thigh-gap n’est à l’origine rien d’autre que la manifestation de la minceur, tout comme l’est le ventre plat par exemple. A ce titre, il peut servir d’indicateur de son propre corps face au miroir. Beaucoup d’adolescentes vont pouvoir aborder le sujet avec une simple curiosité, éventuellement comme motivation pour se mettre au sport et avoir des jambes un peu plus galbées, et l’histoire s’arrêtera là!»

Reste que pour d’autres, le thigh-gap a pris une tout autre ampleur. Ainsi s’échangent, sur les plateformes qui y sont consacrées, conseils, photos comparatives… et messages de détresse face à un objectif devenu obsession. Et c’est l’engrenage. «Pour des jeunes filles plus fragiles, chahutées par une adolescence qui leur fait perdre leurs repères, en proie à un certain mal-être, ce qui apparaît au départ comme une recherche d’amaigrissement somme toute assez banale, peut rapidement basculer vers l’anorexie mentale, explique le Dr Laurent Holzer, médecin adjoint au Service Universitaire de Psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent de Lausanne. Avant de rappeler que «l’anorexie est une maladie grave, dont il est difficile de se remettre définitivement. La guérison est souvent un processus long, avec des risques de rechute élevés.»

Si les chiffres font état en Suisse d’un taux relativement faible de cas d’anorexie mentale –0,5% de la population– le taux de mortalité qui y est associé frôle les 5%, une proportion considérable pour un trouble mental. Quand les symptômes se manifestent, une prise en charge rapide, aussi précoce que possible, est donc essentielle.

Une perte de poids jamais suffisante

Les signes qui doivent alerter? «Des restrictions alimentaires exagérées, du sport à outrance, une vie sociale qui s’amenuise et surtout une tristesse profonde qui se cristallise autour d’une perte de poids jamais suffisante», indique la Dresse Canuto.

Retour à ce débat: faut-il incriminer l’image de stars et de mannequins maigrissimes? L’impact de telles figures est indéniable sur l’image de la beauté que se font les adolescentes. Alors, «des initiatives comme celles des autorités espagnoles, qui ont refusé de faire défiler sur leurs podiums des mannequins ayant un Indice de Masse Corporelle (IMC) inférieur à 18 doivent être encouragées» (pour exemple,un IMC de 18 correspond à un poids de 56 kg pour une femme mesurant 1,75 m, ndlr), estime le Dr Holzer. Mais le dialogue et la prise de distance sont également essentiels: «il y aura toujours dans les magazines des images d’actrices rayonnantes mais n’ayant que la peau sur les os. Adopter leur silhouette propulsera-t-il une jeune fille en une des mêmes tabloïds? Evidemment pas, relève la Dresse Canuto. Notre rôle de médecins, de parents, est aussi de porter la réflexion avec les adolescentes en ce sens…»

Quelques contacts utiles

  • Espaces de soins pour troubles du comportement alimentaire (ESCAL), Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), Tél.: 022 372 38 62
  • Service Universitaire de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent (SUPEA), Lausanne, Tél.: 021 314 19 53 (Consultation du Bugnon)
  • Association Boulimie Anorexie (ABA), Lausanne, Tél.: 021 329 04 39
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